Selon Hérault Habitat, "certains OPH sont en sursis"

Un bras de fer est engagé entre le gouvernement et les acteurs publics du logement social. La colère s’est cristallisée autour de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018, dont l’examen a débuté le 17 octobre. Une journée choisie par les offices publics, dont Hérault Habitat, pour dénoncer des mesures qui toucheront les plus démunis et qui mettent en danger le modèle HLM.
Cécile Chaigneau
Vincent Gaudy et Jean-Pierre Pugens, président et directeur général de Hérault Habitat.

« Ce sont ceux qui ont joué le jeu et tentent de loger les plus démunis qui seront les plus pénalisés par la politique logement du gouvernement ! », se scandalise Jean-Pierre Pugens, le directeur général de l'office public HLM Hérault Habitat, ce 17 octobre lors d'un point presse aux côtés des représentants de URO Habitat, des locataires, de la Confédération nationale du logement ou de la Confédération syndicale des familles.

La colère qui gronde dans les offices publics HLM partout en France prend sa source dans la politique logement annoncée par le gouvernement et confirmée par le président Emmanuel Macron le 15 octobre : faire baisser la dépense publique par une diminution des APL en lien avec une baisse des loyers HLM.

Alors que l'examen du projet de loi de finances pour 2018 débute mardi 17 octobre en séance publique à l'Assemblée nationale (pour une adoption définitive au plus tard le 22 décembre), cette journée a été décrétée journée d'action nationale pour dénoncer cette politique et demander le retrait de l'article 52 du projet de loi de finances, intitulé « Réforme des aides au logement et de la politique des loyers dans le parc social ».

5,7 M€ de ressources en moins

Les mesures proposées par l'État se traduisent par une baisse de 65 € d'APL par mois à compter du 1e janvier 2018, compensés par une baisse du loyer de 60 € pour les locataires des offices HLM bénéficiaires de l'APL (67 % des locataires chez Hérault Habitat).

De quoi, selon les organismes HLM, condamner la production de logements neufs, ralentir les efforts de rénovation et remettre en cause le fonctionnement du système du logement social, voire même anticiper sa destruction.

Car la perte de recettes consécutive à la baisse des loyers s'élèvera ainsi à 1,7 Md € par an pour les OPH (soit 822 M€ de perte d'autofinancement), et pour Hérault Habitat (patrimoine de 12 100 logements) à « 5,7 M€, soit 63 % de l'autofinancement net et 90 % de l'autofinancement courant », assène Vincent Gaudy, le président de Hérault Habitat, qui dénonce un risque de déstabilisation sans précédent du logement social et de ses locataires.

« Plutôt que le choc de l'offre voulue par le gouvernement, ce sera le choc de l'arrêt de fonctionnement qui ne pourra plus être assuré, s'insurge Jean-Pierre Pugens. Les locataires seront touchés de plein fouet. Ils sont devenus des recettes budgétaires pour l'État, c'est dramatique ! »

Les OPH sont d'autant plus en colère que le gouvernement n'exige aucun effort sur le parc privé, et annonce, dans le même temps, une baisse d'au moins 3 Mds € de l'ISF, « alors que l'État doit aujourd'hui 2 Mds € aux organismes HLM, 640 000 € à Hérault Habitat, au titre des opérations de construction en cours », ajoute le DG.

« Pronostic vital engagé »

L'organisme héraultais est-il en danger ? Vincent Gaudy répond : « On a un an de sursis, certains OPH quelques mois ».

« On est dans le coup de massue et peut-être, demain, dans l'exécution finale des OPH, détaille Jean-Pierre Pugens. La santé financière de Hérault Habitat est stable aujourd'hui. Nous produisons 450 logements par an et nous avons un plan de réhabilitation de 60 M€ sur cinq ans. Demain, nous ne produirons plus à terme que 100 logements au maximum et les plans de réhabilitation s'étaleront sur dix voire quinze années. Les OPH ne sont pas là pour thésauriser, nous réinvestissons tout... Alors oui, le pronostic vital des organismes publics HLM est engagé. Sur les 256 OPH en France, 122 auront un autofinancement négatif, 158 un autofinancement inférieur à 2 %, et 196 un autofinancement inférieur à 5 %, soit la limite possible du fonctionnement... Derrière cette politique, il peut y avoir une autre volonté : dimanche 15 octobre, le Président de la République a dit qu'il y avait trop d'offices publics HLM et qu'il fallait les recapitaliser et les regrouper pour réduire les coûts de fonctionnement. Or les OPH n'ont pas de capital. Le danger, c'est que les OPH disparaissent au profit des ESH (entreprises sociales pour l'habitat, soit les acteurs privés du logement social, NDLR). Ça signerait la fin du logement social ! »

Mixité sociale menacée

Si les mesures s'appliquent, le délai d'attente pour accéder à un logement social, qui est en moyenne de trois ans aujourd'hui, passerait mécaniquement à trois ans et demi.

Le représentant héraultais de la Confédération syndicale des familles fustige « une politique faite pour les riches, qui va mettre les locataires encore plus en difficulté ».

Hérault Habitat évoque également les quelque 146 à 280 emplois du BTP qui pourraient être supprimés dans le département par la réduction de l'activité (4 000 sur l'ex-Languedoc-Roussillon, 300 000 en France), ainsi qu'une mixité sociale clairement menacée.

« Si on ne peut pas produire, on ne pourra pas acheter, et si demain, on ne peut pas acheter, les constructions en VEFA (vente en l'état futur d'achèvement, NDLR) ne pourront pas se faire et il n'y aura donc plus de mixité sociale », raisonne Jean-Pierre Pugens.

Avec cette journée de mobilisation, les OPH demandent qu'une véritable concertation s'engage entre l'État, les élus locaux et les acteurs du logement social.

Cécile Chaigneau

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