Le réseau Enercoop crée une filiale à Montpellier pour booster sa production nationale d’électricité renouvelable

INTERVIEW – Simon Cossus, directeur général de la coopérative d'électricité renouvelable Enercoop Languedoc-Roussillon, annonce que le réseau Enercoop vient de créer une filiale commune à toutes les coopératives Enercoop. Basée à Montpellier, elle est destinée à développer les propres moyens de production d’électricité renouvelable du réseau Enercoop. Cette initiative vient soutenir la stratégie globale des coopératives d’énergie dans un contexte de tension sur le marché de l’énergie, avec pour objectif de réduire leur dépendance à ses fluctuations et sécuriser leur approvisionnement.
Cécile Chaigneau
Simon Cossus, directeur général de la coopérative Enercoop Languedoc-Roussillon
Simon Cossus, directeur général de la coopérative Enercoop Languedoc-Roussillon (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Comment qualifier Enercoop Languedoc-Roussillon en chiffres aujourd'hui ?

Simon COSSUS, directeur général de la coopérative Enercoop Languedoc-Roussillon - Enercoop LR, qui emploie 14 salariés, compte 3.046 sociétaires et fournit de l'électricité provenant d'énergies renouvelables pour 5.121 clients répartis dans l'Hérault, la Lozère le Gard, l'Aude et les Pyrénées-Orientales. Le chiffre d'affaires d'Enercoop LR était de 600 millions d'euros en 2022. Enercoop Midi-Pyrénées, qui compte 4.195 sociétaires, fournit de l'énergie à 7.420 clients... L'Occitanie compte 70 coopératives citoyennes soutenues par le réseau Enercoop, soit 29 GWh produits en 2021 pour 6 millions d'euros citoyens investis.

En 2022, 5% de l'approvisionnement d'Enercoop reposait sur des contrats PPA (contrats de long terme sans intermédiaire entre le producteur et le fournisseur) basés sur des coûts de production de l'électricité entre 40 et 70 euros du MWh, plutôt que sur des références marchés. Le réseau Enercoop a annoncé vouloir désormais privilégier ces PPA pour monter progressivement à 40% de l'approvisionnement en 2030...

Nous signons des PPA depuis dix ans, par exemple avec Valorem, ce qui nous a permis d'accéder à de la production à prix raisonnables... Mais le même problème persiste toujours : celui du financement. Nous avons répondu à plusieurs appels d'offres au niveau national, et nous avons d'ailleurs des salariés spécialisés sur ce sujet à Montpellier.

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L'autre axe stratégique d'Enercoop pour sécuriser ses approvisionnements, c'est d'accélérer sur la production d'électricité renouvelable en propre. En février dernier, la coopérative nationale a décidé d'investir l'équivalent de 10% de son chiffre d'affaires 2022 dans cette activité, soit 14,5 millions d'euros. Comment cela va-t-il se traduire sur votre périmètre géographique ?

Dans les 18 derniers mois, Enercoop Languedoc-Roussillon a recruté trois personnes qui font du développement de projets, surtout des petites centrales photovoltaïques au sol, notamment dans d'anciennes décharges, d'anciennes casses ou sur des terrains dégradés, délaissés par les acteurs classiques car pas assez rentables. La concurrence est très rude sur le foncier, particulièrement dans la région, et la situation devient absurde, avec des loyers intenables... C'est le cas, par exemple, autour de Carcassonne où on a vu des prix atteignant les 30.000 euros l'hectare en promesse de bail ! Donner cette valeur à la terre est malsain et n'est pas tenable pour nous donc nous avons une autre stratégie, moins spéculative et plus claire : proposer aux collectivités ou à des syndicats départementaux de l'énergie du co-investissement en autoconsommation collective. Enercopp Toulouse a d'ailleurs développé depuis deux ans une filiale, Elocoop, dédiée à la gestion de l'autoconsommation collective... Ainsi, la collectivité n'a pas de loyers à payer, peut diminuer sa facture d'électricité et sécuriser son approvisionnement énergétique. Les objectifs de production d'Enercoop LR pour 2023 sont d'investir 500.000 euros, soit deux petites centrales photovoltaïques en propre à Belvèze-du-Razès dans l'Aude et à Caux dans l'Hérault. Elles devraient être opérationnelles entre la fin 2023 et le printemps 2024, et elles produiront 300 MWh/an chacune... Notre stratégie vise à s'autonomiser un maximum : à horizon 2025, nous souhaiterions couvrir une partie significative de nos besoins, un quart ou un-tiers, par des productions en propre ou des productions citoyennes.

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Comment dopez-vous vos moyens pour accélérer sur ce volet production d'électricité renouvelable ?

Nous avons mis en place, officiellement en avril dernier, une filiale commune aux dix coopératives régionales et à la coopérative nationale du réseau Enercoop en France : Enercoop Production. Elle est basée à Montpellier, emploie huit personnes et est dirigée par Julien Barreteau. Cette filiale interrégionale est un outil au service de notre stratégie de production d'énergie renouvelable. C'est une sorte de plateforme de développement, fondée sur l'idée de mutualiser les ressources. C'est Montpellier qui a été choisi car il y a un gisement de compétences... Elle est aujourd'hui opérationnelle et travaille sur un portefeuille de 200 MW de projets à construire sur le territoire national d'ici 2025. On est sur le début de l'accélération, on se projette sur le recrutement d'un expert raccordement et d'un expert construction de centrales photovoltaïques. Nous travaillons aussi sur les modalités de financement : les banques demandent au producteur d'énergie que son acheteur bloque sur un compte, sous forme de "garantie à première demande", une somme correspondant à plusieurs mois voire années de chiffre d'affaires pour le producteur. Il s'agit d'une sorte de garantie d'achat de l'électricité. Comme l'énergie produite par nos futures centrales est destinée à être vendue par les coopératives du réseau Enercoop, les banques considèrent qu'il y a risque de défaut et sont plus frileuses. Les choses ont un peu évolué avec la crise de l'énergie et on sait aujourd'hui qu'on n'aura pas de mal à trouver des débouchés de vente. Mais cela reste quand même des volumes financiers trop complexes à immobiliser, et on aimerait que l'Etat mette en place un dispositif avec un acheteur de dernier recours ou un système de garantie qui permettrait aux partenaires financiers de baisser le risque perçu... Enfin, nous voulons aussi innover sur les technologies, par exemple aller sur du photovoltaïque flottant sur des bassins de rétention qui, en région Occitanie en tout cas, offrent du foncier disponible.

Fondamentalement opposé au nucléaire, Enercoop se présentait comme le seul fournisseur alternatif refusant de bénéficier de l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) mais, en pleine crise énergétique, s'est résolu à contrevenir à cette règle afin d'assurer sa survie face à la flambée des prix de l'électricité. Une situation qui a créé des divergences au sein du réseau...

En tant que fournisseur, nous avons l'obligation de couvrir les besoins en électricité de nos clients. Depuis 1e janvier 2023, nous avons donc en effet un droit de tirage Arenh pour ces logiques de couverture qui consistent à acheter des volumes d'électricité pour trois ans sur les marchés. En ce moment, nous sommes en campagne d'approvisionnement 2024, sur la base d'une consommation prévisionnelle de 600 GW, et nous les remplaçons progressivement par des contrats directs avec des producteurs d'énergie verte, ce qui nous permet ensuite de revendre les couvertures Arenh dont nous n'avons plus besoin. Cette électricité achetée via ce mécanisme de l'Arenh est moins chère, et à défaut, nous serions obligés de doubler nos tarifs. Alors certes, c'est un renoncement à nos valeurs et cela nous a fait perdre quelques clients, mais de façon marginale. Et c'est aussi grâce à ça que nous allons pouvoir investir les 14,5 millions d'euros en production d'électricité renouvelable...

Les coopératives Enercoop Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées agissent aussi sur la solidarité. Comment ?

Les deux coopératives régionales ont participé au recrutement, il y a un mois, d'une personne rattachée à Energie Solidaire (fonds de dotation créé en 2017 par les Amis d'Enercoop et qui collecte des dons pour soutenir des associations de lutte contre la précarité énergétique, NDLR) dans le cadre d'un partenariat avec la Région Occitanie. Elle est basée à Montpellier et a pour mission d'aller nouer des partenariats avec des producteurs pour abonder ce fonds de dotation sur le territoire Occitanie. L'association peut aussi accueillir des dons d'énergie, et on espère que les particuliers qui sont en autoconsommation puissent un jour eux aussi donner leur surplus.

Cécile Chaigneau

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Commentaires 2
à écrit le 17/05/2023 à 22:49
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Quoi ? Enercoop qui hait le nucléaire, profite de ses faibles coûts en achetant de l'ARENH (électricité à prix cassé) à EDF, mais aussi profite de cette électricité nucléaire toujours disponibles pour assurer la continuité de service de ses clients, ...

à écrit le 15/05/2023 à 19:45
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Il faudra m'expliquer comment Enercoop qui ne produit que de l'énergie intermittente (vent et soleil) peut vendre son électricité à une entreprise, dont les besoins ne sont en rien synchrones avec la météo ??? En bref, par quel miracle cette entrepr...

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