Eolien en mer en Occitanie : les avancées de la filière Wind’Occ (et le chemin qui reste à parcourir)

Le 5 avril, la Région Occitanie et son agence de développement économique Ad’Occ, organisaient une journée de la filière "éolien en mer flottant" qui réunissait quelque 250 participants à Port-La Nouvelle (Aude), ville-port stratégique de la future filière. Les 13 candidats de l’appel d’offre pour les deux fermes commerciales en Méditerranée étaient présents ainsi que les entreprises d’Occitanie de l’ensemble de la chaîne de valeur afin de faire un point sur la structuration d’une filière régionale. Les avancées et le chemin qui reste à parcourir.
Cécile Chaigneau
Sur le port de Port-la-Nouvelle (Aude), un vaste chantier est en cours pour accueillir les activités industrielles de la future filière régionale de l'éolien en mer.
Sur le port de Port-la-Nouvelle (Aude), un vaste chantier est en cours pour accueillir les activités industrielles de la future filière régionale de l'éolien en mer. (Crédits : DR)

La trajectoire est écologique mais aussi industrielle. Alors que deux fermes-pilotes d'éoliennes en mer flottantes (EolMed et EFGL) sont en cours d'installation au large de Gruissan (Aude) et de Leucate (Aude) et Le Barcarès (Pyrénées-Orientales), et que treize candidats sont dans la course pour l'appel d'offres des deux parcs commerciaux en Méditerranée (AO6), la dynamique pour créer une filière économique dédiée à l'éolien flottant offshore en Occitanie se poursuit. Le 5 avril, la Région Occitanie et son agence de développement économique Ad'Occ organisaient la 2e journée Wind'Occ, du nom donné à la filière régionale de l'éolien en mer flottant. Près de 250 participants étaient présents.

« Nous sommes partis de quasiment rien et aujourd'hui, nous sommes dans une phase de déploiement et d'industrialisation », souligne en préambule Pierre Benaïm, directeur délégué Innovation chez Ad'Occ, en charge de la structuration de la filière Wind'Occ.

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Julien Ciglar, chef de projet Energies marines renouvelables chez Ad'Occ, rappelle la feuille de route que s'est donnée la Région Occitanie autour des énergies marines renouvelables (EMR) pour créer une synergie sur tout le territoire : « Le rôle de Wind'Occ est accompagner les treize candidats de l'AO6 pour faciliter la connexion aux entreprises du territoire. La plupart d'entre eux ont des projets d'EMR ailleurs, et on peut s'appuyer sur leur expérience pour aider les entreprises locales à monter en compétences. Dans la démarche de structuration d'une filière économique dédiée à l'éolien flottant, nous comptons aujourd'hui 172 affiliés Wind'Occ dont 35% travaillent déjà sur l'éolien en mer ».

Futurs parcs commerciaux : du potentiel pour les PME régionales

Frédéric Autric, directeur de projet éolien flottant méditerranée à la DREAL Occitanie rappelle que les lauréats des deux parcs commerciaux d'éolien flottant (250 MW chacun) en Méditerranée dans le cadre de l'appel à projet AO6 seront attribués en avril 2024 pour une mise en service en 2030. Deux zones d'implantations ont été définies : la première dans la zone de la Narbonnaise à 22 km du rivage, et la seconde au large du golfe de Fos ou, en 3e option, au large du Roussillon, « ce choix devant intervenir au printemps », annonce Frédéric Autric. Une 4e zone a été retenue dans une perspective de planification, au centre du Golfe du Lion.

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L'installation des parcs commerciaux nécessitera des raccordements mutualisés, confiés à RTE.

« RTE a 15 projets de raccordement en portefeuille en France, soit 8 milliards d'euros qui seront investis pour près de 10 GW de puissance d'ici 2035, dont 3 GW pour 10 parcs qui seront en fonctionnement dès 2025, souligne Yannick Bocquenet, responsable de projets RTE. Ce qui représente 200 salariés de RTE sur le sujet offshore... Concernant l'emploi, nous nous conformons aux codes des marchés publics donc il ne nous est pas possible de mettre de clauses spécifiques sur l'emploi local mais des choses sont faisables dans les cahiers des charges, notamment en allotissant les marchés pour inciter à recourir à de la main d'œuvre locale. En 2020, 23% des achats de RTE (385 millions d'euros sur 1,7 milliards d'euros, NDLR) ont été faits auprès de PME, avec l'objectif de monter à 25% en 2025. »

Des projets industriels

Des projets industriels émergent sur la chaîne de valeur de l'éolien flottant offshore. Parmi eux, le projet du groupe Schlumberger : développer des processus industriels automatisés de fabrication de pièces de flotteurs.

« A ce jours, Schlumberger n'est pas acteur de l'éolien, mais nous avons regardé le marché et son ordre de grandeur : plus de 10 GW à l'échelle européenne, et en Méditerranée, des projets en France, en Italie, en Espagne ou en Grèce, analyse Benoît Jauzion, directeur du bureau d'études Schlumberger de Béziers. C'est donc un marché de multi-gigawatts à venir ! En Occitanie, deux ports, Port-la-Nouvelle et Sète, seront amenés à travailler autour de l'éolien flottant, or Schlumberger est présent à Montpellier, Sète et Béziers, et nous avons développé dans nos activités des schémas logistiques entre nos différents sites pour transporter par voies routières, fluviales et ferroviaires des éléments fabriqués dans l'usine vers un port. »

Luc Mas, directeur du site de Schlumberger à Béziers, renchérit : « Notre domaine d'expertise est de designer des lignes de production. Nous avons l'habitude de fabriquer de grosses pièces, et aujourd'hui, il y a une opportunité nouvelle avec cette industrie de l'éolien flottant. Nous avons décidé de devenir un "contractor manufacturing", c'est à dire un sous-traitant pour d'autres filières industrielles que la nôtre. On serait capable de fabriquer en masse des pièces de quelques dizaines de tonnes, et on pourrait développer des lignes d'assemblage de sous-ensembles sur notre site de Béziers ou sur le port de Sète. Nous sommes donc mandatés par notre management pour travailler au design de lignes de production et nous devrions pouvoir rendre notre copie technique et financière avant la fin de l'année... Cet exercice entrerait dans notre écosystème EDEN (Ecosystème Durable et Energies Naturelles, dont la vocation est d'embarquer l'écosystème biterrois associé à la dynamique industrielle de la future gigafactory Genvia, NDLR) dans le cadre de l'arrivée de Genvia (électrolyseurs pour la production d'hydrogène décarboné, NDLR) ».

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Autre gros projet industriel : celui porté par ArchiMed (société de projet créée par l'entreprise lotoise Matière, spécialisée dans la fabrication de flotteurs pour éoliennes en mer, et l'entreprise parisienne Ponticelli Frères, spécialisée dans les services industriels aux entreprises des secteurs du pétrole et du gaz ou de l'énergie) d'installation à Port-la-Nouvelle d'une usine de construction de flotteurs au profit du projet EolMed.

« EolMed est un projet pilote donc on apprend, indique Vincent Ladougne, directeur développement chez ArchiMed. Sur EolMed, on atteint déjà la capacité maximum de nos surfaces à Port-la-Nouvelle et de l'usine de Matière. Or les projets de parcs commerciaux de l'AO6, ce sera quasiment douze fois la taille d'EolMed ! Nous ne pouvons pas extrapoler le modèle EolMed dans le cadre de l'AO6, donc nous allons travailler avec les développeurs, sur des flotteurs modulaires pour optimiser la phase d'assemblage, et sur  l'industrialisation de la filière en faisant d'abord des lignes d'assemblage de flotteurs à proximité des fermes puis en développant des outils dédiés à la fabrication des composants. Notre ambition à terme est d'avoir un hub d'assemblage de flotteurs à Port-la-Nouvelle, avec des lignes de production de composants. Notre objectif est d'être prêts à démarrer les productions en 2027-2028 pour intégrer les composants dans les premiers parcs commerciaux dont la mise en service est prévue pour 2030-2031. »

Une offre de formation à améliorer

En 2021, la filière de l'éolien en mer représentait 198 équivalents temps plein, en augmentation de +22% par rapport à 2020, selon l'observatoire des énergies de la mer. Dans la perspective de déploiement de cette filière, les compétences disponibles et donc la formation sont des sujets centraux. Plusieurs études sont en cours, dont celle réalisée par le Pôle Mer Méditerranée et France Energie Eolienne entre juillet et décembre 2022.

« Nous observons un doublement du nombre de métiers, avec de nouveaux métiers comme la modélisation numérique, l'IA, la robotique sous-marine, les processus de fabrication/assemblage ou l'instrumentation, indique Hugo Blanchet, chargé de mission Pôle Mer. L'enquête révèle que les besoins de la filière seraient de 1.644 équivalents temps plein en régions Sud et Occitanie d'ici à 2030... Il y a donc des besoins d'amélioration de l'offre de formation en région, avec le déploiement de nouvelles formations, des transferts de compétences à partir d'autres filières industrielles comme le naval, l'adaptation de l'offre existante en association avec les acteurs de l'éolien flottant offshore, et le renforcement des efforts sur les métiers prioritaires. L'étude préconise aussi de favoriser la proximité entre lieu de formation et les lieux des projets. »

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Les pêcheurs et la coopérative

Du côté des pêcheurs, une réflexion est en cours également pour tirer profit de cette nouvelle filière en Occitanie, avec l'idée d'y trouver un complément de revenu. En septembre 2021, le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) Occitanie validait la création future d'une structure coopérative pour porter une nouvelle activité pour les pêcheurs.

« Il s'agit d'un projet d'innovation sociale via une structure autogérée par les pêcheurs, un outil collectif pour proposer des prestations de service en mer autour de l'éolien flottant offshore, basé à Port-la-Nouvelle, explique Sigrid Véland, chargée de mission Territoire au CRPMEM Occitanie. Les acteurs en seront les pêcheurs, les opérateurs des parcs éoliens, qui ont besoin de transport d'équipages pour aller sur les éoliennes, et des partenaires. Nous avons démarré la phase opérationnelle d'amorçage pour créer, en juin prochain, une association de préfiguration de coopérative de pêcheurs. Les prestations de service en mer pourraient démarrer en septembre 2023, et début 2025, il s'agirait de faire évoluer l'association de préfiguration vers une coopérative, en Scop ou Scic. »

Cécile Chaigneau

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