Silver économie : à Nîmes, les acteurs économiques interrogent la réalité du virage domiciliaire

Virage domiciliaire, domotique, transition numérique,… Le secteur de la silver économie est en perpétuelle mutation, offrant de nouvelles opportunités de création de valeurs sur les territoires. Les acteurs économiques de ce secteur témoignent de sa vitalité mais évoquent aussi quelques inquiétudes. Ils s’exprimaient lors d’un récent rendez-vous organisé par Nîmes Métropole.
(Crédits : DR)

D'ici 2030, les 60 ans et plus devraient représenter plus d'un tiers de la population française (sources INSEE). L'opportunité de tirer parti du vieillissement de la population comme une opportunité de croissance pour les entreprises et les territoires est sur la table de nombreux acteurs économiques. Comme l'agglomération Nîmes Métropole, qui vient d'ailleurs d'être classée première, par nos confrères du Figaro, au palmarès des villes de plus de 100.000 habitants où prendre sa retraite...

C'était justement la thématique des Rendez-vous Eco organisés le 27 janvier dernier par la collectivité.

EHPAD hors les murs

« Corollaire au changement démographique, la silver économie est moins une économie en silo qu'une économie de filière car vieillir interroge tous les domaines : habitat, transport, numérique et soin bien entendu », rappelle Jean-Marc Blanc, directeur de la fondation Institut méditerranéen des métiers de la longévité (I2ML) Nîmes, qui accompagne les entreprises de la silver économie.

Avec 85% des Français souhaitant vieillir chez eux, la filière est prometteuse. D'autant que l'EHPAD n'est pas une fin en soi, comme le rappelle Anne Ferrari directrice des EHPAD de la Croix-Rouge Française à Nîmes. L'association expérimente depuis un an un modèle innovant d'accompagnement à domicile : « La Croix-Rouge fait évoluer les services de son institution au profit des personnes en ville. Testé sur sept pôles, ce dispositif de type EHPAD "hors les murs" propose des services externalisés, une prise en charge renforcée et des outils connectés pour sécuriser le maintien à domicile et lutter contre l'isolement social ».

En parallèle, l'association projette d'ouvrir à Nîmes, en 2024, un tiers-lieu dédié à l'inclusion sociale des aînés.

« Il faut rendre leur rôle de citoyen aux personnes âgées, poursuit Anne Ferrari. Je défends la notion de parcours intégré et continu pour offrir le bon service au bon moment. L'idée est de faire du sur-mesure avec l'ensemble des partenaires... Nous avons la chance, à Nîmes, d'être dans un écosystème où tout le monde se connaît. Au-delà des financements, il est important que les collectivités locales appuient nos démarches. Car les seniors génèrent bien sûr de l'économie mais sont aussi une belle opportunité pour redynamiser les villes. »

Pas de statut de professionnel de santé

De nombreuses entreprises se sont saisies de ce nouveau vecteur de croissance et d'emplois qui permet de faire reculer la perte d'autonomie.

Société familiale gardoise créée en 1977, Bastide Le confort médical a été l'un des premiers acteurs à s'intéresser aux opportunités du maintien à domicile. Le groupe a développé une large gamme de matériel favorisant autonomie, mobilité, sécurité des seniors, mais ne se considère pas comme simple distributeur de matériel.

« Les données sur le vieillissement de la population et l'allongement de la durée de vie sont autant de statistiques qui permettraient de nous réjouir d'un point de vue économique, observe Nicolas Balmelle, directeur des relations institutionnelles de Bastide Le Confort Médical. Pour autant, nous avons quelques inquiétudes. Nous entendons beaucoup parler de virage ambulatoire et domiciliaire mais nous faisons face, depuis dix ans, à de fortes baisses tarifaires qui nous impactent. Il y a un décalage entre les discours et la réalité terrain. Nos missions ont beaucoup évolué, nous menons désormais un vrai travail d'accompagnement, à la fois dans l'installation du matériel chez le patient et dans son suivi. Aujourd'hui, nous nous définissons comme prestataire de santé à domicile mais l'Etat nous considère toujours comme distributeur de matériel médical. C'est d'autant plus dommage que nous pourrions être porteurs de projets nationaux. »

Un avis partagé par Aurore Brion, directrice de l'innovation marketing de Winncare (fabrication de matériel médical), acteur majeur du monde des EHPAD qui a fait évoluer son activité : « Nous avons assis notre savoir sur le maintien à domicile en ayant la contrainte de faire valider l'ensemble de nos produits par les autorités de tutelle. Nous nous heurtons aujourd'hui à des difficultés de remboursement de produits et nous n'avons pas l'impression d'être des partenaires à part entière des politiques d'autonomie ».

La "care city"

En quoi les seniors constituent-ils un enjeu de taille pour le futur de villes ? Stéphanie Cadet, responsable du service social du bailleur privé Un toit pour Tous, détaille les projets du groupe dans le Gard : « Nous nous sommes fixés pour objectif de construire 1.000 logements et de réhabiliter les résidences en faveur des personnes âgées. Plus de 10% de nos logements sont aujourd'hui occupés par des personnes de plus de 75 ans. Nous avons mis en service cinq maisons en partage pour séniors, quatre autres sont en cours. Nous avons également prévu, d'ici 2024, de multiplier par dix le nombre de logements PMR (personne à mobilité réduite, NDLR). Nous allons également déployer une action d'ampleur pour poser un diagnostic social global afin de mesurer les situations des plus fragiles et apporter des réponses en termes d'adaptation ou de mutation ».

Une ville qui prendrait soin de ses habitants, c'est un peu le "dada" de Jean-Marc Blanc, qui plébiscite d'ailleurs la notion de "care city".

« La smart city est une réponse un peu "waouh" à un modèle d'urbanisme connecté et intelligent, censé améliorer la qualité de vie des citadins en rendant la ville plus adaptative et efficace, affirme-t-il. Je préfère l'idée d'une "care city" qui deviendrait protectrice pour ses ainées. »

Perte d'autonomie et sécurité

La notion du Care est également au centre de toutes les attentions de la société toulousaine Telegrafik, qui conçoit et déploie des services connectés intergénérationnels, utiles et sécurisants pour les personnes fragiles, mais aussi leurs aidants familiaux ou professionnels.

« Nos capteurs discrets assurent une veille à distance des personnes âgées, explique Pierre Thos, chargé d'affaires chez Telegrafik. Intégrant de l'IA, nos solutions aident aussi le personnel soignant à analyser les habitudes de la personne, à anticiper la perte d'autonomie et à prévenir les risques de chute. »

De son côté, Jean-Pierre Riso, président de la FNADEPA, association qui compte 1.300 directeurs d'établissement et services pour personnes âgées, se réjouit de l'accélération de la transition numérique : « La crise sanitaire a fait prendre conscience qu'il fallait accélérer la transition numérique. Mais pour qu'elle soit réussie auprès de nos aînés, elle doit l'être aussi auprès de celles et ceux qui les accompagnent, les soignants et les salariés... Il faut sortir du carcan du financement, transcender les logiques anciennes, faire en sorte qu'il y ait des facilitateurs. Soyons sur une approche domiciliaire qui transcende les silos ».

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