Contrainte de se réinventer pour survivre, suite à d'importantes difficultés financières, l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) innove. Opérateur de référence en matière de savoir-faire dans le domaine pédagogique, identifié aussi pour jouer un rôle important dans la formation des moins qualifiés ou des personnes en reconversion professionnelle et doté d'un réseau conséquent de plateaux techniques sur tout le territoire, l'organisme cherche pourtant à renouveler son offre pédagogique.
Il vient d'expérimenter le dispositif Eloce ("école", à l'envers) durant neuf mois sur les centres AFPA de Toulouse et Montpellier, les deux plus gros bassins d'emplois de l'Occitanie, et autour des métiers du tertiaire et de l'informatique.
« Eloce est le premier événement de notre transformation pédagogique et s'inscrit sur deux axes : rechercher l'équilibre financier en redonnant le désir de l'AFPA, et aller chercher les publics les plus éloignés en répondant aux besoins des entreprises, déclare Pascale d'Artois, la directrice générale de l'AFPA, présente à Montpellier le 24 janvier pour la toute première présentation d'Eloce. L'ingénierie pédagogique de l'AFPA était connue, notamment sur les métiers techniques mais encore peu sur les métiers du tertiaire où nous avons perdu des parts de marché... »
Mode projet et soft skills
Eloce a vocation à aider les entreprises à sécuriser leur recrutement et faciliter l'intégration des nouveaux salariés, mais aussi « à rendre la personne en formation acteur de son propre développement », affirme la dirigeante.
« L'AFPA avait un rapport traditionnel à l'apprentissage, avec des cours dispensés par des professeurs, explique Laurence Nottelet, directrice régionale de l'ingénierie et des formations à la direction régionale AFPA Occitanie Pyrénées-Méditerranée. Aujourd'hui, ce rapport à l'autorité et au sachant n'est plus le même, les apprenants veulent participer et peuvent apprendre seuls grâce au numérique. Avec Eloce, on forme les gens sur des métiers par des mises en situation professionnelles, et le sachant est désormais un formateur accompagnant. Et en même temps, on travaille sur les compétences douces organisationnelles et relationnelles - les soft skills - avec des coachs en atelier. Les "Elociens" sont tout de suite en mode projet, donc collaboratif, ce qui est plus motivant car ils ne sont pas seuls. Eloce organise les formations comme dans une entreprise, avec des commandes, des clients, des livrables, des interactions entre personnes. Cela permet à l'entreprise d'identifier et de mieux connaître les gens, de voir comment ils se comportent et s'adaptent. Au final, Eloce permet de former des gens dont le profil est plus complet et plus agile. »
Les apprenants sont envoyés en immersion dans l'entreprise durant 4 à 8 semaines et ont accès 24 h/24 à une plate-forme digitale de learning.
Personnalisation des soft skills
Selon l'AFPA, 370 Elociens sont actuellement en formation pour une durée moyenne de 6 mois à un an, et 200 sont déjà sortis du dispositif. Trente-cinq entreprises de l'Hérault et de la Haute-Garonne sont partenaires de l'AFPA sur ce dispositif innovant, à des niveaux d'implication divers.
« L'offre de formation Eloce est un véritable potentiel de coopération, observe Patricia Goriaux, directrice Grand Sud-Ouest chez Orange, qui n'a pas encore expérimenté la démarche. Ça nous permet d'aborder le recrutement et la formation de façon différente. Nous avons besoin d'une formation plus agile compte tenu de la rapidité des évolutions et de la mue digitale. Ce qu'attend une entreprise aujourd'hui, c'est de pouvoir co-construire une formation selon ses besoins et la population à former, ainsi qu'une personnalisation des soft skills qui sont majeures. Il y a dix ans, cela n'existait pas. »
Marina Sassounian est la responsable administrative du service de prise en charge des patients pour l'entreprise Agir à Dom, prestataire de santé à domicile expert dans l'accompagnement des patients atteints de maladie chronique. Au niveau national, elle emploie 400 salariés, techniciens ou personnels médicaux et paramédicaux, dont une cinquantaine à Castries (34).
« Nous avons expérimenté le dispositif Eloce pour la formation de secrétaires-assistantes médicales, témoigne-t-elle. Nous avons reçu 9 stagiaires. Le mode projet est une bonne façon de se faire une idée précise du métier pour l'apprenant, et pour l'entreprise d'évaluer le comportement de la personne avec les patients ou les médecins, ce qui est primordial. »
Essaimer
« Ce dispositif est déployable dans d'autres secteurs d'activité, annonce Laurence Nottelet. Par exemple, nous envisageons de recréer une entreprise générale de bâtiment dans le centre AFPA de Nîmes, avec tous les corps de métier... Maintenant, il faut réussir à passer cette pratique innovante en vitesse de croisière, et pour ça, la faire connaitre par les entreprises. »
Une expérimentation est déjà en cours avec le groupe Vinci sur les métiers du bâtiment sur dix sites en France, dont Toulouse et l'Ile-de-France.
« L'essaimage se fera en deux temps, précise Alain Mahé, directeur régional de l'AFPA Occitanie Pyrénées-Méditerranée. Sur ce périmètre des métiers du tertiaire, nous essaimerons d'abord dans d'autres centres de la région, puis dans d'autres régions. Et dans un 2e temps, nous l'élargirons à d'autres secteurs d'activité. »
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