Médecine libérale : les raisons de la colère

La mobilisation des professions de médecine libérale contre le projet de loi défendu par la ministre de la Santé Touraine conduit les médecins à envisager une grève sur la période des fêtes, et au-delà. Réunis à Montpellier le 18 décembre, ils dénoncent une exclusion du système de santé qui, disent-ils, conduira au démantèlement de la médecine libérale.
Les médecins libéraux lancent un vaste mouvement de grève pour contester la future loi de santé

Ils ne sont pas contents. Pas du tout. La loi santé, qui sera discutée au Parlement au printemps 2015 et qui tient pour grands axes la prévention, la généralisation du tiers-payant, un service public d'information en santé, avec un portail web unique, et la possibilité d'actions de groupes dans le domaine de la santé, ne plait pas aux professions libérales de médecine, au point de déclencher une grève illimitée des praticiens et une fermeture des cliniques.

Une vidéo présentant les 5 axes de la loi Santé :

Réunis en conférence à Montpellier, le 18 décembre, leurs représentants syndicaux régionaux (Médecins généralistes de France, la Fédération des médecins de France, la Confédération des syndicats médicaux français, la Confédération des président des Commissions Médicales d'établissement de l'hospitalisation privée, le Syndicat des médecins libéraux, Le Bloc (syndicat de chirurgiens libéraux), la Fédération de l'hospitalisation privée, l'Union régionale des professionnels de santé,...) fustigent la politique gouvernementale en matière de santé.

Trop d'État dans la loi santé ?

Parmi les principales doléances, un « monopole institutionnalisé de l'hôpital public », notamment l'accès au label « Service public hospitalier », donné de facto aux établissements publics, aux établissements privés non lucratifs mais pas aux établissements privés à but lucratif.

« La condition pour avoir ce label est que l'ensemble des médecins libéraux aient une activité à tarif opposable (tarifs conventionnels, qui ne permettent pas de pratiquer le dépassement d'honoraires, NDLR), bien qu'ils n'aient pas été augmentés depuis dix ans », dénonce Jean-Luc Baron, le directeur de la CRP-CME.

Par ailleurs, l'intention de structurer l'offre sur le territoire via les groupements hospitaliers de santé, sans inclure autrement qu'en tant que « partenaires » les cliniques privées, est aussi, selon les médecins libéraux, le désir d'exclure la médecine privée du système de santé. Les syndicats blâment également la loi pour le pouvoir trop coercitif qu'elle donnerait aux agences régionales de santé (ARS), notamment en matière d'installation de nouveaux médecins libéraux et d'autorisation d'activité. Enfin, l'alourdissement des tâches administratives généré par la mise en œuvre du tiers-payant généralisé vient renforcer la colère des médecins.

« Si nous devons gérer le qui paie quoi sur toutes les combinaisons possibles de 23 caisses d'assurance maladie et de 550 mutuelles, alors que 60 % des médecins n'ont pas de secrétariat et que leurs charges augmentent, ce n'est pas possible ! », assène Jean-Christophe Calmes de MG France, reconnaissant la nécessité de maintenir un tiers-payant social pour l'accès aux soins des plus démunis.

Désir de reconnaissance

En Languedoc-Roussillon, l'hospitalisation privée représente 80 cliniques, 10 000 salariés, un peu plus de la moitié des séjours en chirurgie, en cardiologie interventionnelle, en chirurgie du cancer. Côté maternité, 49 % des accouchements sont réalisés en clinique.

« Marisol Touraine a dit que nous voulions le beurre et l'argent du beurre, mais ce n'est pas ça du tout : nous voulons être considérés et ne pas être exclus, s'indigne Pascal Delubac, président de la FHP L-R. Nous n'avons pas 90 % de subventions pour équilibrer nos 30 Mds € de déficit ! Nous sommes des établissements de santé commerciaux, et ce mot commercial, en France, ça ne passe pas. »

Et de s'indigner sur l'inégalité de dotation entre les établissements privés et publics pour une même mission. Oubliant au passage que le différentiel des sommes allouées est essentiellement dû au différentiel de bénéfices entre des établissements à but lucratif et non lucratif.

Grève illimitée

Si la ministre s'est dite consciente que "la loi sur la santé nécessite des adaptations", les libéraux indiquent qu'ils veulent une totale réécriture du projet, et à défaut, son retrait pur et simple.

«Cette loi aura eu un effet positif : nous nous sommes tous unis dans une action et un combat communs », reprend Pascal Delubac.

En effet, les médecins libéraux et présidents de CME se mobilisent du 24 au 31 décembre 2015, une grève qui sera suivie d'un arrêt illimité de l'activité des établissements de santé privés à compter du 5 janvier 2015.

« Nous sommes tout de même responsables : nous serons très certainement réquisitionnés par la préfecture et l'ARS, nous assurerons tous les services d'urgences », indiquent les médecins en colère.

À ce jour, les services de l'Etat, contactés par la rédaction, n'avaient pas encore connaissance du nombre de réquisitions opérées. Réquisitions sur lesquelles, sans s'en réjouir, la médecine libérale et privée compte bien, afin de prouver son utilité.

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Commentaire 1
à écrit le 24/12/2014 à 23:28
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Études gratuites, numerus closus, absence d'obligation sur le lieu d'installation, et pseudo-fonctionnaires gagnant plus de 4000 euros (voire bien plus). Le trou de la sécu et le pourcentage de médecins étrangers (20%) permettent de mesurer le résul...

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