Les grands patrons jugent l’attractivité de la région

IBM, Dell, CGI, Horiba Medical, Alcoa et Vacalians livrent leur verdict sur la capacité de LRMP à capter les grands investissements nationaux et internationaux, alors qu’Invest Sud de France, chargée de les identifier, vient de publier son bilan 2015. L’agence régionale a enregistré 106 nouveaux projets l’an passé.
Bien positionnés sur les secteurs traditionnels, Montpellier et sa région peuvent-ils monter en puissance dans l'industrie ?

Pour le 30e anniversaire d'Invest Sud de France, les administrateurs et adhérents de l'agence régionale ont eu leur lot de bonnes nouvelles. Celle-ci a révélé, lors de l'assemblée générale du 20 juin, qu'elle a enregistré 106 nouveaux projets d'investissements nationaux ou internationaux en 2015, soit 28 de plus que sur l'année précédente (neuf d'origine étrangère). Une performance renforçant un peu plus la bonne image de LRMP, qui se classe actuellement comme la 4e région française pour l'accueil de projets d'investissements étrangers créateurs d'emplois - même si le total d'emplois créés en 2015 (385) est trois fois moins important qu'attendu, « en raison d'une abondance de petits projets, et de l'absence d'un dossier comme Computacenter, qui en avait créé 300 à lui seul », nuance la présidente d'Invest Sud de France, Stéphanie Andrieu.

Sur un territoire où, par ailleurs, 30 % de l'export régional se fait par l'intermédiaire d'entreprises à capitaux étrangers, la capacité de LRMP à attirer ces investissements revêt une importance stratégique. Lors d'une table-ronde organisée lors de cette AG, les directeurs de sites créés par de grands industriels étrangers ont rappelé que l'image projetée à l'extérieur des frontières régionales, la facilité à démontrer qu'elle peut faire naître des écosystèmes d'affaires, sont les axes d'un combat de chaque instant, qui ne doit pas faiblir dans la durée.

Des compétences adaptées

Depuis son installation à Montpellier en 1965, IBM, au diapason de la stratégie groupe, a basculé son positionnement de la production vers de nouvelles missions d'infogérance et de client center, ce qui suppose de recruter les profils adaptés. Mais pas seulement.

« Sur les centres où IBM investit, le 1er critère différenciant est la présence de compétences : sont-elles développées localement ?, questionne Fernand Sanchez, directeur du site. Or nous avons beaucoup investi sur notre data center ici, qui est le premier en France sur l'infogérance. Quand un client nous confie une mission, il veut que cela fonctionne tout le temps. Nous avons donc besoin de compétences pointues, mais nous devons aussi les faire évoluer en interne dans le temps. Ensuite, se posent des questions telles que l'existence d'une infrastructure (réseaux haut débit, électricité), y compris l'infrastructure logistique. Quand on fait venir 7 000 personnes à l'année, l'accessibilité par l'autoroute, le train ou l'avion, mais aussi une hôtellerie adaptée à ce type de partenaires, cela compte aussi. »

La question des compétences adaptées dans le bassin d'emploi local est un motif récurrent cité par les grands groupes, notamment par l'Américain Alcoa, premier producteur mondial d'aluminium, dont la filiale européenne dans le bâtiment, Kawneer, est basée à Vendargues (34). Son président, Georges Perelroizen, regrette notamment que le levier de la formation professionnelle soit sous-estimé, à ses yeux.

« La région est un bassin d'emplois potentiels formidable, car très attractive : elle représente une opportunité pour qui désire s'y installer, note-t-il. Mais nous souffrons parfois de problèmes de recrutement. C'est un problème de main d'œuvre qualifiée sur certaines typologies de métiers. Et nous payons ici trente années de dénigrement de la formation professionnelle... Kawneer Europe construit un centre de R&D pour développer une nouvelle génération de produits, car il existe une dynamique forte actuellement dans les métiers du bâtiment. On s'y adapte, car au-delà de notre métier traditionnel, on doit évoluer en tant que site démonstrateur d'expériences, en direction des architectes, des investisseurs, des prescripteurs, etc. Ce qui pose donc la question de la qualification de la main d'œuvre. Il y a un travail faire sur ce sujet, encore plus en Languedoc-Roussillon qu'en Midi-Pyrénées (qui jouit d'une plus grande culture industrielle), afin d'intégrer par exemple des activités plus industrielles, et de dernière génération. Il nous faut une vraie réflexion sur les emplois industriels du futur. On ne peut pas construire un tissu économique qu'avec du tertiaire. »

Le degré de mobilisation locale

L'implication des collectivités locales est un autre argument apprécié des grands sièges mondiaux, qui n'hésitent pas à mettre en concurrence leurs implantations européennes sur ce critère également. Pour le leader de l'hôtellerie de plein air, le Sétois Vacalians, qui est engagé dans une stratégie de croissance au sein d'un marché continental hyper challengé (près de 300 destinations à ce jour), mais aussi pour le Canadien CGI, qui a ouvert en mars 2016 un centre d'excellence à Montpellier sur les services en technologies de l'information, l'agressivité des régions concurrentes sur ces questions ne doit pas être négligée.

« En plus des critères tels que l'accessibilité de la région et la formation des personnels, cruciaux dans le tourisme, il faut s'interroger sur des points comme la fiscalité - qui relève plus du national - mais aussi notre capacité à passer d'une dimension régionale à une vision internationale, souligne Olivier Ganivenq, président de Vacalians. La problématique est que nous manquons de vision européenne, en particulier dans la façon dont sont gérés des équipements stratégiques tels que les aéroports. Il faut s'interroger sur la capacité des opérateurs actionnaires de ces plates-formes à y accéder. Tant qu'ils ne l'auront pas, tant qu'ils n'auront pas défini une vraie stratégie pour nous identifier comme une desserte pays, alors nous souffrirons de la concurrence de voisins comme l'Espagne, où un investissement global de 12 M€ est porté par les régions locales en faveur des zones touristiques autour de Malaga. »

« CGI vient de rassembler plusieurs équipes à Montpellier dans un nouveau centre d'excellence sur la transformation digitale, indique Pierre-André Babinot, vice-président de CGI. Quand je suis arrivé en 2004, nous étions 30. Nous sommes 350 aujourd'hui, et nous sommes donc devenus un gros pourvoyeur d'emplois de niveau Bac+5, progressivement, sans beaucoup d'aides... Or pour pérenniser un tel investissement dans le temps, un acteur mondial tel que CGI doit sentir une attitude bienveillante des collectivités. Sur ce point, les États-Unis ou le Canada sont très agressifs, avec de nombreuses actions pour faciliter l'installation de ce type de centres : primes à l'embauche, baisse des impôts, suppression de taxes sur plusieurs années, dons de locaux, etc. »

Combler le gap industriel

Dernier argument largement cité pour consolider l'attractivité de Montpellier et sa région par rapport à celle de Toulouse, notamment : stimuler le tissu industriel, alors que l'historique dans le secteur est notoirement faible. Pour Christian Dubuc, directeur des opérations au sein de Horiba Medical (analyseurs hématologiques), les propres problématiques des industriels, qui ne sont pas celles des TPE-PME, doivent être mieux prises en compte dans les stratégies locales d'accompagnement.

« La différence de densité industrielle avec Toulouse a un peu baissé, même si elle existe encore, affirme-t-il. Si on prend l'exemple d'un groupe tel que Horiba Medical, celui-ci constate que les volumes qu'il peut acheter localement sont faibles, ce qui le contraint à aller s'approvisionner de plus en plus loin. Ce n'est pas un handicap, mais si on pouvait attirer plus de fabricants d'instruments ou de machines, le tissu industriel pourrait se développer davantage encore. »

Le géant informatique Dell a mis en place, depuis plusieurs années, un certain nombre d'interactions avec les collectivités et le tissu des start-ups locales, au travers de son implication dans la French Tech Montpellier ou en faisant d'un programme corporate (le Center for Entreprise) un accélérateur qu'il a déployé ensuite hors région. Mais pour le directeur du site Montpellier, Stéphane Reboud, ces interactions pourraient encore monter en puissance... pour autant que les groupes industriels soient impliqués en tant que tels.

« Les stratégies de développement locales devraient s'appuyer davantage sur les grands groupes déjà installés pour rayonner davantage, propose-t-il. Nous sommes, à ce jour, peu impliqués de façon stratégique, par exemple au sein de groupes de réflexion intégrant des grands groupes et des ETI qui pourraient écrire un cahier des charges. Un territoire tel que le nôtre doit avoir plus de grands ambassadeurs. »

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