Les viticulteurs de Mont Tauch vont nouer un accord inédit avec Grands Chais de France

Le 26 juin, les 135 viticulteurs adhérents de la cave coopérative audoise ont fait le choix de commercialiser en vrac la majorité de leur production en AOP Fitou et AOP Corbières à l’un des principaux négociants français. Fait rare, un contrat avec des prix définis lie les deux partenaires pour neuf ans.

C'est une réunion qui marquera un virage important dans l'histoire de la coopérative de Mont Tauch (Tuchan, 11) et un accord inédit dans la filière. Le lundi 26 juin 2017, en assemblée générale, les 135 viticulteurs des Hautes Corbières ont choisi parmi trois options celles qui devait garantir la pérennité de leur structure pour les dix prochaines années, au moins.

L'enjeu n'est pas mince : la cave coopérative avait été placée en redressement judiciaire en 2013 et, à la fin des prochaines vendanges, la totalité des adhérents doit se prononcer sur le renouvellement de leur engagement à la structure coopérative pour les années à venir. Et les tentations d'aller voir ailleurs ne sont pas fictives.

« Le risque d'une hémorragie vers d'autres structures n'est pas mince, constate un observateur de la filière viti-vinicole régionale. D'autres caves coopératives voisines se montrent très offensives pour récupérer des viticulteurs de Mont Tauch. C'est la logique actuelle qui renforce certaines structures en précipitant d'autres avec, au final, le risque d'appauvrir le territoire. »

Les adhérents de la cave de Mont Tauch ont donc été appelés à prendre une décision stratégique.

« Pour la première fois,  nous essayons d'anticiper plutôt que de subir, indique un adhérent. Nous ne sommes plus au pied du mur, ni pris à la gorge. Nous avons de la trésorerie et nous voulons anticiper pour nous renforcer, réduire nos charges et calmer les ardeurs des voisins. »

« La solution Grand Chais »

C'est « la solution Grands Chais » qui a été préférée aux scenarios privilégiant le  maintien d'une activité d'embouteillage et l'autonomie en matière de commercialisation.

« Nous avons décidé d'accroître notre partenariat avec Grands Chais de France, indique Vincent Llasera, le président de la cave coopérative. Nous étions déjà sur un accord d'exclusivité avec le négociant sur les marchés à l'export.  Nous étendons cet accord au marché français hors réseau de proximité, CHR inclus, sur lequel nous continuons à valoriser notre production en bouteille. »

Les trois quarts de la production de la coopérative (qui s'élève à 40 000 hl) sont concernés par cet accord d'exclusivité qui s'étend sur neuf ans.

Des prix garantis

« C'est la meilleurs de choses qui puisse nous arriver, estime le président de la structure. Je ne connais aucun autre metteur en marché qui propose un contrat sur neuf ans, même au sein du monde coopératif. De plus, les prix  sont définis. Déjà dans notre précédent partenariat avec ce négociant, nous avions obtenu trois avenants au contrat avec des prix en hausse. »

Selon une source interne, l'un des prix proposé par Grands Chais de France avoisinerait les  150 €/ hl pour l'une des catégories de vin et dans tous les cas, « les prix du négociant ne sont jamais inférieurs aux mercuriales », nous précise-t-on.

L'ensemble de la production de la cave coopérative est concerné par cet accord, avec des prix spécifiques pour chaque produit. Il s'agit essentiellement d'AOP Fitou (environ 30 000 hl-32 000 hl) et d'AOP Corbières. Une part mineure des volumes de la cave est destinée à l'AOP Muscat de Rivesaltes et seuls 2 500 hl de vins sont produits en IGP (ex vins de Pays).

Impacts sur l'AOP Fitou

Acteur majeur de l'AOP Fitou, la cave fournit environ 40 % des volumes de l'appellation. Dans ce contexte, certains protagonistes de la filière craignent que cet accord initie une dévalorisation de l'AOP Fitou.

« Un tel scenario n'est pas crédible, confie un viticulteur. Au contraire, Grands Chais de France a permis de développer les marchés exports avec une bien meilleure valorisation que les autres acteurs. »

Du côté de l'appellation Fitou, l'inquiétude n'est pas palpable.

« Grands Chais de France valorise plutôt bien l'appellation, note un acteur du syndicat de l'AOP Fitou. Ils ont des exigences qualitatives. De plus, la cave conserverait une partie de sa production en vente directe.»

Question d'embouteillage

Le contrat qui liera la structure coopérative au négociant laisse le champ libre aux producteurs pour valoriser leur vin en bouteille. Il s'agirait de volumes avoisinant les 2 000 - 3 000 hl.

« Que ce soit sur le CHR et la vente directe, nous allons pouvoir travailler sur les circuits courts avec un libre-arbitrage sur les volumes que nous y consacrerons, explique Vincent Llasera. Grands Chais de France prendra les volumes restants. Notre objectif est de travailler sur ces débouchés de niche. »

La méthode va néanmoins évoluer : l'embouteillage ne se fera plus avec l'outil de la coopérative mais via un prestataire externe.

« Notre chaîne d'embouteillage est surdimensionnée, constate un adhérent. Elle est rentable pour une production de 90 000 hl et non 40 000 hl. Quand la mise en bouteille nous coûte 25 centimes par entité, elle se chiffre à 10 centimes via un prestataire. Notre métier est de faire du raisin, pas de le conditionner. »

Et après ?

Le contrat initial de 9 ans qui doit être conclu avec Grands Chais de France a vocation à être renouvelé car « le but est de pérenniser ce partenariat », précise Vincent Llasera.

« Pour la première fois depuis longtemps, nous pouvons nous projeter à dix ans, indique un adhérent. Nous devenons vraqueur mais nous savons le montant de notre revenu à rendement constant. C'est une garantie essentielle qui nous permettra d'investir. »

Rare dans la filière, cet accord contractuel inquiète néanmoins certains professionnels :

«  Grâce à cet accord, Grands Chais fait une OPA technique et accroît son potentiel de transformation, estime un producteur. Sur ce territoire, le négociant a déjà scellé un partenariat avec la cave coopérative de Rocbère à Portel-des-Corbières (Aude). C'est un bon coup pour eux : ils tirent profit d'un outil qui a bénéficié de fonds publics européens et régionaux. C'est une moins bonne nouvelle pour la liberté d'entreprendre dans ce secteur. Il y a un risque d'asservissement de la production à un seul opérateur. »

 Pour l'heure, le groupe Grands Chais de France n'est pas encore en situation de monopole puisque d'autres metteurs en marché se côtoient sur ce territoire de l'AOP Fitou, notamment Vinadeis et Advini.

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Commentaire 1
à écrit le 28/06/2017 à 16:19
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Bonjour, Pour qu'il y ait pluralité dans la mise en marché, ce n'est pas d'autres metteurs en marché qu'il faut, mais d'autres producteurs pour produire. La mise en marché ne vient qu'aprés. Pour ce qui est de l'appellation Fitou, la pluralité pro...

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