
Autour de 200 millions d'euros. C'est, selon la profession agricole, l'estimation globale du chiffre d'affaires qui dépend directement de l'irrigation à l'aval du barrage de Vinça, dans les Pyrénées-Orientales. Une richesse créée principalement par les pêches et nectarines, autour de 100.000 tonnes par an, et le maraîchage.
C'est donc tout un pan important de l'économie locale qui se trouve fragilisé par la décision rendue le 29 novembre par le tribunal administratif de Montpellier qui condamne les dérogations accordées par l'État sur le débit minimum de la rivière Têt. Déposé par France Nature Environnement, le recours visait à faire coïncider le débit de la rivière avec les seuils déterminés par une étude réalisée au début des années 2010. Étude qui préconisait de ne pas descendre en dessous de 1,8 m3 par seconde durant la période d'étiage.
Organiser des tours d'eau
« La Têt est un fleuve de régime pluvio-nival, donc il coule en été », justifie Olivier Gourbinot, coordinateur de l'association France Nature Environnement à Montpellier.
De plus, le fleuve bénéficie de deux retenues qui stockent autour de 40 millions de m3 d'eau. Les dérogations alors accordées permettaient de descendre jusqu'à 0,6 m3 en été et imposaient 1,2 m3 en moyenne sur l'année.
« Mais à 0,9 m3, on est sous le seuil de survie des espèces », argumente Olivier Gourbinot.
Le jugement du 29 novembre remonte à 1,5 m3 le débit minimum à laisser dans la rivière, sans modulation possible.
« Au cours d'un été comme celui que nous venons de vivre, cela obligera à organiser des tours d'eau, des coupures, entre les différents canaux d'irrigation », explique David Massot, président de l'ASA de Thuir, l'une des associations autorisées qui gèrent les canaux et les systèmes d'irrigation sous pression.
Six canaux, les plus importants des Pyrénées-Orientales, sont concernés par cette décision : « Nous avons investi beaucoup pour limiter les fuites, pour mettre en place des systèmes d'irrigation économe en goutte à goutte, mais ce sont des systèmes qui ne supportent pas l'interruption. Nous apportons peu d'eau mais il faut que nous en apportions tous les jours » ajoute-t-il.
Vitale pour recharger les nappes phréatiques
Déçu de la décision du tribunal - « qui n'a pas su voir les efforts faits ces dernières années, notre capacité à nous organiser collectivement en prélevant moins que ce qui nous est autorisé et les économies réalisées », selon David Massot, soit autour de 35 millions de m3 -, le monde agricole espère que le préfet fera appel de la décision.
Le monde agricole rappelle par ailleurs que l'eau prélevée ne sert pas qu'à irriguer. Sa circulation est même vitale pour le rechargement des nappes phréatiques du département. Trois communes - Bouleternère, Saint-Michel de LLotes et Corbère - sont concernées cet automne par des coupures d'eau courante, comme elles l'ont été l'an passé. Et c'est le canal de Corbère qui recharge les nappes en laissant filer une partie de son débit, 200 litres par seconde en novembre, qui vient à la rescousse. De quoi peut-être inciter à faire avancer les délicats dossiers engagés sur le sujet ?
De la construction de stockages nouveaux portés par le monde agricole au développement d'un système de gestion collective de l'eau voulu par Nicolas Garcia, vice-président du Conseil départemental, afin de prendre en compte tous les usages.
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