Mutuelle des Motards : 40 ans de motards assurés mais (parfois) encore en colère

Créée par la Fédération française des motards en colère en 1983, la Mutuelle des Motards est devenue, en quarante ans, une référence en la matière. Sa stratégie a épousé les différents enjeux de chaque période traversée, la mutuelle endossant volontiers sa tenue de combat pour défendre la sécurité de ses sociétaires. Au nombre de 268.000 aujourd’hui, ils sont motards mais aussi conducteurs de scooter, de vélo électrique ou de trottinette électrique. Son président, Patrick Jacquot, prône un renforcement de la proximité territoriale.
Cécile Chaigneau
Patrick Jacquot, P-dg de la Mutuelle des Motards.
Patrick Jacquot, P-dg de la Mutuelle des Motards. (Crédits : DR)

« En 40 ans, la moto s'est démocratisée et le profil des usagers a beaucoup évolué, notamment au début des années 2000 avec le retour de l'équivalence du permis B pour conduire une 125. C'est à cette époque qu'on a observé une recrudescence de scooters utilisés par des automobilistes pour aller à travailler... Aujourd'hui, les motards qui possèdent de grosses cylindrées sont à 99,9% aussi des automobilistes. L'âge moyen du motard tourne d'ailleurs autour de 45 ans, alors qu'il était de 20 ans à la création de la Mutuelle des Motards en 1983. Le paradoxe aujourd'hui, c'est que ceux qui ne se considèrent pas comme des motards car ils en ont un usage utilitaire, pour aller travailler essentiellement, font plus de kilomètres que les purs et durs qui montent sur leur moto pour les loisirs surtout. »

D'un coup d'œil amusé dans le rétroviseur, Patrick Jacquot, le P-dg de la Mutuelle des Motards (basée à Pérols près de Montpellier), dresse un panorama rapide des quarante années qui se sont écoulées depuis la création de la mutuelle spécialisée dans l'assurance des motos, cylindrées en tout genre (routières, trails, tout-terrain, custom, sportives), mais aussi deux-roues types cyclos et autres scooters.

« La Mutuelle des Motards est le seul assureur spécialisé deux-roues », rappelle le dirigeant de la mutuelle, qui revendique 7% de parts de marché (mais 10% sur le gros cube), un palier atteint il y a deux ans environ et sur lequel stagne la mutuelle, désormais fortement concurrencée par les assureurs généralistes.

Précurseurs

Depuis 2020, la Mutuelle des Motard a ouvert ses contrats d'assurance aux conducteurs de vélos électriques et trottinettes électriques (obligés de s'assurer depuis 2019).

« Nous sommes experts en matière de protection des usagers fragiles et nous avions beaucoup de sollicitations de nos sociétaires, indique Patrick Jacquot, rappelant que la Mutuelle des Motards n'en est pas à sa première révolution. Nous avons été précurseurs sur différents sujets : par exemple, c'est nous qui avons mis en place des garanties qui n'existaient pas comme l'assurance tous risques ou encore remboursement intégral du casque en cas d'accident... Nous nous sommes engagés dans un partenariat en 2019 sur l'airbag avec une startup d'Annecy, In&Motion (systèmes intelligents de protection embarqués, comme le gilet airbag pour ski racing, NDLR), qui a mis au point une technologie de gilet airbag sous le blouson, et nous incitons aujourd'hui nos sociétaires à acquérir un. »

La Mutuelle des Motards, qui emploie 341 salariés entre le siège et ses 38 bureaux en région, compte aujourd'hui 268.000 sociétaires et a réalisé un chiffre d'affaires 2022 de 141,5 millions d'euros (355.000 contrats), « avec un excédent de 1,4 millions d'euros », précise Patrick Jacquot.

« Les deux-roues sont devenus des produits d'appel »

« Cette augmentation de 1,7% du chiffre d'affaires est en-deçà de nos ambitions qui étaient plutôt de 145 millions d'euros, ajoute-t-il. Ça s'explique par plusieurs facteurs : durant l'année 2022, les motards ont moins roulé car il a fait très chaud et il y a eu un problème de disponibilité de marché par manque de disponibilité de pièces électroniques. Par ailleurs, en interne, nous étions dans une phase de "policitation" pour que presque 45.000 de nos sociétaires qui avaient un contrat auto chez nous le basculent à l'AGPM (Association générale de prévoyance militaire, à Toulon, NDLR). Nous avons un partenariat avec l'AGPM depuis 2001 pour assurer les motos de leurs sociétaires. C'est nous qui avons inventé le contrat moto-auto mais les deux-roues sont devenus des produits d'appel et nos forces commerciales nous ont alerté sur le fait qu'on risquait de perdre des parts de marché face à de grosses compagnies d'assurance, donc nous avons préféré conclure un nouveau partenariat avec l'AGPM pour transférer les contrats auto... Il y a un 3e facteur pour expliquer les performances de 2022 : cette "policitation" a été très chronophage et s'est faite au détriment des affaires nouvelles. »

D'autant que selon le dirigeant, « tout cela s'est combiné avec un déficit de ressources humaines dans notre réseau commercial en période post-Covid, et avec un mouvement global dans l'assurance, où il existe d'énormes besoins de commerciaux ». Aujourd'hui, La Mutuelle des Motards recrute des conseillers en assurance, des gestionnaires sinistres, et quelques experts et responsables encadrement intermédiaire, « environ 35 personnes dès maintenant, au siège et dans nos bureaux en régions ».

Retour aux fondamentaux

En 2023, le dirigeant cible donc un prévisionnel à 145 millions d'euros.

« Notre stratégie comporte des évolutions structurelles et organisationnelles dont la pierre angulaire est la proximité territoriale avec nos sociétaires, déclare Patrick Jacquot. Cela se traduit par un renforcement de notre présence territoriale : nous recrutons notamment une dizaine de responsables territoriaux qui animeront les Maisons des Motards, nos bureaux régionaux, mais pas uniquement avec nos forces propres mais aussi avec tout l'écosystème métier : motocistes, équipementiers, réparateurs, experts, associations de motards, moto-clubs, etc. Nous voulons donner plus d'autonomie aux territoires, respecter leurs spécificités et impliquer davantage nos sociétaires en faisant vivre cette communauté. On déploie cette stratégie pour nos 40 ans : on revient aux fondamentaux, à la base. »

Depuis la crise sanitaire du Covid, l'avènement du télétravail et le renforcement du tout-digital, « les assurés vont sur internet et moins en agence, mais on ne veut pas supprimer de bureau régionaux pour autant, car on souhaite faire y revenir les sociétaires pour d'autres raisons, par exemple pour participer à des ateliers ou à des animations », promet Patrick Jacquot.

C'est ainsi que la Mutuelle des Motards va créer un moto-parc à Arras, ou encore participer au pole Moto qui va être créé par des entrepreneurs de la moto à Agen. « Il faut suivre les logiques territoriales », suggère Patrick Jacquot.

Crispation sur le contrôle technique ou les ZFE

Aujourd'hui, les motards sont-ils toujours en colère ? A cette question, le dirigeant évoque un sujet de crispation actuel : le gouvernement souhaite imposer un contrôle technique obligatoire des deux-roues pour améliorer la sécurité des motards et les performances environnementales de leurs équipements. La Fédération Française des motards en colère est vent debout contre cette mesure. De son côté, Patrick Jacquot confirme que les sinistres les plus fréquents enregistrés par la mutuelle sont bien les accidents, « même si une recrudescence des vols a été observée durant l'année écoulée, avec une poche sur Nantes et une petite alerte sur Lyon ».

« Il y a encore beaucoup à faire sur les moyens de protection et ça fait l'objet d'un lobbying auprès des collectivités avec la Fédération des motards en colère, ajoute-t-il. Mais sur une moto, le contrôle technique est inutile car tout est apparent et on fait de l'auto-contrôle. La Mutuelle des Motards a pris 18.000 dossiers de sinistres entre 2016 et 2022 pour voir dans combien de dossier l'état de la machine pouvait intervenir : c'est le cas dans moins de 2% des cas ! »

Quant aux ZFE (zones à faibles émissions), les motards sont globalement contre et espèrent, dans certaines villes, passer entre les gouttes. Patrick Jacquot souligne que « les motos sont des véhicules uniquement à essence et quelques électriques », rapportant qu'à Montpellier, « il existe une dérogation à janvier 2024 pour les deux-roues ». Et il lance un chiffre pour qualifier les mobilités des motards : « Aujourd'hui, les motards sont à 50% multimodaux, contre 30% seulement pour le reste de la population ».

Une création militante, en Corse

L'histoire de la Mutuelle des Motards est militante et intrinsèquement liée à celle de la Fédération française des motards en colère... et à la Corse. « A l'origine, ce sont 40.000 motards qui ont répondu à l'appel de la Fédération française des motards en colère qui ont constitué le fonds de garantie, 10 millions de francs, pour créer leur propre mutuelle, raconte Patrick Jacquot. C'est la fédération corse qui encaissait les chèques donc la Mutuelle des Motards a été créée en Corse, à Ajaccio. Le premier contrat était signé en septembre 1983, au Bol d'Or du Castelet. »

Cécile Chaigneau

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