Pour l’EPF Occitanie, le patrimoine doit être un levier de l’aménagement des territoires

Établissement public à caractère industriel et commercial, l’EPF d’Occitanie travaille à la demande des collectivités sur la maîtrise foncière des biens et terrains nécessaires pour réaliser des opérations de construction ou des projets d’aménagement. Il contribue à la définition de ces projets ainsi qu’à la mise en place de la stratégie foncière adaptée. C’est dans ce contexte qu’il intervient de plus en plus dans des opérations de revitalisation de centres anciens, de reconversion de sites industriels sur du patrimoine classé, des bâtiments remarquables ou plus simplement des biens empreints de l’histoire sociale et économique du territoire. Et le devenir de ces biens est souvent un élément fondamental dans l’élaboration du projet de la collectivité. Explications avec Sophie Lafenêtre, directrice générale de l’EPF d’Occitanie.
Sophie Lafenêtre, directrice générale de l’EPF d’Occitanie
Sophie Lafenêtre, directrice générale de l’EPF d’Occitanie (Crédits : EPF Occitanie)

Quels sont le rôle et les missions de l'EPF?

Sophie Lafenêtre : L'EPF a une mission d'appui auprès des collectivités sur tout projet d'aménagement d'intérêt public. Notre activité porte sur des opérations d'aménagement à vocation de logements, de commerces, de développement économique (activité productive, bureaux, infrastructures de transports) mais également de développement touristique. Nous intervenons également sur les espaces naturels ou agricoles sous un angle de prévention des risques ou encore de préservation de la biodiversité. Nous aidons la collectivité non seulement à acquérir les tènements nécessaires à son opération mais surtout à définir le parti d'aménagement et à mobiliser les opérateurs privés comme publics qui réaliseront in fine les constructions et les aménagements.

Quel a été l'impact de l'élargissement de l'EPF LR à l'Occitanie?

S. L. : Depuis 2017, date de création de l'EPF d'Occitanie, nous avons doublé notre territoire d'intervention. Ce déploiement s'est également accompagné de missions nouvelles comme l'intervention sur la revitalisation des stations de montagnes, la reconquête des friches industrielles et la revitalisation des centres anciens dans le cadre des programmes Cœur de ville de l'Etat et Bourg-centre de la Région. Dans le cadre de cette l'extension, nous réalisons dorénavant notre mission de service public sur un territoire de près de 5 millions d'habitants sur des sites aussi variés que le littoral, le périurbain, le rural, les grandes agglomérations et la métropole de Montpellier. Nous intervenons sur demande des collectivités pour sécuriser la réalisation de leurs projets en lien étroit avec d'autres opérateurs (promoteurs, aménageurs, bailleurs sociaux, etc...).

Quels sont vos domaines d'activité ?

S. L. : Notre cœur de métier est tourné vers la maîtrise foncière : négociations, achats de biens, gestion de ces biens, travaux de démolition, confortement, désamiantage. Mais nous travaillons également sur la philosophie des projets : études urbaines ou de programmation. Nous accompagnons des projets d'aménagement multiformes et extrêmement variés mêlant habitat, commerces et équipements ou encore hôtel, équipement touristique et bassins de crue. Dans le cadre de notre programme pluriannuel d'intervention 2019-2023, nous venons de valider la feuille de route des cinq années à venir. Plus de 300 millions seront dévolus à nos interventions d'acquisitions foncières et immobilières selon 3 grandes priorités : la production de 9000 logements, essentiellement en réhabilitation et restructuration, l'accompagnement des opérations d'attractivité économique et les interventions relatives à la prévention des risques et la préservation de la biodiversité...

Quelles compétences mettez-vous au service des collectivités ?

S. L. : Au-delà des compétences en matière d'évaluation, de négociation et de portage foncier, nous avons développé toute une ingénierie d'appui pour soutenir les collectivités et faciliter la sortie des opérations (cofinancement d'études pré-opérationnelles, mise en place de dispositifs financiers de décote). Notre cœur de métier reste la maitrise foncière tout en étant attentifs à la régulation des prix du marché immobilier. Nous devons également relever de nombreux défis tels que la prise en compte dans l'aménagement à venir du recul du trait de côte et la requalification des copropriétés balnéaires, le traitement des grands sites industriels désaffectés et pollués, ou encore l'intervention sur les grandes copropriétés dégradées.

À l'occasion du Meeting Art, organisé par La Tribune le 26 septembre, vous allez intervenir sur l'effet levier du patrimoine en matière de conception urbaine, quel message souhaitez-vous faire passer en la matière...

S. L. : Nous sommes un pays d'Histoire, nous sommes une référence dans monde entier non seulement pour les événements majeurs qui ont émaillé la construction de notre nation mais également parce que nous sommes un des seuls pays à avoir su préserver ce patrimoine (et non uniquement des vestiges !). Et force est de constater que dans nos interventions au quotidien sur des opérations en particulier de revitalisation de centre ancien ou de reconversion de sites industriels, la préservation de ces bâtiments patrimoniaux et leur mutation vers de nouveaux usages se posent. En effet, aujourd'hui, les grandes politiques publiques de l'Etat, de la région, des métropoles, des villes tendent vers la sobriété foncière et la reconquête des tissus existants, des centres anciens où vous retrouvez du bâti médiéval, du bâti XIXe, etc. Et il est assez extraordinaire de voir qu'on envisage pour ces constructions qui ont plusieurs centaines d'années, un nouvel usage, une réhabilitation, une nouvelle vie. Souvent des bâtiments classés ou remarquables (églises, ancien hôpital, hangar industriel) sont au départ du projet : que peut-on en faire, que peuvent-ils accueillir, comment réorganise-t-on l'espace public puis les autres fonctions de la ville ? Ils contribuent à l'image de marque d'un territoire et à son identité. Et c'est bien cette dynamique qui est susceptible d'attirer des investisseurs capables de redonner un second souffle à ce patrimoine et par la même occasion à tout un quartier voire tout un territoire.

Pouvez-vous nous donner des exemples ?

S. L. : Lorsque j'évoquer cette notion d'image de marque et de dynamique, je pense immédiatement à Figeac et le palais du Viguier-le-roi ou bien Pézenas et son théâtre ou encore les Matelles et son centre médiéval et Auch et sa caserne. Cahors, par exemple, travaille sur la valorisation de son patrimoine « carcéral » et toute une réflexion se met en place autour du Palais de Via, construit au XIVe siècle avec une magnifique tour qui domine la ville et remanié au XVIIe siècle. Dans le cadre de l'appel à projet réinventons nos cœurs de ville piloté par les ministères de la culture et de la cohésion des territoires, ce palais doit connaître une mutation profonde : hôtel, restaurant, logements étudiants, locaux d'artisanats, salles événementielles, jardins urbains ouverts au public. C'est l'attractivité du cœur de ville qui en sera profondément modifiée. À Auch, l'achat de l'ancienne caserne militaire génère toute une réflexion économique et artistique : nous cofinançons actuellement des études avec des partenariats privés pour travailler sur une programmation pertinente en matière d'hôtellerie, de restauration, de logements, de création d'un parc urbain sur un site équivalent à l'ensemble du centre-ville. Cette étude donnera lieu en fin d'année à un concours d'architectes. Dans le même ordre d'idée, les tanneries abandonnées de Gaillac dans le Tarn donnent lieu à réflexion pour redynamiser la ville, via notamment l'implantation d'entreprise d'arts du spectacle. En terme de retombée économiques, les villes arrivant à mobiliser leur patrimoine constatent des retombées positives avec des créations d'emplois qu'ils soient saisonniers ou pérennes et une augmentation de l'attractivité résidentielle puisque la dynamique s'accompagne souvent d'une vitalité de petits commerces et services contribuant à offrir un cadre de vie de qualité.

La signature, en mai dernier, d'une convention de partenariat avec Sites et Cités remarquables de France marque-t-elle un pas important pour l'EPF dans la reconnaissance de son intervention en faveur du patrimoine ?

S. L. : Cette association présidée par l'ancien ministre et ancien président de région Martin Malvy regroupe plus de 240 villes à l'échelle nationale qui ont choisi de s'appuyer sur leur patrimoine pour penser le développement de leur ville. Le fait que cette association d'élus se soit rapprochée de l'EPF pour définir les modalités de capitalisation, de diffusion des bonnes pratiques en matière de reconquête des éléments patrimoniaux dans les projets d'aménagement constitue une reconnaissance forte de notre action quotidienne en ce sens et conforte notre sentiment d'effet levier du patrimoine dans les projets d'aménagement.

Voyez-vous une évolution des mentalités ?

S. L. : Je remarque de plus en plus chez les élus une vraie appétence pour cette vision patrimoniale qui n'est d'ailleurs pas forcément simple. Cette volonté de valoriser et de réutiliser le patrimoine est très vive. Elle prend d'autant plus de sens avec l'épisode des gilets jaunes qui a mis en lumière un véritable attachement des habitants à leur territoire couplé à un sentiment d'abandon avec le départ des services, les difficultés à se déplacer et une dégradation du pouvoir d'achat. Bien entendu, le patrimoine passe effectivement bien après le pouvoir d'achat en termes de préoccupation au quotidien. Toutefois, ce même patrimoine suscite avec une facilité déconcertante une adhésion générale dès lors que vous touchez à des édifices qui font l'identité et l'image du territoire. Le succès de la démarche du loto du patrimoine illustre ce phénomène. Les élus ont de plus en plus conscience de l'importance de ce patrimoine, les habitants y sont attachés de manière plus ou moins conscientes. Restent les acteurs économiques à convaincre. Et là il faut leur apporter un cadre d'investissement sécurisé et attractif. Or le message que nous souhaitons porter est que l'attractivité ne se concentre plus seulement sur les métropoles, le phénomène observé dans le Lot par exemple est très intéressant puisque des PME s'installent finalement hors de la métropole toulousaine et réinvestissent des bâtiments anciens qui leur offrent un cadre de vie propice à la créativité et leur donne un confort de vie en adéquation avec leurs moyens. Et l'EPF Occitanie, dans ses interventions sur l'ensemble de la région doit contribuer à faire revivre ce patrimoine pour amorcer des dynamiques de redéveloppement de ces territoires et ainsi, comme l'indique notre devise « donner du sens à notre action foncière ».

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