Le voile dans l’entreprise encadré par la loi Travail

L’été a été marqué par des débats sur le port du burkini dans l’espace public, dont l’interdiction a finalement été sanctionnée par le Conseil d’État le 26 août dernier. D'un autre côté, Olivier Bonijoly, avocat associé chez Capstan Avocats, évoque l'encadrement du port du voile dans les entreprises.

Sur ce sujet, la loi Travail a prévu une disposition passée inaperçue : « Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché » (L1321-2-1 nouv.).

Certes, la loi met en exergue le principe de neutralité, qui peut désormais être inscrit en tant que tel dans un règlement intérieur mais elle ne définit pas ce principe et ne le limite pas à la neutralité religieuse. D'autres aspects tels que des convictions politiques peuvent donc être visés par le règlement intérieur. Par ailleurs, ce principe ne se limite pas qu'à la tenue de travail mais pourrait également concerner la parole, limitant ainsi la liberté d'expression.

En outre, la loi sécurise les règlements intérieurs d'entreprise qui contiendraient déjà des restrictions de ce type et entérine la jurisprudence dégagée en l'espèce, notamment dans l'affaire « Baby-Loup ». La Cour de cassation avait considéré que les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses devaient être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, être proportionnées au but recherché et résulter d'une formulation suffisamment précise du règlement intérieur. On peut considérer que la restriction sera justifiée dès lors que le ou la salarié(e) est en contact avec des personnes extérieures à l'entreprise.

Une décision utile ?

Fallait-il inscrire une telle disposition dans le corpus législatif actuel? Le code du travail admettait déjà des restrictions aux libertés individuelles mais sans doute fallait-il clarifier la situation de la manifestation de la religion au travail (voire des convictions politiques) dans un contexte national et européen pour le moins troublé.

La loi Travail a l'avantage de s'appliquer à tous les secteurs d'activité, sans distinction périlleuse selon la nature de chaque entreprise. Elle ne règle pas cependant la question de la nature des restrictions pouvant être opposées aux salariés. Si celles qui sont dictées par des impératifs d'hygiène, de santé et de sécurité ne posent pas de grandes difficultés en pratique, celles qui relèveraient de la décence, des bonnes mœurs, de l'image de l'entreprise et des contacts avec la clientèle par exemple sont plus ambiguës.

Au sein même de la Cour de justice de l'Union Européenne, la possibilité d'interdire à une salariée d'être voilée compte-tenu de ses contacts avec la clientèle fait débat (une avocate générale y est favorable s'agissant d'une standardiste belge, affaire C 157/15 ; une autre avocate générale y est défavorable s'agissant d'une ingénieure française qui intervient chez des clients, affaire C 188/15).

Dans l'attente d'une décision du juge européen en 2017 et compte-tenu de l'entrée en vigueur de la loi Travail, il appartient désormais à chaque entreprise qui souhaite inscrire ou maintenir le principe de neutralité dans son règlement intérieur de réfléchir, en fonction des situations qui se présentent, à la portée de ce principe et à la nature des restrictions qui pourraient éventuellement être apportées à la manifestation des convictions du personnel.

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