Les travaux publics s’inquiètent de l’ombre inflationniste (même si les collectivités se veulent rassurantes)

Le mouvement inflationniste qui affecte la France et notamment le poids grandissant du coût de l’énergie pour les collectivités territoriales vont-ils obérer les capacités d’investissement dans les infrastructures ? C’est la question qui inquiète les professionnels des travaux publics. La fédération régionale d’Occitanie rassemblait ses adhérents le 11 octobre à La Grande Motte, pour les Assises des travaux publics, en présence du président national, Bruno Cavagné.
Cécile Chaigneau
Julie Frêche (Montpellier Métropole), Marie-Thérèse Mercier (Région Occitanie), Claude de Girardi (Nîmes Métropole Agglomération) et Bruno Cavagné (président de la FNTP) lors des Assises des travaux publics organisés par la FRTP Occitanie le 11 octobre à La Grande Motte.
Julie Frêche (Montpellier Métropole), Marie-Thérèse Mercier (Région Occitanie), Claude de Girardi (Nîmes Métropole Agglomération) et Bruno Cavagné (président de la FNTP) lors des Assises des travaux publics organisés par la FRTP Occitanie le 11 octobre à La Grande Motte. (Crédits : FRTP Occitanie)

Selon le président nationale de la fédération des travaux publics, Bruno Cavagné, « le climat des affaires est compliqué, en raison principalement de l'augmentation du coût des matériaux et des matières premières ». Lors des Assises des travaux publics organisés par la FRTP Occitanie le 11 octobre à La Grande Motte (Hérault), le dirigeant invite à la prudence, tout comme Olivier Giorgiucci, le président régional Occitanie.

« Crise sanitaire, guerre en Ukraine, crise de l'énergie... Nous n'avons pas été épargnés ces dernières années, constate ce dernier. Mais je veux voir le verre à moitié plein : le secteur des travaux publics va à peu près bien et nous allons nous adapter ! Mais nous avons deux préoccupations principales : le manque de main d'œuvre, ce qui limite nos activités, et la hausse des coûts des matériaux, matières premières et énergie. Des hausses de 20 à 30% qui menacent l'équilibre économique de nos entreprises. Récemment le Conseil d'état a confirmé qu'il était possible de modifier les prix de marchés publics pour s'adapter : je demande aux élus d'être réactifs à ces adaptations de marchés... »

Olivier Giorgiucci assure toutefois que les perspectives sont bonnes : « La transition écologique nous offre de magnifiques opportunités en matière de décarbonation des mobilités et des énergies. Mais il faut mettre les budgets en face ! Or les élus sont inquiets pour leur budget 2023. Comme on dit, il ne faut pas sacrifier la fin du monde à la fin du mois... ».

« Si on sort des postures politiques »

Car c'est bien là le point de vigilance des professionnels du secteur : le mouvement inflationniste qui affecte la France, et notamment le poids de l'énergie dans les dépenses des collectivités territoriales vont-ils obérer leurs capacités d'investissement ?

« Si on sort des postures politiques sur les dotations globales et que les collectivités font un effort en 2023, on peut y arriver, affirme Bruno Cavagné. Sinon, ce serait dramatique pour nous. »

Les collectivités locales invitées aux Assises ont voulu se montrer rassurantes. A l'instar de Marie-Thérèse Mercier, conseillère régionale, qui cite notamment le projet de hub éolien flottant à Port-la-Nouvelle avec aujourd'hui deux fermes-pilotes et demain une ferme commerciale, indiquant qu'« à Saint-Nazaire, cela représente 2 milliards d'euros d'investissement ».

« Les collectivités doivent faire des économies sur les budgets de fonctionnement mais la Région continue d'investir sur les grands projets structurants de manière massive, avec 4 milliards d'euros sur le mandat qui auront un effet levier, précise-t-elle. Sur le rail, 800 millions d'euros sont fléchés sur les lignes à grande vitesse et les lignes du train de proximité. Et la Région accompagne les entreprises dans la décarbonation avec le fonds FITEEO (porté par l'Arec et Ad'Occ, NDLR) doté de 100 millions d'euros. »

« Nous maintenons le cap mais... »

A la Métropole de Montpellier, Julie Frêche, vice-présidente en charge des mobilités rappelle les 1,5 milliards d'euros d'investissements engagés sur les mobilités et les nombreux chantiers engagés et visibles sur le territoire.

« Nous tiendrons nos engagements malgré les difficultés actuelles, car il en va de l'activité pour des entreprises et la Métropole a pris bien trop de retard sur les mobilités, déclare-t-elle. Nous allions vers l'embolie automobile car la métropole n'est pas configurée pour accueillir une telle croissance démographique. D'où notre volonté d'offrir des alternatives pour se déplacer en transports en commun. Nous maintenons le cap (extension de la ligne 1 du tramway et construction de la ligne 5, contournement Montpellier Ouest, mais aussi mix énergétique, rénovation de la station dépuration Maera, etc. - NDLR) mais nous alertons le gouvernement sur la dotation globale financière aux collectivités territoriales qui n'est pas indexée sur l'inflation. Et nous défendons aussi un bouclier tarifaire pour amortir l'impact du coût de l'énergie, soit 17 millions d'euros pour la Ville et la Métropole. »

Sur l'agglomération de Nîmes, Claude de Girardi, déléguée au transport routier de voyageurs urbain et périurbain et déléguée à la gestion des milieux aquatiques & prévention des inondations, rappelle que le PAPI 3 (programmes d'actions de prévention des inondations), scellé fin 2021, représentera 113,5 millions d'euros d'investissements sur un périmètre couvrant 49 communes (300.000 habitants). Mais elle fait observer que « le recalibrage du cadereau d'Uzès a entraîné une réévaluation des montants de 40 à 50 millions d'euros, ce qui pose problème », et  évoque des décalages de travaux d'infrastructures possibles.

Des scénarios de décarbonation

Au-delà des sujets de volumes d'activité, le secteur pose aussi la question de sa décarbonation, avec diverses trajectoires possibles.

« L'impact des travaux publics, c'est 3% de l'empreinte carbone du pays, et l'utilisation des infrastructures, c'est 50%, rappelle Bruno Cavagné. A partir de là, on a fait plusieurs scénarios pour atteindre la neutralité carbone : un à 15 milliards d'euros d'investissement de plus par an, et un autre à 30 milliards d'euros. Mais comment les finance-t-on ? Il faudrait probablement des fonds régionaux car quand les projets sont portés par les élus locaux, ils vont vite, et quand ils sont portés par l'Etat, c'est compliqué... On a des propositions, et je vois la Première ministre dans quinze jours pour lui présenter... Comment amène-t-on 8.000 entreprises dans cette démarche bas carbone ? A partir de janvier, nous allons lancer des formations pour les dirigeants et les salariés, et ça continuera pendant quatre ans. »

Cécile Chaigneau

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