Travaux publics en Occitanie : difficultés et espoirs des professionnels en 7 points

L’équation est complexe : continuer d’équiper le pays et les collectivités en infrastructures majeures, tout en réduisant l’empreinte écologiques de ces infrastructures. Alors que la reprise s’amorce et que les caisses des collectivités sont bien garnies, les professionnels des travaux publics cherchent le juste équilibre. La FRTP d’Occitanie tenait ses Assises 2021 le 24 novembre à La Grande Motte, sous le regard d’un invité spécial, Jean-Louis Etienne.
Cécile Chaigneau
Les professionnels des travaux publics dénoncent des délais de plus en plus longs entre les décisions d'investissements publics et le lancement des chantiers.

« Infrastructures, territoires et transition écologique : investir pour transformer ». Telle était la thématique choisie par la FRTP Occitanie pour ses Assises 2021 qui se tenaient le 24 novembre à La Grande Motte. Les échanges ont permis de faire émerger les difficultés et inquiétudes de la profession, mais aussi des points d'espérance.

La guest-star de la soirée était Jean-Louis Etienne (qui est originaire du Tarn). A l'issue des débats, le médecin et explorateur français, qui était venu raconter son parcours, s'est montré (étonnamment) optimiste : « Ce que je retiens de ce soir, c'est que le processus de la solution est enclenché, tout le monde est à l'œuvre dans le domaine des travaux publics pour lequel ce n'est pourtant pas évident »...

  • Le temps (trop) long de la commande publique

« La reprise est là mais on n'est pas encore au niveau d'avant Covid, et on ne devrait pas l'atteindre avant fin 2022, observe Olivier Giorgiucci, le président de la FRTP Occitanie. Aujourd'hui, la principale préoccupation des chefs d'entreprise, c'est le délai invraisemblable entre les décisions d'investissements publics et le lancement des chantiers, un temps qui est de plus en plus long. Ce qui fait que les professionnels ont du mal à avoir de la visibilité. Pour y remédier, la fédération propose aux collectivités de signer des pactes d'engagement sur l'adaptation de leurs infrastructure et réseaux afin de réduire les gaz à effet de serre. En contrepartie, les entreprises s'engagent à mettre en œuvre des solutions techniques et des matériaux pour atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serres. La Métropole de Montpellier et le Conseil départemental de l'Hérault ont déjà signé. »
  • « Il y a de l'argent »

« Ce qui est positif, c'est qu'il y a de l'argent pour investir, ajoute Olivier Giorgiucci. Les collectivités sont dans une situation financière de très bon niveau, et elles ont des projets. Les entreprises ont du travail et surtout un espoir raisonnable pour l'avenir. »

  • Du mal à recruter

« Un des obstacles que rencontrent aussi les entreprises aujourd'hui, c'est le recrutement, souligne le président de la FRTP Occitanie. Alors que la reprise s'annonce, le secteur des travaux publics a des difficultés à recruter et à fidéliser du personnel. Il faut changer notre communication pour attirer de nouveaux talents et renforcer nos formations. Notre atout principal, c'est l'ascenseur social qui existe réellement. Nous n'avons pas peur d'inventer de nouveaux dispositifs pour aller recruter. Ainsi, nous avons mené deux opérations exemplaires de recrutements de réfugiés dans le cadre du dispositif HOPE (Hébergement Orientation Parcours vers l'Emploi, mis en place au bénéfice des réfugiés, NDLR). »

  • Hausse des prix des matériaux

« La hausse des prix de certains matériaux constitue une autre vraie difficulté pour les professionnels, poursuit Olivier Giorgiucci. Les augmentations de prix sont considérables et nos entreprises ne peuvent pas les absorber, il leur est impossible de les répercuter, notamment sur les marchés privés. »

  • « L'infrastructure qui détruit la nature »

Les professionnels des travaux publics, « acteurs pour la planète », comme la FRTP l'a inscrit en baseline de son invitation ? De là à les reconnaître comme militants écologistes, il y a encore du chemin, même si le changement est en cours, selon Olivier Giorgiucci : « Il y a consensus sur l'urgence climatique. La profession est en première ligne pour répondre à cette urgence. Il faut innover dans la façon de réaliser les travaux. Le changement de culture est présent, y compris au niveau de la base. Mais on est encore loin de modifier, dans l'esprit du grand public, l'image de la grande infrastructure qui détruit la nature ! ».

« La prise de conscience est réelle et il y a accélération, affirme de son côté Bruno Cavagné, le président de la Fédération Nationale des Travaux Publics. On s'est demandé comment prendre notre place, quelle est notre empreinte carbone... Sur la partie construction, c'est 3,5% de l'empreinte carbone du pays, ce qui est déjà beaucoup. Mais l'usage des infrastructures représente 50% des émissions de CO2 de la France. »

  • Un label vertueux

« Nous demandons à nos partenaires de s'engager car on ne peut plus communiquer sur le développement durable, annoncer des écoquartiers, des pistes vélo, etc., et ne pas utiliser de matériaux recyclés car c'est trop compliqué, pointe Olivier Giorgiucci. Avec l'Ademe, la Région Occitanie, l'Unicem, Syntec et Cinov, nous venons de créer le label GECO (pour Granulats économie circulaire d'Occitanie, NDLR) qui doit pousser à prescrire en priorité des matériaux recyclés. Il existe des solutions qui vont jusqu'à constituer des puits de carbone. Quel bel avenir pour nous ! »

  • Des projets concrets

Dans l'Aude, le syndicat mixte des milieux aquatiques et des rivières (SMMAR), créé après les catastrophes de novembre 1999 dans l'Aude, gère la politique d'entretien des cours d'eau et de gestion des milieux aquatiques. « Ces travaux sont financés par la taxe GEMAPI, qui rapporte 5 millions d'euros, avec quoi le SMAR investit 30 millions d'euros par an, indique François Demangeot, son vice-président. Les investissements prévus par le PAPI 3 (Programmes d'Actions de Prévention des Inondations des bassins versants de l'Aude, de la Berre et du Rieu, NDLR) sont de 75 millions d'euros, après 150 millions d'euros déjà investis ces dernières années sur ces programmes. »

« Les investissements responsables coûtent cher, souligne Christophe Rivenq, président d'Alès Agglomération. Pour l'eau et assainissement, nous avons été obligés de réaliser un état des lieux et de mettre en œuvre un plan de mise aux normes européennes. Nous avons décidé plus de 200 millions d'euros d'investissement sur les dix prochaines années pour protéger la ressource, travailler sur les fuites, sur la qualité des rejets. Et pour le financer, nous avons décidé d'augmenter chaque année le prix de l'eau et de l'assainissement de 3,5%... Nous avons lancé un grand plan d'investissement sur l'éclairage, subventionné, avec le remplacement de 5.000 points lumineux... Le dossier du contournement ouest de Nîmes est bloqué depuis plus de 40 ans : ce sont 270 millions d'euros de travaux prévus qui devraient être terminés en 2030. Ce dossier devrait être inscrit au prochain plan autoroutier qui va être annoncé dans quelques jours. »

« La Métropole de Montpellier vient d'adopter sa programmation pluriannuelle d'investissement (PPI, ndlr), à hauteur de 2,5 milliards d'euros, c'est le double du précédent mandat, se félicite Olivier Nys, DGS de Montpellier Méditerranée Métropole. Cela incarne la volonté politique de renverser la table des mobilités puisque 1,5 milliard d'euros seront mis sur les infrastructures de mobilités comme la 5e ligne de tramway, les modes doux, les voiries. La semaine prochaine, nous délibérerons la PPI de la Ville de Montpellier, à hauteur de 1 milliard d'euros. Ce sont des efforts pour la relance du territoire mais aussi pour rattraper le retard d'un territoire qui a trop vite grandi, avec des infrastructures qui n'ont pas suivi la croissance démographique.  Dans les deux PPI Ville et Métropole, 1/3 est dédié à l'entretien et à la rénovation du patrimoine. »

Quant au dossier du Contournement ouest de Montpellier (COM), vieux de 30 ans, il est en attente de la validation du Conseil d'État sur le financement de ces 6,2 km, que le gouvernement veut faire porter par les sociétés autoroutières « dans le cadre des concessions existantes et sans péage », a promis le Premier ministre Jean Castex lors de sa visite à Montpellier le 5 novembre dernier. « Connecter l'A750 à l'A9 est une énorme avancée, c'est la 1e perspective d'une rocade montpelliéraine », souligne Olivier Nys.

Cécile Chaigneau

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