Photovoltaïque sur le Larzac : fin de concertation autour de la version 2 du projet Solarzac

Sur le plateau du Larzac, territoire de contestation, on est habitué aux luttes pour préserver l’environnement. Le projet Solarzac d’implantation d’un parc photovoltaïque n’y a pas échappé. Le producteur d’énergies renouvelables héraultais Arkolia Energies a revu ses ambitions à la baisse et termine, ce 2 décembre, la concertation publique autour de la version 2 de son projet. Si une opposition de certaines associations persiste, les élus et les habitants semblent favorables à ce projet…
Cécile Chaigneau
Sur le parc photovoltaïque développé par Arkolia Energies au Soler (66), les panneaux solaires cohabitent avec une activité agricole.
Sur le parc photovoltaïque développé par Arkolia Energies au Soler (66), les panneaux solaires cohabitent avec une activité agricole. (Crédits : DR)

En 2019, le projet initial Solarzac, porté par Arkolia Energies, producteur indépendant héraultais d'énergies renouvelables (solaire, éolien biogaz), proposait trois scenarii d'implantation d'un parc photovoltaïque sur 220 à 400 ha, et avait rencontré une vive opposition lors de la concertation publique.

Deux ans après, il a été revu et corrigé pour descendre à un maximum de 200 ha, qui permettraient une production de 150 à 200 MWc, « correspondant à une alimentation électrique de 100.000 à 130.000 habitants, hors chauffage », précise Arkolia. Une telle configuration permettrait aussi de restituer 800 à 850 ha à des usages agricoles et collectifs. Cette nouvelle version abandonne également l'idée de coupler la production d'énergie solaire à celle de gaz naturel par méthanation (très consommatrice d'eau et « qui n'existe pas encore à l'échelle industrielle », ajoute Arkolia).

Assurant s'inscrire dans une démarche de co-construction d'un projet avec les acteurs du territoire, le producteur avait choisi de lancer une nouvelle concertation (non prévue par la loi, précise-t-il) du 15 novembre au 3 décembre, résultant d'une saisine volontaire de la Commission nationale du débat public, afin de présenter les contours de ce nouveau projet aux ambitions revues à la baisse. Une réunion publique de clôture de la concertation était prévue le 2 décembre au soir.

80% du domaine réservés à d'autres activités

Le projet Solarzac se situe sur un terrain de chasse privé et clôturé d'un peu plus de 1.000 ha, appelé le Domaine de Calmels, à cheval sur l'Hérault et le Gard, et limitrophe de l'Aveyron près de La Couvertoirade. La nouvelle version inclut de l'agrivoltaïsme et examine la faisabilité d'un projet de production d'hydrogène vert, pour un investissement global d'Arkolia Energies qui s'élèverait à environ 150 millions d'euros.

Les ateliers, où sont venus une cinquantaine de participants (élus, habitants, agriculteurs) et une quinzaine d'experts, ont permis des échanges sur quatre thématiques : quelle implantation pour les panneaux, quels usages des espaces restitués au public, quel projet agropastoral, et quelle pertinence d'une option de production d'hydrogène.

Ce qui en ressort ?

« Nous partirions sur une implantation en îlots plutôt qu'un seul site, au nord et sud du domaine sur des parcelles à enjeux environnemental faible ou modéré, et sans dépasser 200 ha, indique Mickaël Scudeller, responsable Développement grands projets chez Arkolia Energies. Ce qui permettra de réserver 850 ha, soit plus de 80% du domaine, à l'activité agropastorale et aux activités de préservation et de découverte de la faune et de la flore du Causse. »

Parc animalier, gîte, tourisme...

Concernant les activités agricoles, sont envisageables des activités fourragères ainsi que de l'agrivoltaïsme faisant cohabiter panneaux solaires et pâturage de moutons. Des ateliers est sortie la préconisation d'installer un seul nouvel éleveur d'ovins à viande (jusqu'à 1.000 brebis), via une convention pluriannuelle de mise à disposition gratuite du foncier en échange d'un contrat d'entretien du parc photovoltaïque.

« Ces activités agricoles ne seraient pas possibles sans le projet d'Arkolia pour les soutenir financièrement », souligne Franck Baudin, directeur adjoint Développement chez Arkolia Energies.

Contacté par La Tribune, le maire de Le Cros témoigne : « On a fait venir des agriculteurs du coin aux ateliers, on sait qu'installer un agriculteur ce n'est pas viable ! On a d'ailleurs déjà eu un échec cuisant alors que la commune avait tout fait pour le soutenir, mais le cheptel de moutons a périclité et l'agriculteur a fait faillite au bout de six ans ! ».

Quid des usages sur les terrains restitués au public ? Les idées émises durant les ateliers évoquent un parc animalier et une réserve environnementale, un rucher école, une ferme thérapeutique, un musée de l'agropastoralisme et de la biodiversité caussenarde, un gîte d'étape pour randonneurs, du tourisme avec des vélos électriques rechargés sur place, ou la réouverture du GR.

Projet hydrogène, ou pas

« L'objectif, c'est que ce domaine privé de 1.045 ha clôturés devienne à terme un domaine public, déclare Franck Baudin. Le modèle qu'on a envisagé, c'est qu'Arkolia paie aux collectivités un loyer d'exploitation de 500.000 à 600 000 euros par an pendant 25 à 30 ans pour leur permettre d'acquérir le terrain, auxquels il faudra notamment ajouter la taxe IFER (imposition forfaitaire des entreprises de réseaux, NDLR) d'environ 900 000 euros par an. Il pourra y avoir d'autres options, par exemple qu'Arkolia acquiert les terrains et les mettent à disposition des collectivités. »

Enfin, concernant la production d'hydrogène, projet plus prospectif, les études vont se poursuivre sur la base d'une installation de 1 MW couvrant 200 m2 au sol, apte à répondre aux besoins de transports public et privé des personnes et des biens à l'échelle du territoire. Plusieurs pistes d'usages de l'hydrogène ont été émises : carburant intermédiaire, chaleur, rejet d'eau propre pour l'irrigation ou les brebis, mobilité, flottes de véhicules de collecte de déchets, etc.

« C'est une option pour demain, qu'on ne sera pas obligés d'enclencher », précise France Baudin.

Opposition sur le Larzac

Le projet semble remporter l'adhésion des élus car il valorise une grande superficie et restitue aux habitants l'usage de terrains dont l'accès était jusqu'à présent impossible.

« C'est un projet qui nous parait raisonnable, déclare Alain Viala. Ce n'est pas un projet communal mais on est très préoccupés par la vente du domaine de Calmels, qui n'a pas une vocation agricole aujourd'hui. De toute façon, le domaine se vendra et le futur propriétaire fera la même chose, de la chasse privée ! La balle est dans le camp de l'opposition... »

Opposition qui ne l'entend toujours pas de cette oreille. Regroupés au sein de l'association Terres du Larzac-Terres de biodiversité-Terres de paysans et soutenus par la Confédération Paysanne et par l'ancien député européen José Bové, les opposants s'étaient montrés plutôt discrets lors des quatre ateliers de la concertation, mais sont venus manifester leur hostilité devant les locaux de la permanence installée à Le Cros le 29 novembre.

Ils dénoncent « un projet industriel mercantile », qui ouvrirait la porte à d'autres au détriment des terres agricoles et dégraderait la biodiversité d'une zone classée Patrimoine mondial de l'Unesco et entourée de quatre sites Natura 2000.

« Ils proposent quoi, à la place ? »

« On nous reproche de prendre des terres agricoles alors qu'aujourd'hui, le domaine de Calmels est essentiellement un site de chasse commerciale et il ne reste que 29 ha de parcelles agricoles cultivées pour faire du fourrage, indique Franck Baudin. On est ouvert à la discussion avec les opposants mais jusqu'à maintenant, ils ne l'ont pas souhaité. »

Agacé, le maire de Le Cros, Alain Viala, renchérit : « Ils contestent mais ils proposent quoi à la place ? Ce projet ne rapportera rien à la commune mais à la Communauté de communes, oui. Je ne suis pas un chasseur de primes ! Je suis maire depuis 44 ans et si je l'avais été, je l'aurais montré depuis longtemps...En défendant ce projet, je fais mon travail d'élu ».

Sur le calendrier du projet Solarzac, Arkolia Energies prévoit de poursuivre les études et le dialogue en 2022 avec l'objectif de déposer le dossier administratif en 2023.

« Les autorisations interviendront à partir de 2024, et nous pourrions commencer la construction du parc en 2025-2026 pour une mise en service en 2026 », prédit Franck Baudin.

Ce qui serait sans compter sur les recours juridiques, « possibles mais pas insurmontables », assure Mickaël Scudeller qui imagine alors un décalage de deux années dans la programmation.

Cécile Chaigneau

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