"En France, la fiscalité est organisée pour protéger la rente"

France Angels, la fédération nationale des business angels, tient son université d'automne à Montpellier, les 20 et 21 octobre. Selon son président Tanguy de La Fouchardière, Bercy bloque la fiscalité favorable à cet outil de financement des start-ups, dans un contexte pourtant plus favorable en Europe.

Comment s'oriente l'activité des business angels français depuis un an ?

Tanguy de La Fouchardière : Avec 40 à 45 M€ investis en 2015, pour un effet levier de 3, nous restons au niveau de la tendance qui se manifeste depuis plusieurs années. Si l'apport en monnaie de nos adhérents est identique, leur implication ne cesse d'augmenter. Ils consacrent volontairement de plus en plus de temps à l'accompagnement des dossiers, ce qui a pour conséquence d'attirer d'autres acteurs tels que les banques régionales, les fonds adhérents à l'AFIC (association française des investisseurs pour la croissance, NDLR) ou les fonds de co-investissement. Mais aujourd'hui, notre constat est qu'il faut attirer encore plus d'investisseurs. Nous avons des fonds d'amorçage, mais c'est insuffisant au regard du terreau que représente la capacité d'entreprendre en France. Il y a encore de nombreuses barrières que nous nous efforçons de lever.

Quelles sont-elles ?

T. de La F. : Nous sortons de cinq ans un peu compliqués. Le seul événement positif remonte à la loi TEPA de 2007... ça date ! Dans le livre blanc rédigé par France Angels en 2016, nous formulons plusieurs propositions visant à libérer le capital qui dort pour l'investir dans l'économie productive non cotée. Or la fiscalité française est organisée pour protéger la rente, c'est à dire l'épargnant. Alors qu'avec les business angels, cet argent rentre dans l'économie, génère de l'emploi... et même de l'impôt sur les sociétés. Tout le monde en prend conscience, et des personnalités comme Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire l'expliquent bien dans le cadre des primaires de la droite. Seul Nicolas Sarkozy, alors qu'il était encore président, a imposé des restrictions à la loi TEPA. Cette régression est due à la culture en cours à Bercy qui, avant toute chose, veut être sûr de ramasser le maximum d'argent et surtout de le garder. La France est en retard. Nous devons revenir à des mécanismes de défiscalisation de 30 %, voire 50 % de l'investissement*, comme ailleurs en Europe, de sorte qu'il puisse être déduit, avec des plafonds bien supérieurs à 10 000 €. C'est en effet le plafond en cours en France, soit le même que celui applicable aux ménages qui emploient des babysitteurs !

* : le taux actuel est de 18 % en France - NDLR.

Vous le mentionnez, de nouveaux acteurs apparaissent dans ce secteur, tels que les plates-formes de crowdfunding. Qu'est-ce que les business angels apportent en plus ?

T. de La F. : Les business angels se distinguent parce que la même personne se charge, tout à la fois, de sélectionner le dossier, de faire l'étude du dossier, la "due diligence", le pacte d'actionnaires, la mise en place de la gouvernance, et l'accompagnement de la start-up pendant trois à sept ans. C'est tout l'intérêt d'un réseau comme, à Montpellier, celui de Melies - avec qui nous organisons cette université d'automne -, car il est en proximité directe avec le tissu local. Par comparaison, le crowdfunding fait un peu le même travail, mais toujours pour le compte d'autrui, tandis que l'investisseur n'a pas d'autre rôle que de dire s'il aime, ou pas, tel ou tel dossier. De même, dans les démarches de type "corporate" que mettent en place des groupes comme Orange, EDF ou Engie, le travail est bien fait quand il se situe dans leur cœur de métier, et quand il consiste à animer une communauté de start-ups dont les innovations sont en synergie avec ce métier. Mais ces groupes n'investissent pas toujours.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.