Dans l’Aude, l’Inra déguste les premiers vins du futur

Pour palier aux changements climatiques affectant l’avenir du vignoble français, des chercheurs de l’Inra cultivent une parcelle expérimentale de cépages résistants aux maladies sur le site du Pech-Rouge, dans le massif de la Clape. Les premiers millésimes 2014 ont été dégustés le 17 avril. Une première en France.
Jean-Noël Lapeyre (chef de culture à Pech Rouge) et Laurent Torregrossa, enseignant chercheur à Montpellier SupAgro, sur la parcelle expérimentale de l'Inra Pech-Rouge.

Ils n'ont pas encore de nom, juste un numéro, mais ces vins, trois rouge et deux blanc « ni habillés, ni assemblés », pourraient bien être les cépages du futur. « Issues d'hybrides conçus pour encaisser les maladies aggravées par le réchauffement climatique, type oïdium et mildiou, ces créations variétales représentent une innovation de rupture », commentait Jean-Louis Escudier, ingénieur de recherche à l'Institut national de recherche agronomique (Inra), lors de la dégustation vendredi 17 avril, du premier millésime historique : la vendange 2014, tirée à cent bouteilles pour ce premier lot.

Durcissement des périodes de sécheresse, températures trop élevées, etc., font prendre au raisin un degré d'alcool par décennie. « Avec des prévisions d'augmentation de température inquiétantes, représentant une hausse en alcool de deux degrés dans les cinquante prochaines années, ce sont des pans entiers de la viticulture mondiale qui sont appelés à évoluer », observe Laurent Torregrossa, enseignant chercheur à Montpellier SupAgro et intervenant sur le programme « Viti-durable » (cofinancé par le CIVL et France Agrimer), mené à Gruissan par l'Inra en association avec l'Institut français de la vigne (IFV).

« On va assister dans l'avenir à une migration de la viticulture vers le nord, reprend le chercheur, mais cette alternative n'est pas acceptable pour les ères d'appellation, par essence non délocalisables ».

Une première  nationale

Dans ce contexte, l'innovation variétale représente une issue. Mais alors que l'Italie, l'Allemagne et la Suisse ont déjà mis en marché leurs premiers cépages résistants de type mono génique et que depuis trois ans les premiers plants allemands sont expérimentés sur des parcelles de l'Aude et de l'Hérault, à l'initiative des Chambres d'agriculture départementales et régionale, la France est à la traîne en terme de transfert.

C'est donc une première nationale pour l'unité du Pech-Rouge, propriété de l'Inra sur le massif de La Clape, qui cultive dans le plus grand secret ces raisins du futur mono et pluri génique.

« Sur 2,5 hectares découpés en bloc de 0,5 ha par génotype, les premiers hybrides tolérants aux maladies ont été plantés en 2012, mixés de façon aléatoire avec des vignes témoins de syrah et de picpoul blanc », détaille Hernan Ojeda, directeur de Pech-Rouge.

La particularité du site gruissanais, qui le rend unique face à d'autres expérimentations conduites au même moment en Anjou ou en Alsace ? La superficie de cette parcelle expérimentale, qui va permettre aux chercheurs d'avoir « une masse critique de pression parasitaire », selon Jean-Louis Escudier et de déterminer ainsi avec exactitude la « durabilité de résistance de ces variétés aux maladies » en contexte méditerranéen. Les chercheurs Bordelais de l'Inra, l'UMR SAVE, viendront maintenant régulièrement suivre cette parcelle.

Alors que trois premiers agréments sont attendus en 2017, le programme se déploie en 2015 avec l'installation progressive d'un dispositif de 10 parcelles (huit hybrides, deux vignes témoins) sur cinq hectares. « D'autres agrémentations suivront, au rythme d'une nouvelle inscription au catalogue tous les deux ou trois ans », assure-t-il.

À la différence des cépages mono génique développés par les Allemands, les variétés françaises limiteraient l'utilisation d'intrants agricoles, en combinant qualité des raisins et résistance aux champignons. « On nous a souvent reproché d'être trop prudents en refusant d'inscrire au catalogue des cépages qui auraient pu se révéler par la suite non résistants aux maladies. L'Inra étant le créateur de ces variétés, il en a la propriété juridique avec l'IFV sous la marque ENTAV INRA », conclut Jean-Louis Escudier. Patience donc jusqu'en 2017, date à laquelle les vignerons pourront planter ces cépages du futur.

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