Carole Delga : « Benoît Hamon et Manuel Valls sont sur des logiques très personnelles »

La présidente de la Région Occitanie a co-signé avec 11 autres personnalités du PS une tribune parue le 22 mai dans le quotidien Libération appelant à « réinventer la gauche de demain ». Elle explique cette démarche dans nos colonnes et livre son analyse de la nouvelle donne politique actuelle.

Quelle différence y a-t-il entre cette tribune et les innombrables démarches de ce type qui se sont multipliées ces dernières années au Parti socialiste ?

Carole Delga : Cette démarche est différente dans le sens où nous indiquons qu'il est nécessaire de partir des territoires pour rebâtir un mouvement de gauche. Ce n'est pas une déclamation qui vient d'en haut. Les signataires de cette tribune sont justement des élus implantés localement qui ont, à chaque fois, gagné leurs élections avec le soutien de la base. C'est une nouvelle génération d'élus qui militent pour un rassemblement de gauches et non pas pour une gauche.

Vous estimez justement qu'il n'y a pas de « gauches irréconciliables ». Mais une stratégie inverse aurait tout aussi bien pu être formulée. En assumant certaines incompatibilités et en recomposant ses rangs, le PS n'aurait-il pas gagné en clarté et en cohérence ?

C.D. : Nous ne parlons pas de toutes les gauches. Il y a une gauche qui se réclame de l'extrême gauche. Celle-ci ne souhaite pas accéder aux responsabilités. Elle est dans l'incantation, la déclaration irréaliste et joue sur les peurs. C'est une gauche qui veut tout casser. Dans notre cas, nous serons une gauche de responsabilité et de gouvernance avec le souci de la confrontation au réel. Il n'y a pas seulement le populisme comme alternative.

Mais le PS vient justement de passer cinq ans au pouvoir...

C.D. : Ce quinquennat a eu un grand défaut, celui de son manque de clarté. François Hollande aurait du rapidement clarifier la situation avec les frondeurs. J'étais en désaccord avec son attitude sur ce point. Il aurait fallu une position plus claire, quitte à exclure certains adhérents du PS. Les frondeurs ont mené une action irresponsable dont on paie aujourd'hui les conséquences. Ni François Hollande, ni Jean-Christophe Cambadélis et ni Bruno Le Roux n'ont eu une position ferme sur ce sujet.

Les frondeurs vous répondraient que ce ne sont pas eux qui sont responsables de l'échec de François Hollande mais lui-même en n'ayant pas assez ancré sa politique à gauche...

C.D. : C'est vrai que je ne vois pas quelle a été l'utilité de faire la loi Travail. Je n'ai pas non plus compris la déchéance de nationalité. Et si à ma place je n'ai pas compris le message, il n'est pas surprenant que le citoyen ne l'ait pas compris non plus. Faire de la politique nécessite de la sincérité et de la clarté, en partant du terrain. Nous, c'est cela que nous voulons faire. Nous souhaitons réinventer la gauche.

Mais cette redéfinition n'appelle-t-elle pas justement à ancrer plus fortement à gauche le PS ? La victoire de Benoît Hamon à la primaire de votre parti ne témoigne-t-elle d'une demande de votre électorat en faveur d'une offre clairement ancrée à gauche ?

C.D. : Benoît Hamon n'a pas gagné la primaire du Parti socialiste mais la primaire de la gauche. S'il y avait réellement eu une primaire du PS, c'est Manuel Valls qui l'aurait remporté. Cette consultation a surtout traduit la volonté de sanctionner le gouvernement.

Justement, entre un Manuel Valls et un Benoît Hamon, les lignes politiques sont-elles véritablement compatibles et l'idée d'une réconciliation des gauches, réellement envisageable ?

Il faudrait arrêter de citer toujours les mêmes personnes. Manuel Valls et Benoît Hamon pensent avant tout à eux. Ils sont dans des logiques très personnelles et ils se préoccupent très peu du collectif. Nous devons être plus constructifs. Aujourd'hui, il y a une majorité de militants de gauche qui veulent parler de valeurs et être force de proposition avant d'être des écuries au service d'ambitions personnelles. Il faut revenir aux fondamentaux. Le fonctionnement clanique ne correspond plus aux attentes du terrain. En Occitanie, nous faisons cette union de la gauche. C'est réalisable et cela amène un vrai progrès. Il faut sortir du prisme parisien car le collectif de gauche est déjà une réalité sur certains territoires. Il faut partir des réalisations du terrain avant de parler des personnalités. Inspirons-nous des expériences qui réussissent.

Précisément, en Occitanie, votre majorité n'est-elle pas fragilisée par la présence d'élus soutenant Emmanuel Macron ? C'est notamment le cas avec Jacques Cresta qui, élu PS, a choisi de parrainer le candidat d'En Marche.

C.D. : Aucun élu ne souhaite quitter la majorité. Concernant Jacques Cresta, il a rappelé sa volonté d'y rester. Les élus PRG qui ont donné leur parrainage à Emmanuel Macron m'ont encore témoigné récemment leur loyauté.

Le PS a ouvert un guichet pour dénoncer ses dissidents. Une circulaire interne datée du 14 avril demande aux responsables départementaux du parti de rapporter « tout élément factuel qui indiquerait la manifestation d'un soutien d'un camarade du parti à un autre candidat que celui du parti ». Que pensez-vous de cette démarche ?

C.D. : Je n'ai personnellement rien reçu de tel mais je ne peux qu'exprimer mon profond mécontentement et mon opposition à une telle démarche. On attend autre chose des élus aujourd'hui.

Les différents ralliements enregistrés par le mouvement d'Emmanuel Macron ne témoignent-ils pas d'une forme de porosité entre son projet et tout un pan du PS ?

C.D. : Emmanuel Macron est plus proche du libéralisme que de notre choix de la social-écologie réformiste. Personnellement, si je n'adhère pas, c'est parce qu'il manque de clarté. Je ne comprends pas vers quoi il veut nous amener, notamment sur le plan économique. Son projet a essentiellement surfé sur le besoin du renouveau et sur une classe politique qui s'est atrophiée. Mais il n'a pas défini un véritable projet politique.

Dans votre camp, votre propre projet n'est qu'à l'état embryonnaire. L'appel à voter pour cette gauche n'équivaut-il pas à faire signer un chèque en blanc à vos électeurs ?

C.D. : Les candidats socialistes à la députation ont un projet national très clair et nous le connaissons tous. Ce projet promeut notamment les aides aux petites entreprises, la transition énergétique et s'oppose à la suppression de l'ISF. Il y a des points communs avec la ligne définie par Emmanuel Macron mais il y a également des divergences. Nous sommes, par exemple, opposés à la réforme du code du travail par ordonnance et à la suppression des postes de fonctionnaires, notamment dans la police et la gendarmerie. Nous voulons la réussite de ce quinquennat  car la situation nous y oblige. Un tiers des électeurs a refusé de choisir et un autre tiers a estimé que le FN était une solution. Nous devons agir à la mesure de cet enjeu là. C'est maintenant ou jamais.

Pourquoi ne pas faire front commun avec le mouvement « Dès demain » initié par Martine Aubry, Anne Hidalgo et Christiane Taubira ?

C.D. : Nous sommes en lien avec Anne Hidalgo et Christiane Taubira. Notre approche est complémentaire. Personnellement, je vais également m'engager dans cette association.

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Commentaires 2
à écrit le 15/06/2017 à 17:01
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C;Delga a eu énorménent de chance d'échapper au massacre PS PRG en ayant été élue quelques mois avant le ras de marée Macron ! si son élection avait lieu aujourd hui elle prendrait une énorme casserole avec 5% ! sa réelection dans 3 ans ne pourra pas...

à écrit le 31/05/2017 à 8:02
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Mais Carole,comment accepter que 'un président,non seulement ne fait pas ce qu'il a dit aux Français et singulièrement à la Gauche,mais fait le contraire (politique de l'offre loi travail etc..) Avec un PS caporalise par un secrétaire national simp...

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