Recyclage des mégots : Republic Technologies conteste le barème "pollueur-payeur" prévu (et ce que dit le ministère)

La filière de récupération et de recyclage des mégots de cigarettes en France fait débat. La PME papetière Republic Technologies, à Perpignan, appelée à participer au financement de ce service, conteste le mode de calcul de l’éco-contribution qui sera demandée. Son dirigeant veut bien contribuer, mais de manière équitable et proportionnée à l’impact de ses produits. Décryptage.
Cécile Chaigneau
La PME papetière Republic Technologies (Perpignan), qui fabrique notamment des filtres pour cigarettes à rouler, est d'accord pour participer à la filière de récupération et de recyclage des mégots de cigarettes mais conteste le mode de calcul de l’éco-contribution qui lui sera demandée?
La PME papetière Republic Technologies (Perpignan), qui fabrique notamment des filtres pour cigarettes à rouler, est d'accord pour participer à la filière de récupération et de recyclage des mégots de cigarettes mais conteste le mode de calcul de l’éco-contribution qui lui sera demandée? (Crédits : DR)

Dans quelques semaines, le ministère de la Transition écologique et solidaire devrait délivrer son agrément à Alcome, futur éco-organisme en charge de la nouvelle filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pour la récupération et le recyclage des mégots de cigarettes. Objectif : couvrir les coûts de gestion des déchets de cigarettes, en particulier des dépôts sauvages des 30 milliards de mégots jetés chaque année en France (sur 44 milliards de cigarettes fumées).

Le barème d'éco-contribution financière prévu par Alcome pour le financement des activités de cette filière, et qui sera demandée aux producteurs de l'industrie du tabac, fait gronder la PME papetière Republic Technologies, à Perpignan.

Créée en 1838, Republic Technologies ne fabrique pas de cigarettes mais du papier à rouler et des filtres de cigarettes à rouler sous les marques OCB, JOB et Zig-Zag. Alors que le projet de filière REP entame sa dernière ligne droite, son directeur général Olivier Partouche demande la révision de l'agrément déposé en avril 2021 par Alcome et l'intégration d'une répartition équitable entre les acteurs par la prise en compte du poids du mégot dans le calcul de l'éco-contribution.

Olivier Partouche est clair : il veut bien payer mais à hauteur de l'impact réel de ses produits...

60 mg contre 105 mg

Le barème établi par Alcome est fondé sur les règles du "pollueur-payeur". Car les mégots sont un fléau environnemental, notamment en raison des filtres composés pour tout ou partie de plastique. Or Republic Technologies veut faire valoir le fait que ses filtres sont moins impactants que les filtres des cigarettes manufacturées, tant par leur composition, que par leur poids et leur surface.

« La demande d'agrément déposée par Alcome s'appuie sur un barème basé uniquement sur le nombre de filtres produits et donc de mégots jetés, et Republic technologies alerte sur l'inéquité de ce mode de calcul, dénonce ainsi Olivier Partouche, qui regrette d'avoir été tenu à l'écart des débats. Les filtres sont faits avec de l'acétate de cellulose contenant des polymères assimilés à des plastiques mais ceux que nous fabriquons contiennent 60 mg d'acétate de cellulose contre 105 mg pour les cigarettes manufacturées, et la surface de nos filtres est moins importante que les filtres manufacturés. Dans les critères de contribution, il faut considérer le volume mais aussi le poids des filtres... Ce barème n'est donc ni juste ni équitable ! »

Le dirigeant dit avoir interpellé le ministère de la Transition écologique sur le sujet, et n'avoir pas été entendu...

« Ils nous répondent de discuter avec l'industrie du tabac, sauf que l'intérêt d'Alcome, dont les adhérents ne sont autres que les géants du tabac, n'est pas le nôtre, plaide Olivier Partouche. L'industrie du tabac n'a pas la capacité de fabriquer des cigarettes avec filtres en papier et évidemment qu'ils refusent de prendre en compte le critère de poids car leurs filtres sont plus lourds. Mais c'est aussi parce que l'industrie du tabac investit aujourd'hui massivement sur une nouvelle génération de produit à base de tabac chauffé qui marchera avec des filtres contenant de l'acétate de cellulose, et qui seront trois fois plus lourds ! Ils protègent leur business naissant... »

« Le coût de gestion d'un mégot indépendant de son poids »

Pourquoi ne pas instaurer un principe d'éco-modulation qui permettrait au pollueur de payer à hauteur de sa pollution, comme le réclame la PME papetière catalane ? La Tribune a interrogé le ministère de la Transition écologique.

« La filière REP tabac a pour vocation de couvrir les coûts de gestion des déchets de cigarettes, en particulier des dépôts sauvages des mégots, nous répondent les services du ministère. Or de ce point de vue, les mégots de cigarettes contiennent des substances polluantes, issues du tabac roulé, quelle que soit la matière du filtre, plastique ou non plastique. Le coût de gestion d'un mégot, notamment le coût de ramassage, est par ailleurs assez indépendant de son poids. Pour autant, l'État a fixé dans le cahier des charges de la filière REP, publié en février dernier, le principe d'un bonus minimum de 50% sur la contribution due à l'éco-organisme, pour les produits qui ne contiennent pas de plastique. Les produits sans plastique bénéficient donc bien d'une remise significative. »

Olivier Partouche explique pourtant que « le dispositif permet une éco-modulation pour les filtres qui ne contiennent pas de plastique de 50 à 100%. Aujourd'hui, Republic Technologies produit 20% de filtres en papier 100% biodégradables. C'est pourquoi nous demandons que le niveau d'éco-modulation pour les filtres sans plastique soit fixé à 100%, mais Alcome refuse et imposera 50% seulement »...

« Une approche punitive »

« Nous proposons qu'en trois ans, notre production annuelle de filtre intègre des filtres en papier, sans plastique donc, mais cet argument n'a pas été entendu car nous avons, en face de nous, des gens qui ont un logiciel pollueur-payeur dans une approche punitive, mais pas constructive », ajoute-t-il.

Cette éco-contribution sur le principe du pollueur-payeur sera-t-elle un moyen pour l'industrie du tabac de se dédouaner de tout effort supplémentaire pour fabriquer des produits moins (voire pas) polluants ? Pourquoi ne pas aller plus loin dans la loi en interdisant progressivement aux producteurs l'utilisation de plastique dans leurs produits ?

« La REP n'a pas vocation à interdire de mettre sur le marché des produits, répond le ministère de la Transition écologique. Elle incite par contre à l'éco-conception des produits. C'est le sens du bonus minimum de 50%. Par ailleurs, le cahier des charges de la filière REP tabac prévoit que l'éco-organisme doit proposer d'autres critères de bonus/malus pour favoriser les produits éco-conçus, qui seront soumis à l'administration. »

« La fabrication de filtres n'aurait plus de pertinence économique »

Olivier Partouche alerte sur les conséquences économiques que pourrait avoir l'éco-contribution sur Republic Technologies si le barème reste en l'état.

Il rappelle que son entreprise produit chaque année 2,9 milliards de filtres, représentant 5 millions d'euros de chiffre d'affaires (sur un total de 120 millions d'euros).

« Nos filtres sont destinés aux grossistes et distributeurs pour les bureaux de tabac, en sachets de 120 filtres au prix de 2 euros, donc la part de cette éco-contribution qui nous sera demandée n'aura rien à voir avec celle pour les 20 filtres des 20 cigarettes vendues 10 euros le paquet, explique Olivier Partouche. Selon les projections du barème proposé par Alcome, en année pleine, l'éco-contribution de Republic Technologies sera environ de 8,5 millions d'euros d'ici à trois ans. Soit un montant 1,7 fois supérieur au chiffre d'affaires de cette activité ! Cette situation inacceptable entraînerait de facto l'arrêt de nos investissements R&D pour la production de produits sans plastique et la fabrication de filtres n'aurait alors plus de pertinence économique ! D'autant que je ne peux pas répercuter le coût de l'éco-contribution sur le prix final car on s'adresse à des consommateurs au pouvoir d'achat limité... »

Olivier Partouche s'interroge sur le manque d'alternative à l'hypothèse Alcome. Le ministère de la Transition écologique assure « n'avoir reçu à ce jour qu'une seule candidature d'éco-organisme ».

Cécile Chaigneau

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