Réemploi du verre : Oc’Consigne, des avancées (une unité de lavage) mais encore des freins

Initiée il y a environ de deux ans, la filière de réemploi du verre que veut développer la Scop Oc’Consigne progresse à petit pas. Si la Scop, qui s’apprête à boucler une campagne de titres participatifs, prépare l’ouverture de son unité de lavage de bouteilles à Montpellier et est sur tous les fronts, la démarche qui engage tout un écosystème est longue à se déployer.
Cécile Chaigneau
L'équipe de Oc'Consigne, dans son unité de lavage en cours d'installation à Montpellier.
L'équipe de Oc'Consigne, dans son unité de lavage en cours d'installation à Montpellier. (Crédits : DR)

L'association de préfiguration d'une société coopérative Oc'Consigne, initiée il y a deux ans environ par Sophie Graziani, Anne-Claire Degail, Armonie Cordier et Jean Maillard (sorti de l'aventure depuis), est devenue coopérative en juillet 2021. Son objectif : développer une filière industrielle en Occitanie, sur le territoire "Languedoc, Roussillon, Cévennes et Grands Causses". Avec pour philosophie de faire un pas supplémentaire dans l'approche écologique de la gestion des déchets : réduire plutôt que recycler. La Scop fait partie du réseau national Consigne.

« Oc'Consigne, c'est aujourd'hui une équipe de huit personnes, indique Sophie Graziani. Et nous sommes labellisée entreprise d'insertion depuis décembre 2022, même si nous n'avons pas encore embauché sur ces profils, mais ce sera le cas pour l'usine de lavage, sur la partie logistique, tri et lavage. »

La prochaine étape majeure pour la jeune Scop : la création d'une usine de lavage avec une certaine masse critique, à horizon de juin 2023.

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« Un intérêt de la société civile »

L'investissement global nécessite de rassembler de 1 million d'euros, qui seront financés notamment par l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) de l'ADEME et Citeo, visant à expérimenter et à accompagner le développement de dispositifs locaux performants de réemploi d'emballages en verre, et dont Oc'Consigne a été lauréate.

« Nous avons également obtenu un prêt d'honneur Crealia, et nous avons lancé en juin 2022 une campagne de titres participatifs (dispositif de levée de fonds propre aux coopératives, NDLR) directement sur notre site internet et qui reste ouverte jusqu'en juin 2023, rappelle Sophie Graziani. Notre objectif est d'atteindre les 150.000 euros, et aujourd'hui, nous en sommes à 100.000 euros, levés auprès de particuliers et de personnes morales. Un titre vaut 1.000 euros que l'investisseur récupère au bout de sept ans, avec une rémunération de 1 à 5% par an. Cela montre qu'il y a un intérêt du terrain, de la société civile... Nous aurons aussi des subventions de la Région Occitanie pour financer le développement commercial. »

Mais la tâche n'est pas simple et demande aux équipes de la jeune Scop d'être sur tous les fronts. Car une telle démarche doit embarquer tout un écosystème d'acteurs sur le territoire : les producteurs de boissons (qui doivent adopter un nombre limité de modèles de bouteilles), les verriers, les imprimeurs d'étiquettes (qui doivent utiliser les bonnes étiquettes et la bonne colle), les collectivités locales ou les syndicats de déchets. Mais aussi des magasins partenaires, et bien sûr les consommateurs.

« Le picto qui permet d'identifier les bouteilles destinées au réemploi existe depuis un an et demi mais il faut le temps que les consommateurs le repèrent et adoptent de nouvelles habitudes », souligne Sophie Graziani.

Une quarantaine de producteurs

Le principe : les bouteilles sont identifiées dans les magasins partenaires par un pictogramme et les consommateurs peuvent rapporter les bouteilles consignées dans une caisse à l'entrée de ces magasins (sans consigne monétaire). Des tournées de collecte permettent de récupérer les bouteilles qui sont lavées puis renvoyées aux producteurs qui les remettent en circuit. Sophie Graziani rappelle qu' « une bouteille a un cycle de vie d'une cinquantaine de lavages si elle n'a pas de microfissures ».

« De plus en plus de producteurs s'intéressent au sujet mais il faut le temps qu'ils s'engagent dans la démarche et adaptent leurs bouteilles, indique la dirigeante. A ce jour,  une quarantaine de producteurs de la région (comme le Domaine de Sauzet, la limonade de Pézenas la Maison Aubert, l'Enclos de la Croix, les Garrigues de Sommières, les Brasseurs de la Jonte, la Brasserie Alaryk, NDLR) sont engagés sur le réemploi et d'autres sont inscrits dans la démarche, comme le Domaine de Verchant qui vient de décider de s'engager. Ils montent aussi en puissance sur le nombre de gammes de réemploi : au départ, ils travaillent juste une gamme en test avant de convertir les autres gammes. A ce jour, nous sommes à une centaine de gammes en réemploi, soit environ 50.000 bouteilles collectées. »

Un équilibre à 100.000 bouteilles par mois

Un chiffre que la dirigeante aimerait plus élevé et qui témoigne des difficultés pour la filière du réemploi à franchir un cap : « En 2022, plus d'un million de bouteilles ont été mises sur le marché en réemploi en France mais il faut continuer à sensibiliser les consommateurs, améliorer la partie installation des points de collecte car ce sont des contraintes pour les magasins. Il faut aussi réussir à ouvrir les portes des grossistes qui livrent les cafés, hôtels et restaurants où sont consommées énormément de bouteilles. Enfin, il reste les grandes et moyennes surfaces... Cela suppose d'investir beaucoup de temps et d'argent alors que nous avons déjà beaucoup investi sur l'usine de lavage. Nous avons notamment été submergés de demandes de la part des vignerons l'été dernier en raison de la pénurie de bouteilles. »

Oc'Consigne annonce aujourd'hui une cinquantaine de points de collecte, essentiellement sur l'est de son périmètre géographique, Narbonne ou Perpignan n'ayant pas encore été prospectés.

« Le modèle économique repose sur le fait que tous les maillons de la chaîne contribuent et surtout sur des volumes de bouteilles collectées, détaille Sophie Graziani. Nous avons estimé que l'équilibre financier se situait à 100.000 bouteilles par mois. Nous avons encore devant nous deux à trois ans de montée en puissance... »

Une usine en juin

En attendant, la coopérative déploie toute son énergie pour convaincre, convertir et activer la filière du réemploi du verre.

Le projet d'une mini-unité de lavage à Lansargues a avorté et la coopérative a dû aller jusqu'à Valence, dans la Drôme, pour commencer le lavage des premières bouteilles. Depuis décembre 2022, elle s'est installée dans un bâtiment que lui loue la Métropole de Montpellier et sa future usine de lavage y est en cours d'installation.

« Les collectivités locales ont de plus en plus conscience de ce que leur coûtent les déchets et veulent trouver des solutions, et la Métropole de Montpellier, qui est engagée sur ces sujets, nous a aidés à trouver un local, déclare Sophie Graziani. Nous avons commandé les machines il y a plus d'un an, une laveuse de grosse cadence et une inspectrice qualité électronique, et nous commençons à les réceptionner. L'usine sera opérationnelle en juin prochain, avec une capacité de 3.500 bouteilles par heure, soit 25.000 par jour. A terme, trois personnes travailleront dans l'usine. »

Cécile Chaigneau

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