Attirer et fidéliser les soignants : le grand défi 2023 du CHU de Montpellier

Entre bilan contrasté de trois années de crise et optimisme lucide en raison des nombreux projets à venir pour le CHU de Montpellier, les conditions de travail des soignants et les problématiques de recrutement constituent l’enjeu majeur de l’établissement hospitalier en ce début d’année. Même s’il affirme avoir contenu l’hémorragie de personnels, le CHU affûte ses armes et ses arguments pour booster son attractivité et (re)donner envie aux nouvelles générations de soignants.
A Montpellier comme dans de nombreux établissements hospitaliers, les soignants ont quitté leur métier en raison des conditions de travail difficiles.
A Montpellier comme dans de nombreux établissements hospitaliers, les soignants ont quitté leur métier en raison des conditions de travail difficiles. (Crédits : CHU Montpellier)

« De la 7e à la 9e vague Covid, de la récente crise de bronchiole d'une inédite intensité en passant par l'émergence de la variole du singe, sans oublier aussi les tensions de l'été dernier, la multiplication des crises a lourdement affecté notre organisation comme notre quotidien et usé la résistance des professionnels, qui ont pour certains délaissé nos établissements ».

Lors de la traditionnelle cérémonie des vœux, le 25 janvier, François Bérard, directeur général par intérim du CHU (voir encadré), dresse un bilan lucide de l'année 2022 et parle sans tabou de « trois années de crise sans précédent », qui ont laissé des traces et affectent encore aujourd'hui une crise des effectifs et du recrutement pour le CHU montpelliérain, comme beaucoup d'autres.

Un constat que le Professeur Patrice Taourel, président de la Commission médicale d'Établissement (CME), prend la précaution de remettre en contexte : «  Il ne faut pas se tromper, la crise Covid n'est pas la cause du désenchantement des soignants, c'est simplement un révélateur. Début 2020, dans de nombreux CHU de France, mais pas à Montpellier, soignants et médecins quittaient de manière démonstrative la cérémonie des vœux pour dénoncer la pénibilité des conditions de travail, l'absence de temps suffisant auprès des patients, la manie du reporting ou l'interposition d'écrans entre eux et leurs patients ».

Patrice Taourel insiste malgré tout sur le cercle vicieux qui a causé le départ de nombreux soignants ces dernières années, à Montpellier comme partout en France.

« Dès qu'ils ont eu le loisir de réfléchir à leurs conditions de travail, certains soignants ont quitté le CHU car travailler le week-end et la nuit, ça ne fait pas rêver, souligne-t-il. La charge de travail en soins avec des patients plus sévères qui restent hospitalisés moins longtemps du fait du manque de lits est trop lourde. Car les fameux ratios, soit le nombre de patients par soignant, n'étaient, à leurs yeux, plus adaptés à leur travail, entraînant une réelle perte de sens ! ».

80 postes d'infirmiers à pourvoir

Malgré ces éléments alarmants, le CHU affirme faire face.

« Nous avons, ces derniers mois, assuré trois épidémies - Covid, grippe et bronchiolite du nouveau-né - sans transfert de patients, analyse le président de la CME. Cette adaptabilité de notre CHU aux urgences a eu un prix fort, à savoir la diminution de l'activité programmée. Je crois que le CHU a un peu mieux résisté que les autres en termes de qualité des soins et d'attractivité. Comme chaque année, nous sommes dans les trois premiers CHU choisis par les internes. »

Une situation favorable qui, selon lui, est fortement liée à l'innovation et à la recherche, « une spécificité du CHU et un facteur de reconnaissance et d'attractivité », qu'il s'agisse de la « force universitaire de Montpellier ou de l'ambitieux projet MedVallée ».

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Si le DG par intérim détaille les nombreux projets à venir du CHU, dont le développement de la capacité opératoire de la structure à travers « le déploiement de projets sur les secteurs de Lapeyronie et Saint-Eloi en gynéco-obstétrique et le déploiement de l'offre capacitaire en hématologie et en oncologie sur le site de Saint-Eloi », il reconnaît aussi le « manque de bras » et la nécessité de recruter pour mener à bien ces projets. Cette fameuse « crise des vocations » mine le recrutement, notamment dans les métiers sous tension.

Judith Le Page, directrice RH et Formation du CHU de Montpellier, s'est confiée à La Tribune : « Notre challenge principal aujourd'hui concerne le métier d'infirmier, pour lequel nous avons actuellement 80 postes à pourvoir afin de combler les besoins et renforcer nos équipes, notamment sur les blocs opératoires. Nous cherchons aussi des infirmiers pour les secteurs de l'oncologie et de l'hématologie dans le cadre des projets phares à venir en 2023 ».

Des métiers sont considérés "en tension" en raison d'un tarissement du nombre de diplômés, comme le rappelle la DRH.

« Le marché du travail n'a pas assez d'infirmiers diplômés au niveau national, malgré l'augmentation des quotas de formation, et il faut trois ans de formation pour être infirmier, plus deux ans de spécialité en anesthésie ou bloc opératoire. De plus, il y a de nombreux étudiants qui arrêtent les études en cours de route. »

Des mesures attractives en interne

Le Professeur Isabelle Lafont, doyenne de la Faculté de médecine Montpellier, salue à ce sujet « la ré-ingénierie de la formation des IBOT, les infirmiers et infirmières de bloc opératoire, qui vont maintenant avoir un diplôme délivré par les universités ». Alors que les contraintes liées au service public sont beaucoup moins acceptées par les jeunes professionnels, une grande opération de communication a été lancée sur les réseaux sociaux par le CHU, mettant en avant des portraits de soignants, notamment des infirmières et infirmiers spécialisés.

« Nous essayons de réfléchir à ce qui donne envie aux jeunes de venir, c'est pour ça que l'on donne la parole à nos professionnels, explique Judith Le Page. Il s'agit d'élargir notre bassin d'emploi et d'aller chercher les professionnels plutôt que d'attendre qu'ils viennent à nous, cela passe par notre présence sur les réseaux sociaux et dans les salons infirmiers, mais aussi directement dans les écoles. »

En interne, des mesures attractives ont été mises en place ces derniers mois, comme le détaille François Bérard : « Nous avons engagé, dès juin 2022, un travail avec les organismes représentatifs du personnel autour d'un protocole d'activité et de représentation pour une meilleur reconnaissance professionnelle. Beaucoup de mesures ont été proposées, dont le recrutement direct en CDI pour les infirmières et les infirmiers. Notre plan prévoit aussi, sur trois ans, l'accès privilégié au statut de fonctionnaire pour les agents contractuels de catégorie C. En 2022, plus de 1.000 professionnels, tous métiers confondus, ont ainsi pu accéder au statut de la fonction publique ».

« Pas plus de départs que l'année dernière »

D'autres mesures sont à l'étude pour faire de 2023 « une année exceptionnelle en termes de recrutement ».

« Nous allons proposer, lors des prochaines instances, la création d'une prime de cooptation qui sera versée à un professionnel qui contribuera au recrutement d'un infirmier au sein de l'établissement. Nous comptons 12.000 collaborateurs, 12.000 ambassadeurs de notre CHU, 12.000 recruteurs potentiels », s'enthousiasme le DG par intérim du CHU de Montpellier.

Judith Le Page reste sereine, estimant que les nombreux projets du CHU créent de l'emploi : « Nous n'avons pas eu plus de départs cette année que l'année dernière, ce qui est un indicateur qui va dans le bon sens, même si nous avons des postes encore non pourvus, et en 2022, nous avons recruté 300 infirmiers, soit plus qu'en 2021 ! ».

Pour fidéliser les professionnels, l'accent est également mis sur la politique de formation qui permet à des soignants de se former pour changer de poste et continuer leur carrière au sein de l'institution hospitalière montpelliéraine, y compris les infirmiers.

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À suivre AU CHU en 2023

Un nouveau directeur général devrait être élu dans les semaines à venir. Cette élection fait suite au départ de Thomas Le Ludec en décembre 2022, nommé à l'Inspection générale des affaires sociales après six années passées à la tête du CHU de Montpellier.

L'un des gros dossiers 2023 du CHU est son Schéma directeur immobilier, qui nécessite que soit validée l'annonce faite par le Premier ministre en 2021 de l'attribution de 250 millions d'euros au CHU de Montpellier.

« Il nous faudra sans doute passer par un COPIL national d'investissement santé, si possible avant l'été 2023, afin de valider notre projet quant à sa pertinence par rapport aux besoins de la population, sa faisabilité technique et architecturale ainsi que sa soutenabilité financière », précise François Bérard.

Le directeur général par intérim annonce 87 millions d'euros d'investissement à venir en 2023, après 71 millions d'euros d'investissement en 2022, ce qui correspondait déjà au « plus haut montant de ces quinze dernières années ».

Le projet MedVallée, qui associe « l'ensemble de l'écosystème de la santé sur le territoire », selon les termes du maire de Montpellier Michaël Delafosse, a également été évoqué comme un atout de la structure hospitalo-universitaire montpelliéraine.

Enfin, le projet d'IHU (Institut Hospitalo-Universitaire) porté par le professeur Jorgensen, qui devrait être étudié le 1er février prochain, créé également beaucoup d'espoir quant à l'attractivité du CHU de Montpellier.

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