La colère des cliniques privées toujours d’actualité

Au terme du quinquennat de François Hollande et de l’action de sa ministre Marisol Touraine, jugés très sévèrement, la perspective d’un nouveau projet politique avec l’élection présidentielle ne rassure pas les représentants des soins privés qui étaient réunis à Montpellier, le 28 avril, à l’invitation de la Fédération de l’hospitalisation privée Languedoc-Roussillon.
De g. à d.: Pascal Maurel, Philippe Goulliaud et Guillaume Mollaret, journaliste et animateur du débat de la FHP-LR.

« Sur le sujet de la mandature de François Hollande, je suis satisfait d'une seule chose : elle se termine ! », lance Lamine Gharbi, le président de la Fédération de l'Hospitalisation Privée (FHP), le 28 avril, à Montpellier, où des représentants des cliniques privées ont été invités par la FHP Languedoc-Roussillon à s'exprimer sur le bilan du quinquennat de François Hollande en matière de politique de santé.

L'égalité public-privé mise en cause

Le ton est donné et il ne sera pas nuancé. D'un quinquennat marqué par « des mensonges perpétuels » pour Lamine Gharbi à « l'effondrement du système médical français » constaté par le chirurgien Philippe Cuq, vice-président de  l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) Occitanie, suite à l'application de la loi Santé de la ministre Marisol Touraine, la colère du corps médical privé est patente.

Qualifiée de « déstructurante » et « anti-libérale » par Philippe Cuq, la loi Santé promulguée le 26 janvier 2016 a « détruit le système bipolaire préexistant qui était fondé sur un secteur public fort et un secteur privé fort », dénonce un professionnel. Résultat : « les médecins sont en train de crever », ajoute-t-il.

« La ministre avait annoncé en 2012 qu'elle voulait mettre l'hôpital public au cœur du village, déclare Lamine Gharbi. Elle l'a fait mais à quel prix ! ».

Haro sur la dégressivité tarifaire

Dans le viseur des médecins figurent la politique tarifaire mise en place durant le quinquennat.

« Nos tarifs ont baissé de 8,3 % en quatre ans, dénonce Frédéric Sanguignol, vice-président de la FHP des Soins de Suite et de Réadaptation (FHP-SSR). Les établissements privés se retrouvent avec les tarifs de 2004-2005. La seule issue est d'augmenter le volume d'activité. Mais encore faut-il le pouvoir : cette possibilité n'est matériellement pas donnée à tout le monde et elle dépend des décisions des ARS (Agences Régionales de Santé, NDLR)»

La contrainte tarifaire n'a pas seulement affecté le chiffre d'affaires des établissements, elle a également eu un impact social, dénonce Pascal Delubac, président de la FHP-LR.

« Il faut arrêter le foutage de gueule, s'émeut Pascal Delubac. L'État nous demande de nous engager en matière sociale mais nous n'avons jamais été aussi maltraité sur cette partie là. L'État organise tout pour nous empêcher de le faire. Les salaires représentant la moitié de notre chiffre d'affaires et sans recettes supplémentaires, nous ne pouvons pas les augmenter. »

Du positif ?

Deux voix sont venues tempérer la salve de critiques à l'encontre du gouvernement sortant. La première, issue du corps médical, est celle d'Olivier Drevon, président de la FHP-Psychiatrie.

« Nous sommes les seuls à sortir avec quelque chose de positif, note-t-il. Nous avons obtenu une réforme des normes et cette simplification est le seul élément qui puisse être gardé car il est important. »

Seconde voix plus tempérée, celle d'un observateur: Pascal Maurel, journaliste médical et directeur des publications et des rédactions du magazine Décision Santé de 1995 à 2016.

« À mon sens, tout n'a pas été raté dans ce quinquennat, indique-t-il. Notamment en matière de comptes. Ils n'ont jamais été aussi bien tenus sous ce mandat exceptionnellement long d'un ministre de la Santé. Mais c'est vrai qu'il y a eu des ministres de gauche plus conciliants et plus proches des professionnels de santé. Avec Marisol Touraine, les relations se sont radicalisées très rapidement. »

Quels espoirs pour la suite ?

« Rétablir la confiance qui a beaucoup manqué durant ce quinquennat », telle est la première attente des professionnels, note Philippe Goulliaud, journaliste politique à l'Agence France Presse (AFP) et chef du service politique du Figaro de 2005 à 2016.

Mais pour les professionnels en question, ce défi est loin d'être gagné.

« Je ne vois pas la lumière au bout du tunnel, déclare Philippe Cuq. Nous avons interrogé les deux candidats sur le devenir de la loi Santé et aucun ne veut l'abroger. De plus, l'équipe de Macron est composée de l'ex-député socialiste Olivier Véran, co-rapporteur de cette loi et de quatre conseillers du cabinet de M. Touraine, extrêmement toxiques pour nous. Notre avenir va être dur. »

Autre sujet d'inquiétude, le Projet Régional de Santé (PRS) en cours de rédaction par l'ARS qui déterminera l'organisation sanitaire des régions jusqu'en 2022.

« Aujourd'hui, la politique de santé pour les cinq prochaines années est élaboré au nez du président de la République, dénonce Philippe Cuq. En Occitanie, le PRS exclut les établissements privés et les médecins libéraux. Il faut réellement se poser la question de l'administration de la santé. »

Un engagement officieux de E. Macron

La réponse apportée par certains à cette question comporte des mesures un tant soit peut purgative.

« Il faudrait supprimer toutes les têtes de l'administration nationale, déclare Catherine Dardé, adjointe au maire de Castelnau-le-Lez (34) et vice-présidente de Montpellier Métropole. Il faudrait supprimer la moitié de la population du ministère de la Santé et changer l'administration centrale car aujourd'hui ce n'est pas le ministre qui fait évoluer les textes. »

Plus modérés ou moins ambitieux, de nombreux représentants de la FHP demandent un moratoire sur les PRS.

« Avant le second tour, nous devons faire une proposition de moratoire sur les PRS, déclare Philippe Cuq. Cela permettra d'interpeller les candidats, notamment Emmanuel Macron. »

L'idée d'un tel moratoire semble d'ores et déjà approuvée par le candidat d'En Marche !.

« J'ai l'impression que nous allons avoir plein de bonnes nouvelles, lance Lamine Gharbi. Je pense que le ministre qui va arriver va prendre cette décision d'un moratoire. Nous pouvons néanmoins le demander officiellement à Emmanuel Macron. La deuxième chose à lui demander est qu'il s'engage à ce qu'aucun ancien conseiller de Marisol Touraine ne soit représenté dans son gouvernement. »

La réponse reste néanmoins suspendue au résultat du vote du 8 mai mais aussi à celui des législatives du mois de juin qui pourrait conduire à la recomposition du gouvernement issu des élections présidentielles.

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Commentaire 1
à écrit le 03/05/2017 à 13:05
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On a l'impression d'entendre les pilotes du SNPL ...

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