Football : "Ils sont prêts à tout pour acheter les 5 meilleurs joueurs au monde"

Le mercato estival du football s’est terminé en France le 31 août. Les montants faramineux de certains transferts, dont celui de Neymar au PSG, ont donné lieu à de nombreux commentaires. Philippe Villemus (Montpellier Business School), auteur de "Pourquoi le foot ?" (2016), décrypte les raisons de cette envolée.
Cécile Chaigneau
Le Brésilien Neymar, à l'origine du transfert le plus cher de l'histoire (222 M€) au PSG

Enseignant-chercheur en sciences de gestion à Montpellier Business School, Philippe Villemus a aussi travaillé en qualité de directeur des ventes du Mondial 1998. En mars 2016, il a publié un essai intitule Pourquoi le foot ? (Le Papillon Rouge Éditeur) dans lequel il décrypte l'histoire de ce sport, ses rites, ses enjeux. C'est donc avec intérêt qu'il a observé le déroulement de l'incroyable mercato 2017 du football. Un marché des transferts qui marquera l'histoire de ce sport populaire.

Un phénomène sociologique

Neymar, 222 M€. Les joueurs français Kylian Mbappé et Ousmane Dembélé, 180 M€ et 150 M€... Le mercato 2017 est-il le plus fou qu'ait connu le football ?

"On n'a pas encore fait le cumul exact, mais il est sûrement un des plus élevés. Et c'est un record qui est amené à être battu tant que la bulle financière du football continuera de grossir. Tout cela est le signe d'une popularité du foot qui ne se dément pas. Les audiences télé, presse papier, et radio sont importantes. Le foot est LE sport planétaire par excellence, y compris en Asie. C'est un phénomène sociologique. Il y a une bataille financière phénoménale entre les chaînes de télévision européennes et les opérateurs de télécommunication. Les droits de retransmission ne cessent d'augmenter, des milliards d'euros se déversent dans les clubs, et les budgets augmentent. Par ailleurs, il y a toujours eu du merchandising, mais internet et les réseaux sociaux donnent une puissance mondiale à certains clubs qui, avant, avaient des fans locaux, et aujourd'hui, ont des centaines de millions de fans jusqu'au fin fond de l'Amérique ou de la Chine ! Ce qui démultiplie toutes les ventes de maillots par exemple. Enfin, on a vu arriver de nouveaux investisseurs, de nouveaux mécènes - comme l'était Louis Nicollin chez nous - mais aussi des États, en particulier les Émirat Arabes Unis ou le Qatar, qui se servent du football comme un support géopolitique."

Une bataille obsessionnelle

Cette escalade dans les montants des transferts va-t-elle s'arrêter un jour ?

"Pas tant que le football sera aussi populaire. Et ce n'est pas prêt de s'arrêter ! Il faut avoir en tête qu'il existe, entre clubs européens, une bataille farouche, obsessionnelle, pour gagner la Ligue des champions. Ils sont prêts à tout pour acheter les cinq meilleurs joueurs au monde, ce qui coûte extrêmement cher. Ou alors ils sont prêts à faire un pari sur des jeunes, comme Mbappé ou Dembélé... Ce qui peut arriver, c'est que des États, des milliardaires ou des opérateurs de télévision décident de moins investir."

Ces recrutements à prix d'or sont aujourd'hui indispensables aux clubs pour se maintenir dans le corps d'élite du football...

"Oui, car le foot est par essence une économie de talent. L'économie d'un club est basée sur plusieurs sources de revenus : ce qui vient de l'extérieur - billetterie, merchandising, droits télé -, le négoce de joueurs - je vends plus cher que ce que j'ai acheté -, et la « création » de nouveaux talents. C'est une économie de commerce mais pas une économie rentable. On n'investit pas dans un club de foot pour la rentabilité, pour gagner de l'argent. On investit car on a beaucoup d'argent, pour des raisons politiques, pour avoir des réseaux de business et accroître la notoriété d'une entreprise, ou encore pour favoriser une carrière politique."

On favorise les grands clubs

Une option de paiement différé a été retenue pour le transfert de Mbappé au PSG, façon de contourner la règle du fair-play financier (le club ne peut pas dépenser plus que ce qu'il gagne) imposée par l'UEFA... Qu'en est-il de l'équité entre clubs et cette règle est-elle un garde-fou efficace ?

"Non ! C'est une mauvaise règle. Elle empêche un nouveau club d'émerger, elle met des barrières à l'investissement et empêche la concurrence des clubs les plus riches. On a verrouillé le marché et on favorise les grands clubs qui ont beaucoup d'argent ! Ce qui produit un effet d'éviction..."

Le PSG risque-t-il des sanctions de l'UEFA au regard de cette règle ?

"Non, le club ne risque rien. À mon avis, le risque est mineur."

Cécile Chaigneau

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