Port de Sète : « La construction d'une nouvelle gare maritime est abandonnée et nous travaillons sur un projet revisité »

INTERVIEW – Après la publication du premier rapport de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie sur l’établissement public régional du Port de Sète Sud de France (propriété de la Région Occitanie), le directeur général du port, Olivier Carmes revient sur quelques sujets d’actualité de l’infrastructure portuaire, gros levier économique en région. Notamment sur l'abandon de la construction d'une nouvelle gare maritime.
Cécile Chaigneau
Olivier Carmes, directeur général du port de Sète (capture d'écran).
Olivier Carmes, directeur général du port de Sète (capture d'écran). (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - La Chambre régionale des comptes (CRC) vient de publier son premier rapport sur l'établissement public régional (EPR) du Port de Sète Sud de France. Quelle observation globale pouvez-vous faire ?

Olivier CARMES, directeur général du port de Sète - C'était un gros travail... Ce qui nous a rassuré, c'est que la CRC n'a relevé aucune anomalie sur les finances de l'établissement. Elle a souligné l'évolution du chiffre d'affaires, de la valeur ajoutée, du résultat, de la capacité d'autofinancement. Ce qui avait été une critique au tout début du contrôle, à savoir une trésorerie importante au regard des besoins du port, s'est avéré un atout pour traverser la crise sanitaire... Nous avons commencé à travailler sur les actions correctives, notamment la mise à jour du projet stratégique 2021-2025 car on partait d'une année 2020 difficile, qui avait enregistré une baisse de - 9% du chiffre d'affaires global, après six années de résultats records. La CRC nous a aussi demandé de mesurer l'impact socio-économique du port sur la période 2015-2020, ce qui a permis de montrer que l'établissement avait créé 200 emplois directs entre 2015 et 2019.

La CRC pointe toutefois le déficit enregistré par l'activité de pêche...

C'est un problème structurel... Nous avons ce déficit depuis un certain nombre d'années déjà. Pourtant, malgré la disparition du poisson bleu, nous avions réussi à développer de l'activité grâce au dynamisme des acteurs. Pour notre défense, nous soulignons que cette activité pêche ne doit pas se regarder uniquement en termes de rentabilité mais aussi d'impact socio-économiques. Sur près de 1.700 emplois directs sur le port de Sète, il y en a quasiment autant sur la pêche que sur le commerce. Ce qui a été critiqué, c'est le niveau d'investissement : je réponds que nous aurons fini les gros investissements d'ici la fin de l'année, et qu'ils étaient indispensables, notamment pour la mise à niveau de l'aire de carénage et de son système de traitement des eaux, pour la reconstruction du pôle de ravitaillement en carburant et pour la remise à niveau de la criée... Nous sommes toutefois inquiets sur la sortie de flotte : en raison de la réduction du nombre de jours de pêche, qui passe de 220 à 173, il va y avoir une division par deux du nombre de chalutiers. Sur les seize, huit vont aller à la casse ! Ce qui va entraîner une réduction d'apport en criée, une baisse de chiffre d'affaires et une baisse d'attractivité pour tous nos acheteurs. Heureusement, nous avons depuis longtemps instauré une polyvalence de nos activités, avec de la pêche mais aussi l'aire de carénage, la zone halieutique de Frontignan où il y a encore des parcelles disponibles à la location. Et les chalutiers restant vont récupérer des jours de pêche, ce qui générera une diminution de - 25% et non - 50%. On va se battre.

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Comment le port de Sète est-il affecté par la flambée des cours de l'électricité ?

Le prix du mégawatt va être multiplié par trois, ce qui représente un surplus de 1 million d'euros ! Donc les conséquences vont être lourdes. Heureusement, nos clients et partenaires acceptent les augmentations des tarifs, qui seront d'environ 6% sur nos différentes prestations de carénage ou de service comme le déchargement de marchandises, la fourniture d'éclairage. Et nous n'avons droit à aucune aide... Heureusement que notre établissement a retrouvé sa croissance, notamment dans le commerce : elle devrait être de + 8% en 2022 et de + 9% en 2023. Sans la croissance, je ne sais pas comment on s'en sortirait.

Le projet de construction d'une nouvelle gare maritime pour l'activité ferry est abandonné. Pourquoi et quel avenir pour la gare actuelle, vieillissante ?

Carole Delga a demandé au nouveau président de l'EPR, Phlippe Malagola, de définir les investissements prioritaires en matière d'infrastructures. Ce qui inclut notamment la gare maritime et la construction d'un nouveau quai sur le port, le quai H étant déjà saturé. Carole Delga a d'ailleurs déjà lancé des études sur ce nouveau quai. Concernant la gare maritime, le projet dans sa configuration initiale n'est en effet pas confirmé. La présidente de Région a demandé de le revoir pour l'adapter aux usages car la première étude remonte à quinze ans et aujourd'hui, par exemple, on a moins de besoin d'espaces pour l'achat des billets sur place, ou encore les aéroports régionaux proposent des solutions régulières à coûts intéressants. Sur le ferry, nous avons dépassé notre seuil : l'année 2021 a été saturée avec 230.000 passagers, alors que globalement, on tourne autour de 160.000 passagers. Or la future gare était configurée pour 300.000 passagers, donc il faut la redimensionner. Une réflexion est en cours : faut-il la moderniser, en reconstruire une autre ? Ce qui est sûr, c'est qu'il faut modifier les accès car ils posent problème, notamment en période estivale. Par ailleurs, financièrement, la présidente a fait remarquer que le budget initial de la future gare avait complètement dérapé et a indiqué que le risque financier était trop important. Nous travaillons donc sur un projet révisé à présenter au nouveau président.

Solliciter des opérateurs privés est-il une option ?

Pourquoi pas. Cela dépendra du projet et du montant de l'investissement. Si on modernise, l'investissement peut rester raisonnable. Si on fait appel à un opérateur privé, cela signifie qu'il gérera aussi la gare. Nous allons lancer une étude sur les différentes modalités de gestion possibles et nous allons aller voir quelques gares maritimes comme Toulon, Gène ou Marseille pour alimenter notre réflexion.

Cécile Chaigneau

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