Conchyliculture : « L'avenir va être compliqué »

Après six semaines d'interdiction, la commercialisation des coquillages du bassin de Thau a repris vendredi dernier. Jean-Christophe Cabrol témoigne de son inquiétude.

Après six semaines d'interdiction de commercialisation des huîtres et des moules du bassin de Thau (Hérault), le bilan économique apparaît comme catastrophique pour les producteurs. Jean-Christophe Cabrol est président de la commission Environnement, au sein du Comité régional conchylicole de Méditerranée (CRCM, ex-SRCM). Entretien.

Objectif Languedoc-Roussillon : Quelles sont les conséquences économiques directes de l'interdiction de commercialisation de coquillages du bassin de Thau ?

Jean-Christophe Cabrol : 600 personnes sont restées sans revenus pendant 6 semaines. Cela a, pour première conséquence, d'endetter les plus jeunes qui devront quand même payer leurs crédits. Les découverts vont donc augmenter et les agios aussi. De plus, toute la trésorerie, emmagasinée pendant les fêtes de fin d'année pour acheter des naissains de plus en plus coûteux, est partie en fumée. Quant aux plus âgés, la plupart mettent leur exploitation en vente et essaient de prendre une retraite anticipée. Il est clair que l'avenir va être compliqué. Il ne faut pas oublier les salariés et les emplois indirects que génère la conchyliculture. Ils ont, eux aussi, été touchés.

Objectif Languedoc-Roussillon : Comment remonter la pente ? Des stratégies vont-elles être mises en place ?

Jean-Christophe Cabrol : Les producteurs qui ont une vente directe vont devoir expliquer de vive voix le fameux « principe de précaution ». Heureusement, la plupart des clients commencent à connaître la politique des technocrates parisiens et nous font de plus en plus confiance. Pour les producteurs qui vendent aux grossistes ou aux GMS (grandes et moyennes surfaces, NDLR), ils devront reconquérir leurs parts de marché. Tout cela va prendre un certain temps. Par ailleurs, un programme de captage de naissains dans le bassin de Thau a été mis en place par le Comité régional conchylicole de Méditerranée afin de réduire les coûts du naissain ainsi qu'un programme de recherche sur d'autres produits de la mer pour diversifier les élevages. Au niveau de la communication et de la promotion des coquillages, rien n'a encore été décidé car on manque de moyens financiers.

Objectif Languedoc-Roussillon : Comment jugez-vous ce principe de précaution ?

Jean-Christophe Cabrol : Vous savez, il est beaucoup plus facile d'attraper le virus de la gastroentérite dans les lieux publics ou dans les grandes surfaces qu'en mangeant du coquillage. Pourtant ces lieux ne sont jamais fermés... La direction générale de l'alimentation a interdit la commercialisation des coquillages par principe de précaution le 6 janvier 2011. Pourtant depuis le 28 décembre, nous avons vendu plus de 500 tonnes de coquillages sans qu'il n'y ait un seul malade ! Quelle est la crédibilité de cet organisme ? Par ailleurs, la direction générale de l'alimentation accepte de laisser entrer en France de l'huile hydrogénée qui se retrouve dans la plupart des biscuits pour enfants et que tous les scientifiques soupçonnent d'être cancérigène ! Alors où est le principe de précaution ? Les enjeux financiers ne sont peut-être pas les mêmes ! Bientôt il faudra faire un choix : soit manger des produits naturels et frais, soit manger des pilules aseptisées prescrites par nos technocrates parisiens. »

Propos recueillis par Ysis Percq

Les chiffres-clefs du bassin de Thau
→15 000 tonnes d'huîtres et 5 000 tonnes de moules sont produites chaque année en Languedoc-Roussillon, soit 90 % de la production méditerranéenne.
→ le bassin de Thau compte 650 exploitations et représente 2000 emplois directs, soit 17 % du nombre d'exploitations aquacoles françaises.

Légende : Jean-Christophe Cabrol est président de la commission Environnement, au sein du Comité régional conchylicole de Méditerranée.
Crédit photo : JCC


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