Sweep veut rendre vertueux le recours aux crédits carbone pour la décarbonation des entreprises

L’achat de crédits carbone permet à des pays ou des entreprises qui ne parviennent pas à remplir leurs objectifs climatiques de participer au financement de la neutralité carbone globale. Un mécanisme instauré par le protocole de Kyoto et souvent critiqué. La startup montpelliéraine Sweep, qui permet aux entreprises émettrices de CO2 de piloter leur stratégie carbone, développe une fonctionnalité pour rendre les achats de crédits carbone plus vertueux. Et donc les entreprises plus contributives à la lutte contre le changement climatique. Explications.
Cécile Chaigneau
La plateforme Sweep, qui permet aux entreprises émettrices de carbone de piloter leur stratégie carbone, propose une méthode pour rendre plus vertueux l'achat de crédits carbone.
La plateforme Sweep, qui permet aux entreprises émettrices de carbone de piloter leur stratégie carbone, propose une méthode pour rendre plus vertueux l'achat de crédits carbone. (Crédits : DR)

La plateforme Sweep, lancée en 2020, permet aux entreprises émettrices de carbone de piloter leur stratégie climatique en mesurant et cartographiant leur empreinte carbone puis en agissant pour la réduire. Positionnée sur l'un des plus gros enjeux planétaires du moment, la jeune startup montpelliéraine, cofondée par Nicolas Raspal, Rachel Delacour, Raphaël Gueller et Yannick Chaze, s'est attirée l'intérêt des investisseurs puisqu'elle a déjà levé quelque 100 millions de dollars.

Lire aussiEmpreinte carbone des grandes entreprises : la startup Sweep lève 73 millions de dollars

Aujourd'hui, la startup annonce une cinquantaine de clients et quelque 5.000 utilisateurs basés sur quatre continents. Et elle poursuit le développement des fonctionnalités de sa plateforme pour offrir aux entreprises diverses actions dans leur stratégie de décarbonation.

« S'il était déjà possible d'acheter des crédits carbone sur la plateforme Sweep, nous venons de mettre au point une nouvelle méthodologie sur l'usage des crédits carbone pour aider les entreprises à avoir un impact positif dans cette démarche, explique à La Tribune Renaud Bettin, vice-président of Climate Action chez Sweep. Sur la partie contribution, notre logiciel n'avait pas encore intégré cette méthode sur l'achat de crédits carbone et cette fonctionnalité sera complètement opérationnelle début 2023. De cette manière, les entreprises affirment leur rôle central de contributeurs à la construction d'un avenir bas carbone, inclusif, et juste. »

« Ce que nous critiquons, c'est l'usage des crédits carbone »

Pour rappel, le mécanisme des crédits carbone est un dispositif international d'échange, sous forme d'actifs, d'unités de réduction des émissions de CO2, l'idée étant de permettre à des pays ou entreprises qui ne parviennent pas à remplir leurs objectifs climatiques d'acheter des quotas d'émissions de CO2 issus de projets de réduction ou de séquestration d'émissions de gaz à effet de serre, afin de les intégrer à leur propre bilan. Un mécanisme qui permet de débloquer des financements internationaux pour décarboner l'économie des pays en développement.

« A l'origine, on appelait ça les crédits de compensation en cas de dépassement d'un plafond d'émissions de gaz à effet de serre,un crédit carbone étant égal à une tonne de CO2 réduite ailleurs, rappelle Renaud Bettin, qui, avant d'embarquer dans l'aventure Sweep, était le cofondateur de Net Zero Initiative chez Carbone 4 et expert de la compensation carbone. Ce mécanisme est né en 1997 à Kyoto (le protocole de Kyoto, premier accord sur le climat signé en décembre 1997 et entré en vigueur en 2005, vise à réduire les émissions de six gaz à effet de serre, NDLR). Dès les années 2000, les entreprises non contraintes par ces obligations se sont dit que c'était une bonne façon de compenser leurs émissions : c'est ce qu'on appelle l'utilisation volontaire des crédits carbone, et qui nous amène aujourd'hui dans la situation ubuesque où des vendeurs de produits ou de services qui accélèrent le changement climatique peuvent afficher une neutralité carbone grâce à ces crédits carbone. C'est de l'anti-éducation ! Sweep ne critique pas le mécanisme de crédits carbone car il est nécessaire pour pays qui n'ont pas les moyens financiers de développer des projets. Les fonds générés par la vente de crédits carbone sont donc indispensables. Mais ce que nous critiquons, c'est l'usage des crédits carbone. »

L'une des principales critiques opposées au mécanisme de crédits carbone est, en effet, le risque de greenwashing de la part d'entreprises qui, par ce mécanisme, pourraient s'offrir une neutralité carbone - et parfois dans des projets de mauvaise qualité environnementale - tout en se dédouanant de tout effort d'atténuation réelle de leurs émissions.

Lire aussiCinq questions sur les crédits carbone, ce mécanisme au cœur de l'accord de la COP26

« Une taxe carbone interne qui donne un "budget de guerre" »

« Sweep permet de piloter la stratégie carbone des entreprises, et dans cette action climatique, il y a notamment l'achat de crédits carbone, mais il est temps de s'affranchir des allégations de neutralité carbone et de motiver l'achat de crédits carbone avec un impact positif, répète Renaud Bettin. Sweep a donc développé une méthodologie novatrice pour faire des crédits carbone un atout : elle limite les risques financiers et réputationnels des organisations qui achètent des crédits carbone tout en renforçant la dimension morale de leur programme climatique. »

Le dirigeant énonce alors une méthode en trois étapes. Tout d'abord la création d'une taxe carbone interne : « Cette taxe interne permet de refléter les coûts et dommages de la pollution que l'on veut réduire, de donner un prix au carbone, et ainsi de créer un signal incitant à réduire les émissions à la source ». Le  dirigeant propose alors de flécher les fonds générés par la taxe interne vers la stratégie de contribution de l'entreprise, comme le financement d'initiatives de réduction (directes et indirectes) et l'achat de crédits carbone.

« Cette taxe donne un "budget de guerre" à l'entreprise pour financer la réduction d'émissions de CO2, ajoute Renaud Bettin. Ça peut être pour aider un salarié à acheter un vélo, pour acheter du biogaz local, pour transformer la gamme de produits ou pour acheter des crédits carbone. »

Enfin, l'entreprise est invitée, sur la plateforme Sweep, à construire « un portefeuille de projets carbone pertinent, aligné avec sa stratégie et répondant en priorité aux besoins des populations des pays dans lesquels ces projets sont mis en œuvre ».

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.