Autour de Montpellier, une filière de réemploi des emballages en verre se met en place

Les bouteilles en verre peuvent avoir plusieurs vies. En Occitanie-est, Oc’Consigne démarre, ce 4 mai, une activité de réemploi des emballages en verre avec une petite unité de lavage. Objectif : 300 bouteilles lavées par heure, en attendant les 3.000 en configuration industrielle.
Cécile Chaigneau
Oc'Consigne vient d'installer et de mettre en route une mini-unité de lavage à Lansargues, dans une ancienne cave coopérative.
Oc'Consigne vient d'installer et de mettre en route une mini-unité de lavage à Lansargues, dans une ancienne cave coopérative. (Crédits : Oc'Consigne)

« Le principe de consigne a progressivement disparu depuis les années 1970-1980 car on a assisté à une explosion des emballages uniques et les consommateurs ont pris l'habitude du tout jetable, et le recyclage a vu le jour », pointe Sophie Graziani.

C'est sur la base de ce constat que la démarche de réemploi des emballages en verre initiée par Oc'Consigne a vu le jour. Association de préfiguration d'une société coopérative, basée à Castelnau le Lez près de Montpellier (34), Oc'Consigne a été reprise en 2020 par Sophie Graziani, Anne-Claire Degail, Armonie Cordier et Jean Maillard, qui assurent ne pas revenir en arrière « mais à du bon sens ».

Son objectif : développer une filière industrielle sur le territoire Languedoc, Roussillon, Cévennes et Grands Causses.

« Nous allons jusqu'aux confins de là où s'arrêtent les autres projets de réemploi, précise Sophie Graziani. Ce genre de projet n'a de sens que dans un périmètre géographique de proximité. Nous faisons partie du réseau national Consigne avec qui nous nous coordonnons pour travailler et notamment standardiser les bouteilles. »

La démarche de réemploi du verre signe une évolution sociétale et un pas supplémentaire dans l'approche écologique de la gestion des déchets : réduire plutôt que recycler.

« Il y a une grosse demande, 90% des gens plébiscitent le retour du réemploi, assure Sophie Graziani. La mise en pratique sera probablement complexe malgré tout, mais les consommateurs font déjà le geste de tri. Cela supposera un tri supplémentaire pour ramener les bouteilles là où on les a achetées... Il y aura toujours des bouteilles en verre qu'on ne pourra pas laver et réemployer mais beaucoup de bouteilles ou de bocaux peuvent l'être. »

Un écosystème d'acteurs à mobiliser

Le principe : « Les bouteilles sont identifiées dans les magasins partenaires par un pictogramme national et les consommateurs pourront déposer les bouteilles consignées dans une caisse à l'entrée des magasins (sans consigne monétaire, NDLR). Nous organisons des tournées de collecte optimisées. Les bouteilles sont lavées puis renvoyées aux producteurs qui les remettent en circuit. Une bouteille a un cycle de vie d'une cinquantaine de lavages si elle n'a pas de microfissures ».

Mais une telle démarche engage tout un écosystème d'acteurs sur le territoire.

« Aujourd'hui, il existe 900 modèles différents de bouteilles de boisson et il faut revenir à un nombre raisonnable, une dizaine serait bien, car les cycles de lavage et les mises en palettes se font par modèle, et pour que ce soit viable, il faut être sur des volumes industriels, explique Sophie Graziani. Cela suppose que les producteurs choisissent un modèle de contenant, les bonnes étiquettes et la bonne colle pour qu'on puisse les décoller, ce qui implique donc les verriers mais aussi les imprimeurs, ainsi que les collectivités locales et les syndicats de déchets pour qu'ils impulsent le soutien à la collecte et non au recyclage alors même qu'ils ont beaucoup investi sur le recyclage... »

10.000 bouteilles déjà collectées

Les bouteilles reprises par les producteurs pour qu'ils les remettent en circuit ne seront pas moins chères qu'une bouteille neuve « car le recyclage est très subventionné, même s'il utilise beaucoup d'énergie et d'eau, mais les producteurs économisent la taxe emballage. Nous ferons l'équilibre sur le volume, entre 1,5 et 2 millions de bouteilles d'ici à cinq ans ».

Il a alors fallu créer une usine de lavage sur le territoire. Oc'Consigne vient d'installer et de mettre en route, ce 4 mai, une mini-unité de lavage à Lansargues, dans une ancienne cave coopérative. Ce qui lui permet de démarrer son activité.

« Nous avons déjà collecté 10.000 premières bouteilles la semaine dernière (fin avril, NDLR) dans une trentaine de points de collecte comme Biocoop, Place du Marché au Crès, 5 ou 6 drive de vrac, annonce Sophie Graziani. Nous allons laver 300 bouteilles par heures, en attendant les 3.000 en phase industrielle. Aujourd'hui, quelques producteurs de la région se sont engagés, comme le Domaine de Sauzet, la limonade de Pézenas la Maison Aubert, l'Enclos de la Croix, les Garrigues de Sommières, les Brasseurs de la Jonte, la Brasserie Alaryk. »

Oc'Consigne cherche d'ores et déjà un entrepôt de 400 m2 autour de Montpellier, en prévision d'un changement d'échelle fin 2021, début 2022.

« L'investissement global sera de 1 million d'euros, précise Sophie Graziani. Nous avons évalué à 55 millions le nombre de bouteilles récupérables sur notre territoire. Et nous prévoyons la création de deux emplois d'insertion en plus de nous quatre en 2022. »

Soutenu par l'ADEME et Citeo

Oc'Consigne est accompagnée par l'incubateur montpelliérain d'innovation sociale Alter'Incub dans sa démarche de transformation en Scop d'ici cet été.

Le projet fait partie des 34 lauréats de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) de l'ADEME et Citeo, visant à expérimenter et à accompagner le développement de dispositifs locaux performants de réemploi d'emballages en verre. Cet AMI s'inscrit dans la volonté de contribuer à l'atteinte des objectifs en matière de réemploi d'emballages fixés par la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) et permet d'apporter un soutien technique et financier à des projets dont la durée varie selon la nature (de six mois à deux ans).

La démarche signe un vrai virage pour Citeo qui, jusqu'à présent, finançait le recyclage et qui, par cet AMI, s'engage désormais dans la réduction des déchets.

« C'est un financement important pour l'équilibrage de notre phase industrielle, souligne Sophie Graziani. Cela nous amène aussi de la visibilité et de la crédibilité. C'est un bon signal pour les banques ! Nous avons obtenu des financements de la Région Occitanie, de la Métropole de Montpellier et d'autres collectivités, et nous allons nous rapprocher des syndicats de traitement des déchets. Nous organiserons un financement participatif cet automne et nous irons aussi solliciter les fondations d'entreprise, par exemple La Fabrique Aviva. »

Cécile Chaigneau

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