Le 1er Forum Smart City de Montpellier révèle une ville à réinventer

Smart City, ville intelligente et durable : un concept émergeant à la définition mouvante, qui touche de nombreux domaines de la vie quotidienne et engage de multiples acteurs sur un territoire. Comment construire la ville de demain ? Quelles conséquences sur nos comportements ? Comment mobiliser les citoyens sur ces enjeux ? Telles étaient les questions posées par Objectif Languedoc-Roussillon et La Tribune, le 29 mai à Montpellier, lors du 1er Forum Smart city.
Un plateau de 16 experts a été réuni pour l'événement.

« La ville intelligente, c'est réfléchir à deux échelles : celle de la vie quotidienne et celle des relations intimes que l'on peut nourrir avec la planète... La ville intelligente peut rendre efficaces les politiques publiques. »

Telle est la définition que donnait Philippe Saurel, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, en préambule du 1er Forum Smart City organisé le 29 mai 2015 au Corum à Montpellier par Objectif Languedoc-Roussillon et La Tribune. Près de 350 personnes ont assisté aux deux tables rondes qui ont réuni 16 experts.

« La Smart City doit permettre à la ville de dépenser moins d'argent, mais aussi de créer une plate-forme d'innovation pour redistribuer ces données aux acteurs du territoire », définit Philippe Sajhau, vice-président en charge de l'initiative Smarter Cities chez IBM France.

Le projet Smart City de la capitale languedocienne, dans lequel plus de 4 M€ ont été injectés, se base sur quatre programmes de R&D (PRD) : une plate-forme collaborative ; le transport et la mobilité ; l'eau et l'hydraulique ; et la gestion des risques (inondations, pollution...). L'originalité de la démarche montpelliéraine réside dans cette globalité, tandis que les autres projets ailleurs sont souvent plus resserrés.

Des avancées concrètes à Montpellier

Au chapitre de la prévention des risques, Alix Roumagnac, président de Prédict Services à Castelnau-le-Lez (34), annonce que le PRD Gestion des risques est entré dans sa phase finale, avec le retour imminent des études comportementales. La PME régionale, qui aide les collectivités lors d'épisodes météorologiques à risque, mettra en service début juin une application pour les particuliers (MyPredict) sur tout le territoire national, « et qui pourrait fonctionner sur tout le globe à terme », déclare Alix Roumagnac.

La société aixoise Cityway fait partie des acteurs œuvrant sur la question des transports.

« L'objectif est d'optimiser les déplacements des voyageurs, explique Laurent Briant, le directeur général. Les bénéfices attendus sont des déplacements plus fluides et simplifiés pour les voyageurs, et l'optimisation des moyens financiers pour les collectivités. Cela nécessite de collecter et de mettre en cohérence des masses de données très importantes auprès de la SNCF, de la TAM, des autoroutes, des gestionnaires de parkings ou de vélos, etc. »

Appel à idées : les lauréats dévoilés

Philippe Saurel profitait de la tribune qui lui était donnée pour dévoiler les lauréats de l'appel à idées lancé par la Métropole : Tweetping (30 000 €) permettra aux entreprises de mesurer leur présence sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, mais aussi, pour les collectivités, de mesurer l'opinion des citoyens ; Faciligo (15 000 €) mettra en relation, via une plate-forme numérique, des voyageurs à mobilité réduite avec des voyageurs autonomes ; enfin Senior.Home (5 000 €) analysera le comportement des personnes âgées à domicile. Un coup de cœur a été décerné à l'application Hurry up, dont la vocation est de simplifier la mobilité des usagers des transports.

Les énergies, incontournables dans le débat

Si l'énergie n'est pas encore inscrite au programme de la Smart City, ça ne saurait tarder tant le sujet est porteur d'enjeux majeurs.

Chez les énergéticiens français, la question de mettre de l'intelligence dans la production et la consommation d'énergie est prise en compte depuis longtemps.

« Le réseau gaz devient de plus en plus intelligent », fait observer André Sautet, directeur territorial régional Languedoc-Roussillon chez GRDF, qui évoque le développement du GNV (gaz naturel pour les véhicules : les 140 bus de la Métropole de Montpellier fonctionnent depuis 15 ans au GNV et pourraient à terme utiliser du bioGNV qui ne génère quasiment aucune pollution, NDLR), la sécurité de l'approvisionnement grâce aux objets connectés, les compteurs communicants (11 millions d'exemplaires seront installés en France).

« Il faut être capable de réconcilier la vision long terme et les projets de court terme, préconise Jean-Noël Guillot, directeur de la Direction des projets territoriaux d'EDF. Il faut chercher localement comment réconcilier la signature énergétique d'un territoire. On n'est pas sur des solutions standardisées, mais construites au cas par cas. Mais pour toucher le grand public, il faut porter des services de grande échelle, comme l'offre Équilibre que nous avons lancée. »

Demain, autoconsommer ?

Avec la multiplication de producteurs individuels d'énergie (particuliers ou entreprises), se pose la question de l'autoconsommation dans un nouveau système de production décentralisée.

« L'électricité aujourd'hui est d'origine diverse et intermittente, et la transition énergétique veut de plus en plus impliquer les citoyens, rappelle Bernard Castille, directeur d'ERDF Méditerranée. Nous ne sommes pas dogmatiques sur la question de l'autoconsommation... Il faut jouer la complémentarité entre énergies centralisées et décentralisées. Entre les deux, il y a le réseau. Mais il faut voir quelle influence cela aura sur le réseau de distribution, car cela pourrait remettre en cause le système de péréquation tarifaire par exempleL'intérêt du comptage communicant (compteurs Linky, NDLR), c'est que l'on donnera aux fournisseurs d'énergie des informations leur permettant de produire de l'énergie au moment où les usagers en ont besoin. »

« Le dernier problème des énergies renouvelables, c'est la synchronisation entre la production et la consommation, observe Grégory Lamotte, président de Comwatt à Montpellier. Nous mettons des prises intelligentes derrière les objets pour qu'ils consomment au moment où l'énergie est produite. »

Dimension citoyenne

Mais la Smart City, mise en œuvre par les collectivités et les entreprises, ne peut prendre du sens que dans la mesure où elle sert le citoyen, où celui-ci s'implique, se mobilise et s'empare des outils. Dès lors, les démarches sont-elles suffisamment tournées vers les habitants d'un territoire ?

« La clef, c'est l'adoption par l'usager final, assure Philippe Baudouin, responsable de la Practice schémas directeurs numériques à l'IDATE. Il faut trouver les moyens pour que ces services soient jugés utiles et amènent des changements de comportement. »

« C'est la dimension collaborative qui va donner la force à la Smart City, déclare Émilie Forster, responsable des Offres smart pour le groupe ENGIE. Il faut voir les projets comme des démarches évolutives, et réfléchir comment engager les citoyens dans ces projets. Cela demande une co-construction massive, et une phase d'accompagnement au changement. Il faut apprendre aux citoyens quels sont les usages et les bénéfices pour eux. »

 « Nous restons dans l'énorme défaut et vertu de la France : une structure du haut vers le bas, regrette Francis Pisani, journaliste, écrivain, expert TIC, innovation et ville intelligente. Demander la participation des citoyens pour produire des données, d'accord, mais il faut aussi leur permettre d'intervenir dans la gestion du territoire qu'ils habitent. »

Des routes et des gares

La Smart City étend ses ramifications à tous les étages de la vie quotidienne. Y compris sur les routes et dans les gares.

« Le projet "Route 5e génération" est un démonstrateur de routes servicielles pour rendre de nouveaux services aux usagers de la route, explique Nicolas Hautière, directeur de projet au Département Composants et Systèmes pour l'IFSTTAR. Nous essayons de faire une route intelligente, durable, à énergie positive qui va s'intégrer dans les projets Smart City. »

Parmi les innovations expérimentées par l'IFSTTAR : transformer les routes en panneaux solaires pour alimenter les services autour de la route (panneaux, signalisation, etc.), le transfert d'énergie sans contact au véhicule électrique, ou l'alerte des gestionnaires quand les routes se dégradent.

« Aujourd'hui, il faut voir la gare comme un hub de mobilité dans la ville, déclare quant à lui Mathieu Belouar, responsable du Département Marketing, digital et web de la SNCF Gares et connexions. D'où notre ambition de créer des gares intelligentes. »

Et d'annoncer les trois axes de développement du projet de SNCF Gares et connexions : la production d'énergie via des panneaux solaires, par la marche des gens, ou par récupération lors du freinage des trains ; le déplacement du voyageur d'un transport à l'autre ; les services aux voyageurs (co-working, casier de clic and collect, etc.).

L'avantage pris par le projet montpelliérain, c'est que « cet écosystème est aujourd'hui à même de répondre à des appels d'offres sur d'autres territoires », affirme Philippe Sajhau chez IBM.

Mais Philippe Saurel met en garde : la condition sine qua non de la mise en œuvre des démarches Smart City est la connexion en THD des territoires et des citoyens. Une connexion qui n'est pas encore aujourd'hui partout égale.

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