La faculté de médecine de Montpellier néglige-t-elle les conflits d’intérêts ?

Zéro point, tel est le score de la faculté de médecine de Montpellier dans le classement de Formindep qui évalue pour la 1e fois l’indépendance des 37 facultés de médecine françaises vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques. Publié le 9 janvier par la revue scientifique internationale Plos One, ce palmarès révèle que seules neuf facultés échappent au zéro pointé.

À Montpellier, les étudiants en médecine n'ont aujourd'hui pas la garantie d'un parcours universitaire préservé du lobby pharmaceutique. Un cas de figure que relève la revue scientifique Plos One dans la majorité des facultés de médecine françaises, selon le classement de l'association Formindep, qu'elle a publié le 9 janvier.

Pour la première fois en France, un palmarès visant à établir l'indépendance de la formation médicale vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques a été réalisé dans le cadre de cette enquête. À l'origine de ce travail, l'association Formindep qui défend « une formation et une information médicale indépendante » à laquelle s'est adjointe l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF).

« Au cours des études médicales, les futurs médecins sont très tôt soumis à l'influence de l'industrie pharmaceutique, indique Formindep. Celle-ci est omniprésente par le biais des réunions, repas offerts et cours dispensés par des professeurs leaders d'opinion liés financièrement à l'industrie. »

Réponse de trois doyens sur 37

Quelles politiques mettent en œuvre les facultés de médecine pour protéger leurs étudiants vis-à-vis des conflits d'intérêts ? Pour répondre à cette question, Formindep s'est inspirée d'une démarche équivalente initiée aux États-Unis en 2007 par l'Association américaine des étudiants en médecine (AMSA).

« Notre classement est fondé sur treize critères, indique le néphrologue Jean-Sébastien Borde, adhérent de Formindep. Pendant près d'une année, nous avons recueilli des données issus des sites internet des facultés, mais aussi du terrain, par le biais de témoignages des enseignants et des élèves. Enfin, nous avons demandé des informations aux doyens de chaque faculté et seuls trois d'entre eux nous ont répondu. »

Montpellier, mauvais élève

La grille d'évaluation n'était pas à l'avantage de la faculté de Montpellier qui n'a recueilli aucun point sur un maximum possible de 26. Une performance qui la place en position d'ex æquo avec 27 autres facultés de médecine en France.

Un point a été attribué à sept établissements (Aix-Marseille, Lyon Sud, Paris Descartes, Paris Diderot, Rennes 1, Strasbourg et Toulouse Purpan) en faveur des « quelques enseignements sur les conflits d'intérêts » qui y sont dispensés. Numéro deux du classement, la faculté d'Angers cumule quatre points. Elle est dépassée par la faculté de Lyon qui arrive en tête avec un score de cinq points.

« On va mieux faire »

Contacté à trois reprises par l'association, le doyen de Montpellier, Michel Mondin, n'a pas donné suite aux sollicitations de Formindep. Non joignable mardi 10 janvier, ce représentant de la faculté de médecine n'a pas pu exprimer son point de vue à Objectif Languedoc-Roussillon.

Questionné sur l'absence de collaboration de la faculté de Montpellier au travail mené par Formindep, Michel Chammas, le vice-doyen de l'établissement, botte en touche en précisant ne pas avoir été informé de ces sollicitions. Face au constat du score nul obtenu par la faculté de médecine de Montpellier, il promet un « effort de transparence » et reconnaît la nécessité « participer au classement ».

Réglementation méconnue ?

« Depuis quelques années, il y a une prise de conscience par la communauté médicale des dangers que peuvent représenter certaines relations avec l'industrie pharmaceutique, constate Michel Chammas. La pression n'est pas tant dans les facultés mais surtout au niveau des établissements de soins car dans les formations, on parle de molécules davantage que de noms commerciaux. Néanmoins, la transparence en matière de conflits d'intérêts est importante dans l'enseignement, autant pour les élèves que pour les professeurs. »

Cet effort de transparence est d'ores et déjà réglementé puisque les enseignants-chercheurs doivent, depuis la loi santé de Marisol Touraine, faire état de leurs liens avec l'industriel pharmaceutique devant leurs étudiants, en début de cours.

« Ce type d'information n'est pas spécifié lors des cours, concède Michel Chammas qui méconnaissait cette disposition réglementaire. En revanche, aujourd'hui, les articles scientifiques que nous produisons imposent de fournir ces données. »

Nouvelle fac, nouvelle pédagogie ?

La nouvelle faculté de médecine qui sera opérationnelle en juin prochain pourrait illustrer une approche pédagogique plus critique et préventive quant au pouvoir du lobby pharmaceutique.

« Sur les six niveaux que compte la nouvelle faculté, deux d'entre eux sont consacrés à l'apprentissage par simulation, explique Michel Chammas. L'un des objectifs est de pouvoir tester le matériel de l'industrie pharmaceutique et le mettre à l'épreuve. Cette pratique va nous permettre d'accompagner nos jeunes médecins en leur donnant un certain mode opératoire pour se comporter face à la pression industrielle. »

La garantie d'une médecine indépendante exige une travail « plus vaste », estime Michel Chammas qui pointe le danger de « la concentration des grands labos et la perte consécutive du potentiel innovant de ce secteur ». En outre, en matière de réglementation, le médecin évoque les différences de fonctionnement entre le CHU et le secteur libéral.

« Aujourd'hui, le choix du matériel fait l'objet d'appels d'offres dans les CHU, indique le Michel Chammas. Cela induit un cadre d'exercice des dispositifs médicaux réglementé et contraint. Or, ce n'est pas le cas dans le libéral. Je suis un potentiel patient de la médecine et ce sujet me préoccupe inévitablement. »

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