Muscat, tourisme, roman noir… Frontignan, la ville méditerranéenne qui veut booster sa visibilité

La 5e édition de The Village, événement organisé chaque année par La Tribune, s’est délocalisée les 27 et 28 août 2021 de Saint-Bertrand-de-Comminges (son camp de base historique) vers la ville héraultaise de Frontignan. Les initiés savent situer la ville sur une carte en raison de son fameux AOC Muscat, d’autres pour son lido et ses plages, d’autres encore pour son original Festival du roman noir… Portrait.
Cécile Chaigneau
Vue aérienne de Frontignan.
Vue aérienne de Frontignan. (Crédits : Office de tourisme de Frontignan)

Michel Arrouy, maire (divers gauche) de Frontignan depuis juillet 2020, se dit ravi : la 5e édition de l'événement The Village, organisé par La Tribune sur ses terres frontignanaises les 27 et 28 août 2021, vont faire venir une centaine de chercheurs, managers, décideurs, élus locaux et autres personnalités pour réfléchir au monde de demain sur la thématique des "Nouvelles Proximités". L'élu se réjouit des échanges et des réflexions qui vont naître sur ces bords de Méditerranée. En cette période contrainte où la situation sanitaire est toujours fluctuante et incertaine, c'est une belle façon de clore l'été.

« Avoir le monde politique, économique et scientifique qui s'installe à Frontignan pour deux jours est une chance, soulignait-il la veille de l'événement. Les élus locaux ont besoin de ces réflexions pour les aider à construire le monde de demain. »

Un événement, oui, pour cette ville de près de 23.000 habitants dont le nom complet, Frontignan-la-Peyrade, n'est pas forcément bien identifié sur la carte de France et qui ambitionne de gagner en visibilité. Le commun des mortels situe en effet plus facilement les villes de Montpellier et de Sète, et c'est précisément entre ces deux villes que se situent Frontignan, posée en équilibre mer Méditerranée et étangs, entre garrigues et collines de la Gardiole. Les amateurs de vins en connaissent le nom car la commune est le lieu de production du vin AOC Muscat de Frontignan...

Socialiste depuis une centaine d'années

« Frontignan est la 6e ville de l'Hérault, coincée entre Sète et Montpellier, et elle a plus que jamais besoin d'affirmer son identité », concède Michel Arrouy, lui-même Frontignanais pur jus, mais qui aime à rappeler, comme un clin d'œil, que ses parents sont Commingeois, territoire pyrénéen du sud de la Haute-Garonne, où justement se tenait jusqu'à présent l'événement The Village...

L'élu, âgé de 51 ans, cadre de la fonction publique territoriale, est entré en politique locale il y a longtemps. Il était déjà dans l'équipe du socialiste Pierre Bouldoire, qui fut maire de Frontignan de 1995 à 2020, mais il n'aimait pas, durant la campagne des municipales de 2020, qu'on le qualifie de « dauphin du maire sortant ».

« On n'est pas en royauté ! C'était un choix de me présenter et une volonté de me dire que je pouvais continuer le travail fait par Pierre Bouldoire », lance-t-il pour bien appuyer son engagement personnel.

Alors qu'il a dû batailler dans un duel inédit face à Gérard Prato, le candidat menant une liste d'union des droites soutenue par le RN, Michel Arrouy l'a emporté avec 58,01% au 2nd tour en juillet 2020, sur une terre acquise aux socialistes depuis une centaine d'années (avec une parenthèse communiste entre 1945 et 1953).

Frontignan fait aujourd'hui partie de la communauté d'agglomération de Sète Agglopôle Méditerranée (14 communes et près de 126.000 habitants), une collectivité encore jeune, née de la fusion, au 1er janvier 2017, de la Communauté d'agglomération du Bassin de Thau (Thau Agglo) et de la Communauté de communes du Nord du Bassin de Thau.

« Le travail qu'on fait à l'Agglopôle, c'est de parler territoire et pas ville, et c'est compliqué car on est 14 communes avec des identités fortes et une ville centre qui n'est pas si éloignée de nous en taille (43.000 habitants à Sète, NDLR). Le projet-phare de Frontignan aujourd'hui, c'est la construction d'une piscine intercommunale. »

« Une ville en mutation »

Un coup d'œil dans le rétroviseur, et on apprend que Frontignan, née au Moyen-Âge, a par exemple été un poste avancé de Richelieu en lutte contre les protestants de Montpellier, qu'au terme de la Seconde guerre mondiale, elle a été victime d'un bombardement allié dévastateur, ou encore qu' « elle était le siège de l'amirauté avant Sète et a connu le déclin avec la construction du port de Sète », raconte Michel Arrouy. Ou encore qu'elle est dotée d'un réseau fluvial historique depuis fin du 18e siècle avec le canal du Rhône à Sète, qui, en arrivant sur le littoral méditerranéen, serpente à travers les étangs près de Frontignan avant de déboucher sur le bassin de Thau.

« On est une ville en mutation », assure le maire. A quoi fait-il référence ? En grande partie à l'histoire industrielle de Frontignan qui l'amène à gérer aujourd'hui un vaste chantier de dépollution de l'ancien site Exxon Mobil. C'est en 1904 que de la Compagnie Industrielle des Pétroles, qui deviendra le groupe Mobil, avait installé une raffinerie à Frontignan. En 1944, les bombardements alliés sur la Mobil détruisent par erreur une partie du patrimoine bâti de la ville. En 1986, par manque de rentabilité, la raffinerie ferme et seuls subsistent les dépôts de carburants. Le site de l'ancienne raffinerie est alors laissé à l'abandon. Et fait l'objet, depuis vingt-cinq ans, d'un combat de l'ancien maire Pierre Bouldoire pour sa dépollution aux hydrocarbures et aux métaux. Suivant le principe du pollueur payeur, la société pétrolière s'apprête enfin à lancer les travaux de dépollution.

Un laboratoire de la transition écologique

« Onze hectares à dépolluer pour 60 millions d'euros, un chantier qui devrait prendre quatre ou cinq ans, précise aujourd'hui le nouveau maire, qui pense déjà à la suite. On est là dans le cœur de ville, à dix minutes en train de la place de la Comédie à Montpellier... Nous souhaitons faire de ce site un laboratoire de la transition écologique, amener des entreprises, des startups qui prépareront le monde de demain, qui travailleront sur des questions environnementales, sur le réchauffement climatique, etc. Nous allons déplacer la gare sur l'ancien site de la Mobil et créer un pôle multimodal. Nous allons réhabiliter un ancien chai pour faire un multiplex de cinéma en cœur de ville. Les travaux démarreront l'an prochain. »

Sur la ville, ce sont quelque 2.000 entreprises qui sont aujourd'hui implantées (chiffre INSEE à fin 2019). Parmi les plus importante, Hexis, producteur et distributeur de films adhésifs depuis 1989 (460 salariés, dont 110 à l'étranger), le grossiste Distrisud ou le groupe Président Electronics (radiocommunication et de la CB) à cheval sur Balaruc et Frontignan.

Bien sûr, avec 7 kilomètres de lido (mince bande de terre qui sépare les étangs de la Méditerranée) et un littoral aux longues plages labellisées Pavillon bleu depuis plus de trente ans, Frontignan se positionne sur l'économie du tourisme, « même si on est une station différente des grosses stations du littoral, avec un tourisme familial et moins de masse, sans grosses constructions », souligne Michel Arrouy.

La ville met en avant une diversité de paysages de garrigues, vignes, étangs, salins et mer. Le pôle Frontignan-plage, situé au sud-est du centre médiéval de Frontignan-ville, s'est fortement développé dans les années 1960, avec notamment la création de campings (elle en compte six aujourd'hui), de résidences secondaires et d'un port de plaisance.

« Nous sommes très attachés à la protection des espaces naturels, nous avons retiré 200 ha de terres constructibles du PLU pour reconstruire la ville sur elle-même, indique Michel Arrouy. Le Département et la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, NDLR) ont lancé des études sur la montée des eaux et les questions d'habitat et d'activités économiques et humaines, et Frontignan est un site-pilote pour savoir ce que sera notre littoral, comment l'habiter et y travailler. »

Thomas Jefferson et le Muscat de Frontignan

L'autre atout majeur de la petite ville héraultaise, c'est son vignoble et sa production d'AOC Muscat de Frontignan. Les viticulteurs créent la cave coopérative dès 1904 et se regroupent en société de producteurs en 1910. Et c'est en 1936 que le vignoble décroche l'Appellation d'origine contrôlée (AOC), avant l'Appellation d'origine protégée (AOP) attribuée par l'Europe en 2009. Aujourd'hui, 200 coopérateurs œuvrent au sein de la cave coopérative, et le territoire compte aussi huit domaines indépendants et un syndicat de défense du cru.

Pour l'anecdote, la ville de Frontignan aime à raconter que Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis (1801-1809), était grand amateur de muscat. Ambassadeur à Paris entre 1784 et1789, Thomas Jefferson aurait été envoyé à Aix-en-Provence pour raisons de santé. Il décidait alors de visiter la région et ses pas le portaient jusqu'à Frontignan, en mai 1787. Il découvrait alors la culture de la vigne et le muscat. Plus tard, il s'en fera expédier aux États-Unis...

Plusieurs manifestations autour du Muscat sont organisées à Frontignan, comme le Festival du Muscat, créé en 1986 et « qui attire tous les ans près de 30.000 personnes », affirme la ville, mais aussi le concours œnologique international Muscats du Monde. En 2011, Frontignan, labellisée Vignobles et Découvertes, accueillait les 1ères assises de l'œnotourisme.

Frontignan et le roman noir

Côté culture, la ville s'illustre notamment par son original Festival international du roman noir, créé en 1998 par le maire de l'époque, Pierre Bouldoire.

« En 1995, avec l'équipe de Pierre Bouldoire, nous avions choisi, comme axes stratégiques sur la culture, le développement du cinéma et de la lecture et l'accès à la culture pour tous, raconte Michel Arrouy. Nous avons mis en place une médiathèque et un événement, le Festival du roman noir, un genre littéraire qui correspondait à l'image de la ville au passé industriel. Ça fait plus de 20 ans, et aujourd'hui, on essaie de lui donner un second souffle avec des actions qui ont lieu toute l'année (en dehors des dates du festival, du 10 eu 12 septembre 2021, NDLR). »

Le festival réunit tous les ans principalement des auteurs français mais aussi des écrivains de langues anglaise, espagnole ou italienne. On y a vu des célébrités comme Jean-Claude Izzo, Thierry Jonquet ou Fred Vargas, Peter James ou Colin Bateman.

« La culture doit être un vecteur du vivre-ensemble », martèle Michel Arrouy.

Cécile Chaigneau

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