Nicolas Bourriaud : les coulisses d’une nomination à sensation

Nicolas Bourriaud, nouveau capitaine de l’art contemporain à Montpellier ? L’ex-directeur de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris a été choisi, le 27 novembre, pour préfigurer le futur centre d’art contemporain de la Métropole. Un poste « deux-en-un » puisqu’il remplace Franck Bauchard (limogé sans préavis) à la direction artistique de La Panacée.

Philippe Saurel annonçait une « personnalité nationale, voire internationale » pour prendre la direction du futur centre d'art contemporain de Montpellier, qui devrait ouvrir début 2019 à l'Hôtel de Montcalm, en lieu et place de l'ancien musée de la présence française en Algérie. C'est chose faite avec la nomination, vendredi 27 novembre 2015 en soirée, de Nicolas Bourriaud, éminent critique d'art contemporain, commissaire d'exposition et  ancien directeur de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris jusqu'en juillet dernier.

Sa candidature a été retenue sur les six dossiers auditionnés par un jury d'élus, avec le concours de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC LR) et de « sachants locaux » (notamment Michel Hilaire, le conservateur en chef du musée Fabre).

Nicolas Bourriaud est chargé de la préfiguration de ce futur équipement « dédié à l'art du XXIe siècle adossé au musée Fabre, dont il constituera l'extension dans le domaine de la création des vingt dernières années », selon le communiqué de la Métropole, diffusé vendredi 27 novembre. Il sera secondé à ce poste par Stanislas Colodiet, conservateur au musée Fabre, spécialisé dans le XXIe siècle, pour une prise de fonction début janvier 2016.

Montpellier, contre-scène artistique face à Paris

 « Ce sera la première création d'un centre d'art dans une ville française depuis les années Lang. On n'avait rien fait de tel depuis le Palais de Tokyo (dont il fut le co-fondateur en 1999 et co-directeur pendant six ans, NDLR) », se réjouit Nicolas Bourriaud.

« Le vrai enjeu est de renouveler ce logiciel en région et je sens une vraie ambition politique et culturelle pour ce lieu, insiste ce fervent défenseur de la décentralisation culturelle qui affiche clairement ses ambitions pour Montpellier. Je crois beaucoup en la ville. Montpellier est une sorte de Los Angeles qui s'ignore, elle pourrait devenir une contre-scène artistique face à Paris. »

À la Métropole, Sonia Kerangueven, conseillère déléguée pour le centre d'art contemporain, se félicite de ce recrutement « ambitieux autour d'un projet d'envergure internationale qui collait bien à la personnalité de Nicolas Bourriaud ». En plus du Palais de Tokyo, il a en effet enrichi l'écosystème de l'art en co-fondant, avec le collectionneur Victor Pinchuk, le Pinchuk Art Centre de Kiev.

Limogés sans préavis

Montpellier s'apprête donc à accueillir un Nicolas Bourriaud reconnu dans le paysage artistique national et international, fort de son expérience notamment à la tête du Palais de Tokyo et à la Tate Britain... Mais dont les qualités d'ancien directeur de l'ENSBA, controversées, ont alimenté ces derniers mois les chroniques nationales : nommé à ce précédent poste par Frédéric Mitterand puis évincé par l'actuelle ministre de la Culture Fleur Pellerin, le limogeage sans préavis de Nicolas Bourriaud avait créé la polémique en juillet dernier, suite à l'annonce par Le Canard Enchaîné de son possible remplacement par Éric de Chassey, un proche de Julie Gayet.

Cet indélicat remerciement en entraîne un autre, ici à Montpellier : Franck Bauchard, l'actuel directeur artistique de La Panacée, est poussé vers la sortie sans ménagements, après plusieurs mois d'une mise au placard qui met en doute l'indépendance d'action de cette structure.

« Nous avons été informés samedi de ce limogeage en lisant les journaux », confie-t-on aux services administratifs du centre de culture contemporaine.

Le bal des hypocrites

Car Nicolas Bourriaud - et c'est la grande surprise de ce recrutement  - est aussi nommé à la direction culturelle  de la Panacée.

« Il vient s'insérer dans la programmation tracée pour 2016 par Franck Bauchard, assure Sonia Kerangueven, qui se dédouane de l'affront fait au précédent directeur. Ce ne sont pas les retours que j'avais eus. Cette décision a été prise la semaine dernière et annoncée très rapidement à la presse, par une volonté d'informer les citoyens rapidement. »

« Ce poste de directeur artistique était abordé de façon très informelle dans l'appel à candidature (lancé fin septembre, NDLR), même si s'est posée la question, dès le départ, du périmètre d'intervention du candidat en charge du futur centre d'art », se défend quant à lui Nicolas Bourriaud, qui va travailler à la demande de Philippe Saurel sur « la mise en synergie des différents lieux culturels de la Ville et de la Métropole au travers d'un parcours contemporain ».

 « Le Carré Sainte-Anne gardera son indépendance, le Frac LR aussi, mais tout le monde travaillera ensemble », tempère Sonia Kerangueven, devant les inquiétudes que cette double nomination n'ont pas manqué de susciter. « On lui confie clairement les clefs de l'art contemporain à Montpellier », confie une personnalité proche du dossier.

Le juge de paix

Jouant les juges de paix, Nicolas Bourriaud se veut rassurant.

« Je n'arrive pas avec un projet tout fait, je viens d'abord à Montpellier pour écouter, parler avec les gens. J'ai des principes qui se confronteront au terrain et aux acteurs de la scène montpelliéraine et c'est au travers de toutes ces discussions que va s'élaborer le projet. »

Un nouveau directeur confiant, prêt à endosser le rôle de capitaine de l'art contemporain pour la ville, sans que la question budgétaire n'ait encore été abordée. Si les motivations financières sont écartées - « La question du salaire n'a pas été abordée, j'ai une vague idée mais on va en discuter », confie Nicolas Bourriaud - quid en revanche du budget de fonctionnement du futur centre d'art contemporain et des moyens alloués pour conduire ce projet ?

« L'équipement est financé dans le plan pluriannuel d'investissement à hauteur de 23 M€ dont 12 à 13 M€ ont déjà été utilisés, il en reste dix », confiait il y a quelques mois Philippe Saurel.

Est-ce assez pour que « l'art contemporain rayonne, transpire, bouillonne dans Montpellier ! », comme l'exprimait vendredi dans son communiqué à la presse, le premier magistrat de la ville ?

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