Lionel Guichard, dans les coulisses de Chauvet I

Tels un moine copiste, l’Alésien Lionel Guichard photographie inlassablement les grottes. Par milliers, ses clichés ont servi à coloriser le modèle 3D de Lascaux IV et Chauvet I (07), inscrite en juin au patrimoine mondial de l'Unesco et dont l’ouverture au public est attendue en décembre 2014.
Lionel Guichard, photographiant la "salle du fond", grotte de Chauvet en Ardèche

Pour Lionel Guichard, le succès réside dans le « bon timing » : explorer les cavités souterraines à quatre ans dans les pas d'un père secouriste amateur en spéléologie ; à 24 ans, annoncer la révolution de l'imagerie numérique comme conseiller technique pour Sony France auprès des enseignes de distribution et comme free-lance pour les principaux constructeurs (Canon, Nikon, Olympus, etc.), soit... dix ans avant ses confrères photographes ; à 28, rencontrer au détour d'un stage d'été son partenaire gagnant, le cabinet isérois Perazio, pionnier de la topographie 3D missionné depuis 1997 par le ministère de la Culture pour offrir la restitution 3D de la grotte de Chauvet...

L'équipe de R&D de Guy Perazio offrira au jeune diplômé de l'université Paul-Valéry de Montpellier un destin hors normes, en le missionnant pour photographier les grottes ornées.

« Je n'ai pas été choisi parce que j'étais le meilleur, mais parce que j'étais l'un des premiers », confie celui qui à 39 ans, a réalisé les milliers de clichés nécessaires à la réalisation des moules 3D des fac-similés de Lascaux IV et Chauvet I.

Lascaux IV offrira en juin 2016 au public la plus grande reconstitution de la grotte périgourdine, après Lascaux II (le premier fac-similé) et Lascaux III, l'exposition itinérante. La copie de Chauvet, dont l'orignal fut découvert le 18 décembre 1994 à Vallon-Pont-d'Arc en Ardèche et classé en juin dernier au patrimoine mondial de l'Unesco, sera présentée au public en décembre 2014 sous le nom de Caverne du Pont d'Arc.

Grotte de Chauvet

« Jamais ouverte au public, elle ne le sera jamais, elle est dans un état de conservation exceptionnel, c'est une fabuleuse machine à remonter le temps : il y a des empruntes de pas au sol, des foyers de feux, des crânes d'ours des cavernes », énumère le photographe. C'est donc une première mondiale, qui verra naître à la lumière des peintures pariétales parmi les plus anciennes au monde (36 000 ans avant notre ère).

Pour elles, Lionel Guichard a réalisé depuis 2006 plus de 6000 clichés, parfois dans des conditions extrêmes et avec toutes les contraintes techniques en imagerie numérique inhérentes au cadre scientifique qui l'employait. Ces clichés ont permis la colorisation des modèles 3D, ces clones informatiques servant à créer les fac-similés accessibles au public.

C'est d'ailleurs à Lascaux en Dordogne (découverte en 1940, fermée au public en 1963 sous le ministère Malraux) que Lionel Guichard fait ses premiers pas comme photographe pariétal, en 2003 :

« Dès 1997, l'enjeu était de conserver une trace, dans l'ordinateur, de cette grotte en état de dégradation avancée du fait d'un champignon. Le cabinet Perazio a réalisé le moule 3D, il cherchait un photographe pour la colorisation, tous étaient encore à la pellicule », confie celui qui a participé à cette opération de conservation à échelle internationale, à une époque où l'imagerie numérique était balbutiante (les années 2000 !).

Il en garde un souvenir émerveillé. « J'ai exploré des zones que seuls quelques scientifiques ont vues. J'ai eu un accès privilégié à ces bijoux fermés au public, j'étais seul face à tout cela, ç'a a été un moteur », confie celui qui a investi dix ans de passion dans le monde souterrain.

Dix ans d'innovation aussi. Il a mis au point une nouvelle technique en imagerie numérique appliquée à l'archéologie. « Le procédé permet de faire apparaître dans les grottes ornées ce qui n'est visible ni à l'œil, ni avec un appareil photo traditionnel, pour restituer et comprendre l'œuvre rupestre originale dans sa globalité. » Cette technologie expérimentée pendant deux ans a été testée pour la première fois, en octobre 2012, dans la grotte ornée d'Arcy sur Cure en Bourgogne, où les scientifiques avaient la certitude de na pas pouvoir voir toutes les peintures. Sous la calcite, le photographe copiste a ainsi révélé d'autres peintures, qui sans l'apport de la technologie seraient perdues pour l'œil. Une façon de révéler et faire revivre, encore une fois, ces cathédrales endormies.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.