Régionales : à droite, polémiques et pronostics sur la désignation de la tête de liste

Samedi 25 avril, la droite et le centre vont désigner leur tête de liste pour les régionales en Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées. À Sète, 40 grands électeurs devront choisir entre 10 candidats. Cette méthode est une première dans l'histoire électorale de l'UMP et de l'UDI. Mais c'est également un pur produit régional, sans équivalent national. Mode d'emploi et interrogations autour d'une procédure inédite et... polémique, sur certains aspects.
C'est à Sète que 40 grand électeurs vont se réunir samedi pour désigner la tête de liste UMP-UDI pour les régionales

Samedi, tous les regards (médiatiques et politiques) vont se tourner vers la ville de Brassens. Le chanteur n'est pas vraiment emblématique des valeurs de droite ou du centre, mais, le temps d'une journée, Sète va devenir la capitale régionale de l'UMP et de l'UDI. Aucun mouvement de foule, pas de militants qui descendent des bus. L'événement (capital) se réduit à un conclave. Moins de 50 personnes vont se réunir pour désigner, parmi 10 candidats, la tête de liste de la droite et du centre pour les régionales de décembre 2015.

Une procédure "archaïque" ?

Le matin, à partir de 9 heures 30, les 10 candidats défileront pour faire un exposé de 15 minutes. L'ordre de passage est issu d'un tirage au sort. Ainsi, Dominique Reynié (le médiatique politologue) passera en deuxième position et Jacques Thouroude (conseiller régional et président du groupe d'opposition en Midi-Pyrénées) va clore le défilé.
Après un déjeuner (réunissant candidats et électeurs), le vote débutera. Les 40 électeurs passeront dans un isoloir. Une conférence de presse annoncera, vers 17 heures, le nom de l'heureux élu.

Cette procédure suscite des sarcasmes. Le patron des élections au PS, Christophe Borgel, la juge "archaïque à l'heure de la démocratie militante. C'est incroyable que l'UMP ne donne pas la parole à ses adhérents." Cette critique, provenant d'un socialiste, était prévisible. Christophe Borgel est dans son rôle. Mais des piques viennent également de l'UMP. Le représentant de François Fillon en Haute-Garonne, Jean-Marie Belin, "crucifie" le procédé : "c'est le Vatican sans le pape". Évidemment, du côté des candidats c'est une toute autre tonalité. Ils ne veulent pas froisser leurs électeurs. Dominique Reynié "aime bien une innovation qui permet la participation de la société civile". Philippe Calléja (conseiller régional UMP) estime que "la procédure inventée par Jean-Luc Moudenc (maire UMP de Toulouse NDLR) est un vrai progrès". Au-delà de toute polémique, un point est avéré. Un vote par 40 élus régionaux évite que Paris ne décide à la place des Midi-Pyrénéens et des Languedociens.

L' "anti-diktat parisien"

Les leaders nationaux de la droite et du centre ont validé l'expérience "midi-pyrénéo-languedocienne". Nicolas Sarkozy (UMP), François Bayrou (Modem) et Christophe Lagarde (UDI) ont donné leur feu vert. L'initiative de Jean-Luc Moudenc (relayée par le maire de Perpignan, Jean-Marc Pujol) a donc reçu le label "parisien". Pourtant, comme le souligne un proche de Jean-Luc Moudenc, la formule des "40 de Sète" est un moyen de se défendre contre Paris. "Si on ne fait rien, un jour, un nom tombera de Paris. Ce sera un parachutage et les barons locaux feront le minimum." L'investiture par des électeurs régionaux sert à éviter un diktat parisien et protège, selon la formule d'un candidat, contre "les noms qui sortent d'un bureau de la rue de Vaugirard (NDLR : siège parisien de l'UMP)". Mais c'est également une réponse à la faiblesse de l'UMP et de ses alliés.

L'absence d'un leadership régional

Dans l'entourage de Jean-Luc Moudenc, on met en avant une évidence : "dans la région, il n'y a pas de leader de droite qui s'impose naturellement". Une investiture par des grands élus permet l'émergence d'une personnalité. Ainsi, tous les candidats ont signé un engagement moral qui comprend trois volets : le secret des délibérations, le fait de ne pas assister aux auditions des autres concurrents et, surtout, le soutien au candidat élu. Ce dernier point est essentiel.

Car une compétition laisse des traces. Les urnes font sortir un nom mais elles distillent de la rancœur et des aigreurs. Les rivalités intestines et les batailles internes sont dévastatrices. Jean-Luc Moudenc en a fait l'expérience. Pendant des années, le maire de Toulouse a subi les attaques d'une centriste : Christine de Veyrac (ancienne députée européenne UDI). La procédure qu'il a imaginé pour les régionales tire les leçons de ce lourd passé.

En effet, le vote de Sète permet d'introniser un candidat, mais il doit (surtout) créer un consensus et une dynamique autour d'une personnalité. Comme le souligne un proche de Jean-Luc Moudenc :

"Il ne s'agit pas d'avoir un leader qui se retrouve ensuite tout seul. Le fait d'intégrer les grands barons dans le dispositif de sa désignation est un moyen de les solidariser. L'association de l'UMP, de l'UDI et du Modem relève du même objectif."

Personne ne conteste la nécessité d'une solidarité sans faille. Tous les candidats ont signé, des deux mains, l'engagement moral d'un soutien au leader élu. Mais, dans les faits, tout dépendra de la légitimité du vote de samedi. Il doit être clair, sans appel et d'une totale transparence. Or, quelques voix s'étonnent. Des responsables de l'UMP trouvent la composition du collège électoral "saugrenue".

Des candidats-électeurs, une "super bizarrerie"

Le vote de samedi repose sur un collège électoral composé de parlementaires, de maires et présidents d'intercommunalité (de plus de 20 000 habitants), de présidents de groupe dans les Conseils régionaux et des présidents de Conseils généraux.

Parmi ces 40 votants, 6 sont des "candidats-électeurs". On ne dénombre de fait que 4 "vrais" candidats. Des candidats qui ne peuvent pas voter pour eux-mêmes : Dominique Reynié, Élisabeth Pouchelon (conseillère régionale UMP), Bernard Carayon et Jean-Luc Rivière (conseiller régional UDI).

Un élu UMP qualifie cette situation de "super bizarrerie". La question a été soulevée. Le 1er avril dernier, Jean-Luc Moudenc a rencontré les conseillers régionaux de Midi-Pyrénées et une autre réunion, du même genre, s'est déroulée à Montpellier, où la question des "candidats-électeurs" a été soulevée. Elle est finalement "réglée" par un "appel à l'éthique" de chacun. Le 28 février, à Perpignan, un règlement intérieur a été adopté, mais, suite aux remarques des conseillers régionaux, il n'a pas été modifié. Il ne dissocie pas (en les rendant incompatibles) le statut d'électeur et celui de candidat

Un connaisseur de l'UMP relativise les choses :

"De toute manière, c'est une vaste c... Même avec un engagement écrit, on ne pourrait pas empêcher les accords des uns de voter pour le compte des autres. Philippe Bonnecarrère (sénateur UDI du Tarn) pourra toujours s'entendre avec Gérard Larrat (maire DVD de Carcassonne) et Bernard Carayon (maire UMP de Lavaur) avec Pierre Morel-A-Lhuissier (député UMP de la Lozère)."

Du côté des candidats, c'est le silence radio. Jacques Thouroude est le seul à rappeler qu'il respectera une ligne éthique. Il ne votera pas pour lui-même. Ses concurrents ont une excuse facile pour justifier leur mutisme : ils sont très occupés.

Des candidats en campagne

Dominique Reynié découvre (concrètement) l'étendue de la grande région et fait le bonheur des agences de location de voitures. Il lui arrive de parcourir 800 km par jour. Jacques Thouroude et Philippe Calléja (conseiller régional UMP) prennent le volant, décrochent leurs téléphones ou envoient des mails. Ils ne verront pas tous les grands électeurs. Mais Jacques Thouroude compte sur le déjeuner de samedi (réunissant autour d'une même table candidats et électeurs) pour nouer les ultimes contacts. Bernard Carayon (maire UMP de Lavaur) s'inspire d'un best-seller (La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires de Christophe Guilluy) pour esquisser un programme.

Il reste moins d'une semaine pour faire campagne. Certains (comme Bernard Carayon) ont commencé très tôt. D'autres se sont lancés dans la compétition dans la dernière ligne droite. En toute hypothèse, un seul nom sortira des urnes.

En attendant le verdict, les pronostics circulent.

Pronostics

Un seul sondage a été réalisé par Dominique Reynié afin de tester sa notoriété. Aucune étude ne vient éclairer le scrutin de samedi. Néanmoins, des pronostics circulent et ne relèvent pas uniquement des impressions ou des intuitions des uns ou des autres. Ainsi, une élue de droite se livre à une véritable analyse "géopolitique".

D'après elle, "le leader élu sera midi-pyrénéen. Il y a une forte représentation des Midi-Pyrénéens chez les candidats mais aussi une forte présence dans le collège des électeurs."

Cette analyse est confortée par un centriste.

Selon lui, "le match va se jouer entre 3 personnes. Dès le premier tour, Dominique Reynié, Élisabeth Pouchelon (conseillère régionale UMP) et Jean-Luc Rivière (conseiller régional UDI) vont être éliminés et il devrait rester en course Philippe Bonnecarrère, Bernard Carayon et Stéphan Rossignol (maire UMP de La Grande-Motte). Depuis le début, on donne des gages aux Languedociens, notamment sur le lieu des réunions. D'ailleurs, avant Sète, on a pensé organiser le vote à Bouzigues. Il est impossible que Rossignol soit éliminé au premier tour."

Samedi, en fin d'après midi, les faits confirmeront peut-être ces "prévisions". Mais une chose est certaine. À Sète, entre les quatre murs de l'Hôtel de Paris, va se dérouler une drôle d'élection. Elle va mélanger cuisines politiques et personnelles, affinités partisanes et logiques locales.

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