TIC et énergie, une veille histoire pleine d’avenir

Pour Alain Foucaran, directeur de l'Institut d’Électronique et des Systèmes (CNRS) et professeur à l'Université de Montpellier, l'explosion des usages numériques se traduit par une hyper croissance de la consommation énergétique nécessaire aux données générées. Il s'agit désormais de mieux la réguler, en remettant la question de l'énergie au cœur de la problématique des TIC.

Depuis que l'homme existe, il n'a eu de cesse de communiquer, stocker, transporter ses propres expériences et constatations. Ainsi, l'ensemble de nos sens forme un fabuleux réseau de capteurs dont notre alimentation, via les mécanismes du métabolisme, constitue la source d'énergie nécessaire à son fonctionnement.

Prolifération des données

Pour communiquer, nos ressentis (informations captées par nos sens), nous pouvons utiliser notre voix (là aussi il faut de l'énergie) mais si nous souhaitons « communiquer » plus avant il ne nous reste... que nos jambes (dans le cas du coureur de Marathon (490 av JC) et son célèbre « Nenikamen », ce mot représente un ratio « information transportée/énergie » catastrophique, pour ne pas dire fatal !).

Enfin, en termes de stockage, il y a bien sûr notre cerveau qui demande également de l'énergie pour maintenir en vie les données stockées, mais hélas cette masse de données emmagasinée disparaît avec la mort. Restent alors les seules solutions de graver, peindre, sculpter... pour laisser une trace, ce qui requiert aussi de l'énergie.

Depuis la nuit des temps jusqu'à nos jours, l'humanité n'a donc eu de cesse d'acquérir davantage de données (multiplication/prolifération des capteurs), de créer des systèmes de communication de plus en plus rapides (ADSL, TNT, fibre optique, etc.), de stocker le maximum de données - et tout ceci sans se soucier de l'énergie consommée pour atteindre et assouvir cette boulimie « communicante et communicative »...

Au pied du mur de l'énergie

Il y a une dizaine d'années, nous avons pris conscience de la problématique de l'énergie. De là, toute une série de mesures destinées à rendre plus « sobres » énergétiquement les appareils électro-ménagers et autres équipements domestiques ont vu le jour. Cependant, avec la littérale « explosion » de l'usage des objets nomades (tablettes, smartphones et applications associées, etc.) ces efforts ont été totalement effacés. Notons quelques chiffres pour situer la problématique en 2012 en 24h d'usage : il s'échangeait 145 milliards d'e-mails, 104 000 heures ont été visionnées sur YouTube, 9 000 pages Wikipédia ont été créées, etc. Aujourd'hui en 2016, c'est ce que nous produisons en 20 secondes ! Mais entre temps, le nombre d'applications a également cru de façon exponentielle : en 2012 on ne parlait pas de Uber, Netflix et bien d'autres. L'humanité numérique se trouve donc au pied du mur « Énergie ».

Il est maintenant urgent de repenser complètement nos procédures-habitudes d'archivages, nos procédures-habitudes de communication. Prenons un exemple simple : je partage une photo insolite avec mes amis qui la trouvent originale et la partagent aussi avec leurs amis, etc. In fine tout ce « petit monde » connecté va stocker cette photo sur « son » cloud, le bilan sera qu'en un même lieu on peut avoir 100 000 fois la même image sur 100 000 espaces privés. On comprend très vite les enjeux énergétiques associés au maintien en vie de ces 100 000 photos identiques dans le cloud. Ne serait-il pas préférable que chacun stocke et conserve l'adresse (lieu d'accès à la photo) plutôt que la photo elle-même ? Que faire ?

La barrière du droit

Les TIC, pour se répandre, se développer en usages et en technologies, ont consommé de l'énergie sans compter. Le temps est donc venu de mettre maintenant toutes ces capacités communicantes de technologies et d'usages au chevet de l'énergie. La démarche et le concept sont déjà lancés, tous les systèmes électroniques quels qu'ils soient possèdent au sein même de leur noyau de gestion, une partie dédiée à la gestion de l'énergie optimisée pour l'accomplissement de leurs missions « originelles ». Il faut aller de l'avant et évoluer vers la quantification du coût énergétique associé à toute action de communication de manière à ce que la plus économe énergétiquement soit toujours retenue.

Ce concept, qui paraît simple, est en réalité le marqueur d'une évolution nécessaire de notre société en termes de droit. Les barrières ne sont pas technologiques mais purement juridiques : qui a le droit d'orienter l'accès à une ressource sous prétexte d'une économie d'énergie ?

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