À Montpellier, l’évaluation de l’impact social en question

Concilier performance économique et performance sociale, contribuer à un monde plus solidaire, produire un effort collectif pour un progrès utile. Mais comment mesurer l’impact social de ces ambitions, portées par l’économie sociale et solidaire ? Ce sont les enjeux et les méthodes autour de cette question qui étaient à l’honneur des 4e Rencontres de l’innovation sociale à Montpellier le 19 novembre. Parmi les intervenants, Hugues Sibille, président du think tank national Le Labo de l’ESS.
Cécile Chaigneau
Hugues Sibille, président du Labo de l'ESS, lors des 4e Rencontres de l'innovation sociale à Montpellier, le 19 novembre 2019.
Hugues Sibille, président du Labo de l'ESS, lors des 4e Rencontres de l'innovation sociale à Montpellier, le 19 novembre 2019. (Crédits : Urscop Occitanie - EPPHOTO)

Le 19 novembre, l'Union régionale des Scops Occitanie (Urscop) pôle Méditerranée organisait la 4e édition des Rencontres de l'innovation sociale à Montpellier, en collaboration avec la Région Occitanie et le Mouves (Mouvement des entrepreneurs sociaux). Cette manifestation, qui a lieu tous les deux ans, avait pour thématique 2019 l'évaluation de l'impact social (responsabilité sociale des entreprises, performance extra-financière, retour social sur investissement, entreprises à mission...).

Mais alors, simple social washing ou réel engagement sociétal des entrepreneurs ? Xavier Châtellier, le co-président de l'Urscop Occitanie, souligne en préambule que « l'impact social est aujourd'hui reconnu comme un levier de développement économique ». Son évaluation est donc incontournable, que ce soit pour solliciter les investisseurs, convaincre les parties prenantes ou piloter une activité.

Une vingtaine d'intervenants (chercheurs, entrepreneurs, financeurs) s'est déplacée à Montpellier pour échanger méthodes, expériences et témoignages autour de cette question, venus de Belgique, Suède, Maroc, Tunisie, Algérie, Turquie, Royaume-Uni et Portugal.

Innovations technologiques vs sociales

Et c'est Hugues Sibille*, président du Labo de l'ESS, qui a ouvert les débats. Le Labo de l'ESS se présente comme « un think tank qui construit, par un travail collaboratif, des axes structurants de l'économie sociale et solidaire, à partir d'initiatives concrètes, innovantes et inspirantes issues des territoires ». Créé en 2010, il contribue à faire connaître et reconnaître l'économie sociale et solidaire à travers ses travaux, ses publications et ses événements grand public.

« On est dans une société qui entre dans une transition importante, pour  des raisons écologiques notamment, déclare-t-il en aparté. On a besoin de davantage reconnaître et financer l'innovation sociale. L'ensemble de nos économies sont très orientées sur les innovations technologiques, ce qui n'est pas anormal car la compétition se fait là-dessus, mais il faudrait équilibrer un peu les choses et les mettre ensemble : que l'une soit au service de l'autre, que la révolution digitale soit aussi à des fins d'innovation sociale. On a progressé mais on n'est pas du tout au niveau attendu, compte tenu des enjeux en matière d'exclusion, de problématiques énergétiques ou de démocratie. Et on a besoin de l'ESS, que ses formes d'entreprises s'ouvrent sur les territoires aux autres entreprises, aux collectivités locales pour inventer des modèles de transition, qui soient plus économes en énergie, davantage dans des formes d'économie de proximité, comme les circuits courts par exemple. Ce qui traduit la volonté d'équilibrer la mondialisation, et non de la rejeter car elle a aussi des vertus. »

« Moi qui suis un ancien banquier... »

Ce spécialiste de l'économie sociale et solidaire, observateur de longue date des évolutions de la société et des économies, est persuadé que dans le contexte des enjeux politiques actuels, « l'ESS est en capacité de proposer non pas "la" solution mais "des" solutions à ce qu'ont exprimé les gilets jaunes, ou à la mobilité par exemple ».

« L'évaluation de l'impact social pose des questions de concepts - qu'est-ce que l'impact social ? - mais aussi méthodologique, souligne-t-il. Il faut progresser pour rendre compte de ce qu'on produit, sans dénaturer l'objet social initial. Moi qui suis un ancien banquier, je trouve normal que les financeurs cherchent à connaître l'impact des projets dans lesquels ils mettent de l'argent, mais il ne faut pas que seuls les financiers définissent les indicateurs d'impact ! Ça doit être co-construit entre les gens qui portent le projet et ceux qui le financent. Cette question à quelques années derrière elle, elle n'est pas simple... Il faut élaborer des outils qui soient un peu subtils. Par exemple, si on prend le dispositif des « territoires zéro chômeur longue durée », il y a bien sûr le nombre d'emplois créés, mais ça produit d'autres effets : un bassin d'emploi qui reprend confiance, les conséquences d'une boulangerie ou d'un bureau de presse qui rouvrent, etc... Ce qui est attendu des 4e Rencontres de l'innovation sociale sur ce thème, c'est beaucoup d'expériences partagées et une progression dans la compréhension et la capacité de mise en œuvre des outils de mesure d'impact. »

* Délégué interministériel à l'économie sociale en 1998, Hugues Sibille a notamment été directeur des Partenariats de la Caisse des Dépôts (en charge de la création des petites entreprises et de l'économie sociale), directeur général délégué puis vice-président du Crédit Coopératif, représentant français au sein du groupe de travail du G8 sur l'investissement à impact social (désigné en juin 2013). Aujourd'hui, il préside la Fondation du Crédit Coopératif.

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.