Comment le port de Sète prend son virage vert

Le port de Sète met un coup d’accélérateur dans sa transition écologique. L’infrastructure prévoit de s’équiper de trois bornes de raccordement électrique à quai pour les navires, afin de limiter les émissions polluantes dans ses trois activités : commerce, croisière et ferry. Un investissement estimé entre 5 et 7 millions d’euros. Une démarche de transition écologique qui implique la nécessité de convaincre les armateurs d’adapter leurs navires et pour le port de trouver le bon équilibre financier tout en restant compétitif. Décryptage.
Cécile Chaigneau
En 2023, une partie des navires accostant sur le port de Sète pourront se brancher à quai, évitant de laisser tourner leur moteur durant leur escale.
En 2023, une partie des navires accostant sur le port de Sète pourront se brancher à quai, évitant de laisser tourner leur moteur durant leur escale. (Crédits : Port de Sète Sud de France)

Il y a quelques jours, le port de Sète a signé un partenariat avec Enedis pour le déploiement de bornes électriques sur les quais, qui permettront le branchement des navires à horizon 2023. Objectif : améliorer la qualité de l'air en divisant par cinq les rejets polluants dans la zone industrialo-portuaire de Sète. Car aujourd'hui, les navires faisant escale dans le port laissent tourner leur moteur afin de continuer à produire de l'électricité pour le fonctionnement général des installations à bord.

Propriété de la Région Occitanie depuis 2007, le port est exploité en régie déléguée par l'établissement Port de Sète Sud de France (président : Jean-Claude Gayssot) pour la gestion de ses trois activités de commerce, pêche et plaisance. Une étude diligentée par Port Sud de France sur la qualité de l'air en 2019 et 2020 pour évaluer les différentes sources d'émissions sur la zone industrialo-portuaire du Port de Sète a révélé que les sources maritimes fixes (usage des moteurs auxiliaires des navires à quai) contribuaient à 43% des émissions de CO2 (33 420 t/an), 82% des émissions de N0x (832 t/an) et 30% des émissions des particules fines.

En raccordant les navires passagers et navires RORO (rouliers, transportant véhicules neufs ou remorques poids-lourds), qui constituent les escales régulières les plus nombreuses aujourd'hui, le port ambitionne un objectif de près de 30% des escales sans émission, évitant ainsi près de 10 000 t de Co2/an.

Trois quais à électrifier

« Le bassin Orsetti, aujourd'hui dédié à l'accueil des grands yachts avec l'Américain IGY, est connecté depuis le 1e janvier car ces yachts ont pour habitude de se brancher à quai », explique Olivier Carmès, le directeur général du port de Sète.

« Il y a aujourd'hui, sur le bassin Orsetti, 11 bornes de moyenne puissance et nous allons rajouter 1,5 MW de puissance supplémentaire, précise Philippe Malagola, directeur d'Enedis Hérault. Mais le gros du projet concernera l'électrification du quai d'Alger qui accueille la croisière en centre-ville, du môle Masselin pour l'activité ferry entre Sète et le Maroc et du quai H pour les navires RORO et grande croisière. »

Soit une augmentation de puissance jusqu'à 15 MW, avec un objectif de première connexion d'ici deux ans.

« Nous avons concentré nos efforts sur les rouliers classiques RORO qui font des escales de 8 heures plusieurs fois par semaine, et sur les navires passagers de la compagnie italienne GNV et de la compagnie espagnole Balearia qui font des escales à la journée, détaille Olivier Carmès. Sur la cible croisière, nous souhaitons concentrer l'effort sur le quai d'Alger qui accueille les croisières en centre-ville, avec une problématique de bateaux qui ont besoin de forte puissance mais la nécessité de limiter l'impact polluant en ville. »

Entre 5 et 7 millions d'euros d'investissements

Une démarche qui va nécessiter d'importants investissements pour le port. Selon Olivier Carmès, les premières estimations portent entre 5 et 7 millions d'euros les financements nécessaires à l'installation des trois premières bornes sur le quai d'Alger, le môle Masselin et le quai H.

« Il faudra trouver des financements d'accompagnement, pourquoi pas le plan de relance », souligne Olivier Carmès.

L'équation de l'équilibre financier est complexe. Car il ne faut pas que ce type d'équipements rendent le port moins compétitif par rapport aux autres. Car si aujourd'hui, tous les ports se positionnent sur ce type de démarche, peu permettent déjà le raccordement électrique des navires à quai.

« Le port de Marseille le pratique déjà pour les ferries qui font la liaison avec la Corse et pour quelques grands navires de croisières, précise le directeur général du port de Sète. Mais c'était un des objectifs de partenariat entre ports de Méditerranée : pouvoir partager les informations sur le verdissement de nos ports, surtout sur des sujets nouveaux où la rentabilité est compliquée. »

Convaincre les armateurs

Pour préserver son attractivité, le port de Sète a déjà prévu de récompenser les navires qui feront l'effort du branchement à quai (plutôt que sanctionner ceux qui ne le feront pas) en consentant un geste sur le coût de passage à quai : « Au 1e janvier 2021, nous mettons en place l'indicateur environnemental officiel permettant de récompenser les navires faisant des efforts par une remise de 10%sur les droits de port. Et à partir de 2023, nous ajouterons une remise de 10% supplémentaires pour ceux qui se brancheront à quai ».

Car une autre action doit accompagner cette démarche de verdissement des activités : convaincre les armateurs d'investir pour adapter leurs navires.

« C'est la difficulté du projet, reconnaît Olivier Carmès. Il faut partir sur le prix du kw/h sur lequel ils sont prêts à s'engager, soit un prix de marché qui se situe entre 18 et 22 centimes d'euros du kw/h. Même s'ils peuvent y gagner en image, l'adaptation des navires représentent de lourds investissements pour les armateurs, pouvant dépasser le million d'euros par unité... Il faut discuter et peut-être les accompagner pour trouver des financements. Ce sont des discussions qui vont se faire durant toute l'année 2021. »

Accélérer sur l'intermodalité avec le fluvial et le ferroviaire

Le déploiement des bornes de branchement à quai s'inscrit dans une démarche globale entreprise par l'infrastructure portuaire pour améliorer son empreinte écologique.

Le directeur général mise aussi beaucoup sur l'intermodalité de l'infrastructure portuaire, et la bonne complémentarité entre le maritime, le routier, le ferroviaire et le fluvial : « Aujourd'hui à Sète, on est seulement à 10% d'utilisation sur le fluvial et ferroviaire, et l'objectif est de passer à 20% d'ici à 2025. Nous allons mettre en place une nouvelle plate-forme ferroviaire pour juin 2021 afin d'augmenter la productivité ». Sur le fluvial, c'est l'élargissement du canal du Rhône à Sète qui permettra d'augmenter le gabarit des péniches (200 par an font escale à Sète) et de redynamiser le canal.

« Depuis sept ans, nous avons entrepris de couvrir nos hangars en panneaux photovoltaïques et nous en sommes aujourd'hui à une surface de 60 000 m2, ajoute Olivier Carmès. Nous allons maintenant attaquer le déploiement d'ombrières photovoltaïques sur les zones de stockage de véhicules neufs avec le projet d'auto-consommer une partie de la production d'électricité et pourquoi pas d'installer des prises sous ces ombrières pour recharger les batteries des véhicules électriques transitant sur le port. »

Une barge à hydrogène

Mais l'autre projet-phare du port en matière de transition écologique et énergétique, c'est la future barge à hydrogène, porté par l'entreprise toulousaine Nexeya (conception et le développement d'équipements électroniques pour les secteurs de l'aéronautique, de la défense, de l'énergie, du ferroviaire et du spatial) et qui viendra compléter le dispositif de branchement à quai.

« C'est une solution mobile qui produira de l'électricité à partir d'hydrogène vert en provenance de Port-la-Nouvelle. On se lancera en 2023 ou 2024, mais le coût d'investissement est important, d'environ 10 millions d'euros. La rentabilité est donc plus complexe à trouver. »

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 15/12/2020 à 10:11
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Les émissions de gaz brûlés par les paquebots de croisières sont insupportables pour la ville. Or, toute cette ingéniérie n'est acceptable que dans l'hypothèse où les paquebots seront équipés de moteurs "propres". Et je ne parle même pas des ferries ...

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