Port-la-Nouvelle : la contestation en 7 points autour de la SEMOP

Alors que la commission permanente d’Occitanie a approuvé, le 11 décembre dernier, la constitution d’une SEMOP pour assurer l’exploitation et la gestion du port de Port-la-Nouvelle, des fronts politiques, citoyens et associatifs montent au créneau. Ils ont décidé de saisir la justice contre un projet qu’ils jugent « insensé ». La contestation en sept points.
Fin 2020, la Région Occitanie a approuvé la constitution de la Société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) regroupant notamment des entreprises (majoritaires) afin d’assurer l’aménagement, l’exploitation, la gestion et le développement du port de commerce de Port-La Nouvelle.
Fin 2020, la Région Occitanie a approuvé la constitution de la Société d’économie mixte à opération unique (SEMOP) regroupant notamment des entreprises (majoritaires) afin d’assurer l’aménagement, l’exploitation, la gestion et le développement du port de commerce de Port-La Nouvelle. (Crédits : DR)

Propriétaire du port de Port-la-Nouvelle depuis 2007, la région Occitanie a voulu se doter d'un outil pour piloter l'opération et l'exploitation du port de commerce, en vue de structurer une filière industrielle de l'éolien en mer flottant et de l'hydrogène vert. Le 11 décembre dernier, la création d'une Société d'Economie Mixte à Opération Unique (SEMOP) a été approuvée par la commission permanente du Conseil régional d'Occitanie (les élus de la France insoumise et EELV ont voté contre).

Outre la Région Occitanie (34%), la SEMOP regroupera la Banque des Territoires (15%) et le groupement d'entreprises Nou Vela (51%), regroupant des entreprises du secteur des énergies renouvelables et des activités portuaires : les Belges DEME Concessions (construction) et Euroports Group BV (infrastructures portuaires), le Montpelliérain Qair (énergies marines), le fonds belgo-néerlandais EPICo (notamment dans les infrastructures et les énergies renouvelables) et la Chambre de commerce et d'industrie de l'Aude. 


Plusieurs particuliers, élus et associations ont décidé d'agir en justice contre ce qu'ils considèrent comme une privatisation du port. Ils ont confié à Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris, et Laurie Castanet, avocate au barreau de Toulouse, le soin de porter ce recours. Le courrier de recours gracieux a été adressé ce jeudi 4 février 2021 à la présidente de la Région, Carole Delga, qui a deux mois pour apporter une réponse. En cas de refus implicite ou de non-réponse, les fronts politiques, associatifs et citoyens pourront engager un recours contentieux en saisissant le Tribunal administratif.

1 - « Un vice de procédure bafouant les principes démocratiques »

« Le plan stratégique qui a été voté n'a pas été présenté à l'oral en séance, regrette Myriam Martin, conseillère régionale LFI (La France Insoumise). Il est passé directement en commission permanente alors qu'il aurait dû faire l'objet d'un débat d'assemblée plénière. Cela aurait ouvert la possibilité d'un débat contradictoire avec des amendements. Malgré nos demandes formulées très précises, aucune réponse ne nous a été apportée. »

2 - « Montage de la Semop : un Frankenstein juridique »

« Déléguer la gestion d'un port à une SEMOP est une première en France !, s'étonne Guilhem Seryes, conseiller régional LFI. La participation de la Région au capital de la SEMOP se situe au minimum légal, c'est à dire à 34%, alors que l'opérateur privé retenu dispose de 51% des parts, soit la majorité absolue des voix au conseil d'administration. De fait, les coûts soumis aux aléas - non maitrisables - seront portés par la collectivité. Encore une fois, on privatise les bénéfices et on socialise les pertes. La Région va garantir à hauteur de 350 millions d'euros (montant de la première tranche, NDLR) l'ensemble des emprunts que pourrait souscrire la SEMOP. Cela expose la Région à un risque financier colossal. Une autre forme de répartition du capital aurait pu être imaginée. Mais là, la Région ne peut rompre le contrat qu'en cas de fautes graves. C'est un Frankenstein juridique dans lequel elle s'est engagée. »

3 - « Absence d'étude d'impact »

« Déjà en 1978, un projet d'extension du port avait été mené pour l'importation de pétrole, rappelle Albert Cormary, membre du collectif des riverains. Dans ce nouveau projet, les objectifs du port qui ont été validés par la commission permanente reposent sur une vision totalement débridée du développement économique et des échanges internationaux qui ne sont à aucun moment évalués à l'aune d'une étude d'impact écologique. Des centaines d'hectares de fonds marins ont déjà été détruits et les risques d'impacts environnementaux sont majeurs avec la réserve naturelle Sainte-Lucie et les étangs de Bages-Sigean. D'autres aspects environnementaux se posent, notamment sur le chantier, où il est prévu d'extraire 4 millions de tonnes de rochers et le coulage de 700.000 tonnes de béton. La Région parle de transition écologique avec éoliennes et hydrogène, mais quel sera l'impact d'un tel chantier sur l'environnement ? »

4 - « Un hub d'import des céréales en provenance des USA »

« L'Occitanie cultivait 220.000 ha de céréales jusqu'en 2015, elle n'en cultive plus que 80.000 ha aujourd'hui, du fait notamment de la diminution des aides et d'un marché international très concurrencé lié aux accords de libre échange. Ce projet prévoit de tripler les exportations de céréales, essentiellement du blé dur : on va donc importer des USA et du Canada 200.000 à 400.000 tonnes de céréales !, s'insurge Pascal Pavie, de la Confédération paysanne. Cet argent aurait pu servir à des installations ou des relocalisations agricoles. Comble de l'ironie, on va se retrouver avec un hub d'import qui va menacer la production locale. »

5 - « Engrais chimique et éthanol à tout va »

« Le projet prévoit la création d'un hangar de 1 ha de superficie, dédié à l'importation d'engrais manufacturés dont on ne connaît pas vraiment la nature. On se doute qu'il y aura des nitrates d'ammonium, des engrais chimiques, donc. On passe sur un nouveau site Seveso à Port-la-Nouvelle qui en avait déjà cinq. C'est cela, changer de modèle agricole ? questionne Pascal Pavie. Et on vient d'apprendre que le port va devenir un port d'importation d'éthanol. Les importations sont actuellement de l'ordre de 6.000 à 12.000 tonnes, mais là, il est prévu de passer en 2030 à 660.000 tonnes, importés naturellement du Brésil ou de l'Amérique Latine, induisant encore une fois une exploitation intensive des sols au détriment des forêts, contraire aux injections des Accords de Paris et à celles mêmes exprimées par la Région... »

6 - « Un risque industriel accru »

« Sans étude de danger préalable, la construction d'un hangar comprenant des installations dangereuses est une aberration du point de vue de la sécurité, avance Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris. Je suis surpris qu'aucune leçon n'ait été tirée des cas précédents. En plus, il est prévu de mettre à proximité une bombe à hydrogène. Lorsqu'on regarde la carte, la ville jouxte clairement ce site industriel... ».

« AZF 2001 et Beyrouth 2021 ne leur ont pas servi de leçon : pour une poignée d'euros, ils n'hésitent pas à mettre la vie des riverains en danger », s'inquiète Laurence Carretero, membre du collectif des riverains.

7 - « La Région fait du greenwahing, c'est un projet du monde d'avant »

« L'absurdité de ce projet SEMOP nous explose à la figure, exprime Justine Torrecilla, EELV. A tous les points de vue, c'est un projet négatif pour l'environnement et une gabegie économique. C'est en fait un projet du monde d'avant. Il est encore temps d'agir, il existe des projets porteurs d'espoir et d'avenir. La Région doit mettre en cohérence ses paroles et ses actes en renonçant à ce projet. »

« Ce projet ne correspond en rien à une croissance verte ou une décroissance sereine, regrette un membre du mouvement Extinction Rebellion. C'est le projet de l'économie productiviste, libérale, bardée de vert. La Région fait du greenwashing. »

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Commentaires 6
à écrit le 06/02/2021 à 14:24
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Bon, au moins les choses sont claires : LFI et EELV sont idéologiquement opposés à la réindustrialisation de la France; ils se prononcent donc en faveur du chômage de masse, de la hausse des petits jobs peu qualifiés et de la pauvreté. A un peu plus ...

à écrit le 06/02/2021 à 12:02
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Carole Delga n'a malheureusement aucune réelle conscience écologique et est restée bloquée dans un modèle de développement économique datant des années 80-90. L'environnement constitue pour elle une simple opportunité politique. Que ce soit en terme ...

à écrit le 05/02/2021 à 19:30
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Une fois de plus, on constate à quel pt LFI et EELV st néfastes au développement industriel, d'autant plus que ce dernier vise à booster les investissements d'avenir liés à la transition énergétique ( une filière ENR d'eolien offshore couplée à la pr...

le 06/02/2021 à 13:13
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il suffit de publier le nombre 'd'emploi sacrifier par l'ideologie ecolos depuis les annees 80 . pour comprendre qu'il ne sont pas ecolos mais bien des egoistes qui se moque des personnes qui perde leur emplois car eux en majorite sont fonctionna...

le 08/02/2021 à 12:18
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Réagir sur ce dossier quand on ne connait que les éléments de langage fournis par les services de la région Occitanie ne permet certainement pas d'en comprendre tous les tenants et aboutissants ! Un investissement pharaonique (actuellement de l'ordre...

à écrit le 05/02/2021 à 18:34
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Ce qui est surprenant, c'est : 1) il était possible de dissocier l'extension des digues et emprises du port du projet d'éoliennes en mer, 2) le port de Sète tourne à 30% de ses capacités, et les travaux sur Port la Nouvelle une fois achevés ne perm...

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