Apprentissage : le plaidoyer du président d'Eminence

Confrontée au besoin de renouveler ses effectifs, Eminence se heurte à la pénurie touchant certains profils sur son bassin d'emploi, et ailleurs. Son président, Dominique Seau, propose des pistes pour booster l'apprentissage et l'alternance, tout en regrettant l'oubli du secteur privé dans l'attribution des contrats aidés.
Dominique Seau, à la tête du groupe Eminence, est aussi président de la Fédération de la maille et de la lingerie

Eminence opérant dans un secteur dit traditionnel, le textile, souffrez-vous d'un problème de pyramide des âges à l'heure de renouveler vos effectifs ?

Dominique Seau : En partie seulement. Sur notre effectif actuel de 481 collaborateurs, la moitié environ avait plus de 50 ans à la fin 2016. Nous avons enregistré 23 départs à cette date, dont 10 en retraite. La mise en retraite représente donc 50 % des motifs de départ dans notre groupe. Nous avons un enjeu fort de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, NDLR). Ainsi, nous avons maintenu un niveau d'embauche élevé, en 2015 et 2016, pour pallier cette évolution. Mais nous faisons face, en parallèle, à un problème de formation. Pour notre usine de Sauve (30), nous cherchons régulièrement des opérateurs en confection, c'est à dire des personnes travaillant en textile et pouvant piquer à la machine, alors qu'il n'y a plus d'usines avec machines à coudre en France. Or ces profils n'existent pas, sur le plan national ou sur notre bassin d'emploi, dans les Cévennes. Nous travaillons avec Pôle Emploi Gard sur une méthode par "simulation", permettant de sélectionner sur des gestes simples des gens disposant d'une autre expérience. C'est un effort de formation pour Eminence, puisque nous prenons en charge une partie des coûts pendant quatre mois. À l'issue de la dernière session, portant sur une centaine de candidats, nous en avons recruté 20.

Quelles solutions trouvez-vous pour compenser ces difficultés de recrutement ?

D. S. : Le plus difficile concerne les cadres ou agents de maîtrise de confection, car ce sont des postes techniques à haut niveau de qualification. Disons que nous nous adaptons ! Nous disposons par exemple d'une usine en Roumanie, d'où nous avons fait venir un opérateur en confection - avec sa famille - jusqu'ici, dans le Gard. Plus globalement, en matière de formation, nous dépensons plus que les obligations légales pour permettre à nos salariés d'évoluer. Nous travaillons aussi beaucoup sur la polyvalence, en mettant par exemple des gens à la fois sur la coupe et sur la logistique; C'est une deuxième solution après la formation. Mais le constat est que nous ne recrutons qu'en nous transformant en école...

Que faudrait-il changer ?

D. S. : Il y a une attention particulière à porter à l'apprentissage et à l'alternance. Ces pistes sont souvent vues comme des voies de garage, alors que le taux d'employabilité est bon : 75 % des apprentis ont un emploi qui aboutit à un contrat de travail. Mais il faut constater que d'autres priorités ont été faites. Beaucoup d'argent a été dépensé sur des contrats aidés qui ont été, pour l'essentiel, des emplois dans des associations et des collectivités territoriales. Or statistiquement, les contrats aidés ont alors moins de chances de déboucher sur un emploi permanent que dans le privé, notamment dans des secteurs où les besoins sont importants comme le textile, la chaudronnerie, la soudure et les métiers de bouche. Ces priorités auraient du être fléchées sur le secteur privé. La formation en apprentissage en a été grandement pénalisée : le nombre d'alternants et d'apprentis a chuté, à un niveau bien inférieur à l'Allemagne. Il faut donc recréer un dialogue avec le privé. Nous sommes prêts à prendre notre part de l'effort financier. C'est un travail de proximité qu'il faut mener, notamment avec les écoles qui jouent le jeu. Cela marche dans l'éducation technique, sur des profils à bac -2 ou bac -3. Cela fonctionne aussi dans l'éducation supérieure, comme le montre localement Montpellier Business School, qui a été pionnière dans l'accueil de ces profils. Cet enjeu a bien été compris par la présidente du Conseil régional*, Carole Delga, qui propose à l'État de transmettre aux Régions la compétence technique en formation en fonction des bassins d'emploi. Les besoins en alternance et en apprentissage chez Eminence sont, à ce jour, de trois postes cadre en marketing et de six à sept postes techniques. C'est beaucoup pour une entreprise telle que la nôtre, alors imaginez le potentiel pour tout le reste !

* : hasard du calendrier, la Région Occitanie annonce, le 20 octobre, qu'elle vient de lancer près de 9 500 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emplois, soit une enveloppe de 14 M€ - NDLR.

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Commentaire 1
à écrit le 20/10/2017 à 18:03
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OUI aux formations en alternance véritables viviers d'emplois qualifiés, voire au-delà en créant une véritable filière jusqu'aux formations ingénieurs comme en Allemagne. Mais une mise à plat des pratiques s'impose d'urgence. Plus de 30.000 centres d...

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