Sécheresse : les Pyrénées-Orientales s’enfoncent dans la crise

Alors que les pluies reviennent sur le nord de la France, elles évitent soigneusement le pourtour méditerranéen. Et ce n’est pas une bonne nouvelle. Dans les Pyrénées-Orientales, la situation se tend. Le département pourrait devoir gérer ce qui ressemble à une guerre de l’eau autour des usages du rare et précieux liquide.
Le réservoir du barrage des Bouillouses (Pyrénées-Orientales) est loin d'avoir fait le plein : selon la Société Hydro-Électrique du midi (SHEM), il reste un million de mètres cubes sur le barrage, qu'il faut conserver pour la sécurité des installations et éviter qu'elles gèlent, pour l'approvisionnement en eau portable de Font-Romeu et pour le maintien des débits réservés dans la Têt.
Le réservoir du barrage des Bouillouses (Pyrénées-Orientales) est loin d'avoir fait le plein : selon la Société Hydro-Électrique du midi (SHEM), il reste un million de mètres cubes sur le barrage, qu'il faut conserver pour la sécurité des installations et éviter qu'elles gèlent, pour l'approvisionnement en eau portable de Font-Romeu et pour le maintien des débits réservés dans la Têt. (Crédits : Yann Kerveno)

Ce n'est pas encore la guerre de l'eau mais cela commence à y ressembler. Dans les Pyrénées-Orientales, l'inquiétude est palpable et les tensions se font jour. Pour l'agriculture d'abord. En février l'humidité contenue dans les sols était au niveau de ce qu'elle est habituellement au mois d'août... La couverture neigeuse des montagnes, qui alimente en particulier la vallée de la Têt, est éloignée des standards et les réservoirs (Bouillouses, Vinça et Caramany) sont loin d'avoir fait le plein.

Gestionnaire des retenues et usines de production d'électricité de la vallée de la Têt, la Société Hydro-Électrique du midi (SHEM) a mis ses usines à l'arrêt, faute d'eau.

« Il nous reste un million de mètres cubes sur le barrage des Bouillouses, que nous sommes obligés de conserver pour la sécurité de nos installations, pour éviter qu'elles gèlent, pour l'approvisionnement en eau portable de Font-Romeu et pour le maintien des débits réservés dans la Têt, détaille Bertrand Loock, responsable du service gestion de l'énergie de l'entreprise.

Si l'activité est "météo-dépendante", c'est la première fois qu'une rupture de production se produit au mois de mars. « Même si la demande n'est pas très importante en mars, nous avons habituellement des stocks pour répondre ponctuellement », ajoute Bertrand Loock. Quant au remplissage à venir, là encore, l'équation est complexe.

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Le spectre d'arbitrages douloureux

« Le manteau neigeux est très insatisfaisant jusqu'à aujourd'hui. Il doit pouvoir nous apporter entre deux et quatre millions de mètres cubes sur les 16 du barrage. Et quand on regarde les prévisions météo telles qu'elles sont envisagées début mars, il y a 50% de probabilité que nous arrivions à remplir le barrage à moitié cette année », analyse le responsable du service gestion de l'énergie de la SHEM.

Il faut donc s'en remettre à la pluie de ces prochaines semaines et le spectre d'une catastrophe et d'arbitrages douloureux dans les champs n'est donc plus un fantasme. Pourraient ainsi se multiplier les situations connues l'an passé dans les vergers, le long du Tech où certains agriculteurs ont été contraints de sacrifier des parcelles nouvellement plantées pour sauver leur récolte.

« Il est clair que dans la situation que nous connaissons, il n'y aura pas de partage d'eau cette année, avance Jean-François Not, président de la coopérative Ille Fruits. Je ne sais pas comment nous allons pouvoir gérer ça s'il ne pleut pas. Et c'est désespérant : chaque fois que la météo annonce des pluies, elles ne sont pas au rendez-vous... »

Difficile, en tout cas, d'estimer à quelle hauteur le printemps et l'été devraient être pluvieux pour sauver les meubles et compenser le déficit, qui approche les 300 mm, soit la moitié de la pluviométrie annuelle de Perpignan.

« Je pense que c'est beaucoup plus car les nappes sont en situation de crise et ne se remplissent pas comme un tonneau, explique l'hydrogéologue Henri Got. C'est vrai pour les nappes du quaternaire et encore plus pour les nappes du pliocène. »

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Elne interdit la construction de piscines

Sous les racines des arbres, les nappes phréatiques sont en effet dans une situation tellement délicate que la préfecture des Pyrénées-Orientales a été conduite à durcir les arrêtés sécheresse en vigueur le 23 février dernier, en attendant la prochaine réunion du comité ressources en eau.

Dans la foulée de ces nouvelles restrictions, Nicolas Garcia, maire de la commune d'Elne, qui est aussi président du Syndicat mixte pour la protection des nappes de la plaine du Roussillon, a pris un arrêté municipal qui fait jaser : l'interdiction de toute nouvelle construction de piscine, par refus d'autorisation, ou percement de forages dans la nappe sur le territoire de sa commune. Sauf pour les zones non desservies par le réseau d'eau potable...

Si la mesure n'a que peu d'impact sur le niveau de nappes phréatiques, le maire d'Elne souhaite s'en servir pour « faire prendre conscience » de la situation inédite traversée par le département cette année. De quoi mettre le secteur des piscinistes en colère, comme leur représentant l'exprime dans les colonnes du quotidien local L'Indépendant, arguant que « la consommation annuelle d'une piscine, c'est 15 mètres cubes contre 18 mètres cubes pour des toilettes... »

Des tensions, nouvelles, qui donnent à voir l'ampleur du problème alors que tous les secteurs se préparent à une année plus que complexe lors de laquelle les choix n'auront pas le luxe d'être cornéliens.

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