Contournement ouest de Montpellier : pourquoi le Conseil d’Etat retoque les modalités de financement par Vinci Autoroutes

Le projet d’infrastructure du Contournement ouest de Montpellier va-t-il être fragilisé par une décision que vient de rendre le Conseil d’Etat sur son financement ? La disposition tarifaire qui devait permettre de faire financer entièrement par Vinci Autoroutes cette opération à 277 millions d’euros via un adossement à la concession détenue par les Autoroutes du Sud de la France (ASF), est annulée. Pas question de faire porter la charge de cet investissement par une hausse de tous les péages du réseau ASF, aussi minime soit-elle. Décryptage.
Cécile Chaigneau
(Crédits : Regis Duvignau)

(Mis à jour le 31 janvier 2023 à 12h00)

« Ce projet inutile et écocide de 330 millions d'euros (officiellement 270 millions d'euros, NDLRdevait être entièrement financé par ASF, la société autoroutière filiale de Vinci, selon la procédure de "l'adossement", le COM devant rester "gratuit" pour les usagers, écrit dans un mail, le 30 janvier, Alenka Doulain, conseillère de Montpellier Méditerranée Métropole et présidente du groupe d'opposition Montpellier Union Populaire Écologique et Sociale (MUPES). Vinci prévoyait de rentrer dans ses frais en augmentant les tarifs de l'ensemble des péages du réseau ASF, C'est cette manœuvre illégale qui a été annulée par le Conseil d'Etat. »

Le COM, c'est le Contournement ouest de Montpellier, une 2x2 voies longue de 6,2 kilomètres qui reste à construire et qui a vocation à désengorger la capitale languedocienne, dépourvue de périphérique, en reliant les autoroutes A750 et A709. Le dossier est enlisé depuis le milieu des années 1990 et a connu une avancée majeure il y a un an, quand le Conseil d'État a validé, par un décret du 28 janvier 2022, la volonté du gouvernement de faire réaliser ce tronçon dans le cadre d'un "adossement" à la concession détenue par les Autoroutes du Sud de la France (ASF), financé à 100% par Vinci Autoroutes. Le Conseil d'Etat impliquait également la gratuité pour les usagers.

Le projet nécessitera un investissement d'environ 270 millions d'euros (une enveloppe initiale qui pourrait bouger en fonction de l'évolution des prix des matériaux et de l'énergie). Une opération que Vinci prévoyait de financer « par une majoration annuelle des tarifs de péage, applicable aux véhicules de la classe I, de 0,264% pour les exercices 2023 à 2026 sur l'ensemble du réseau concédé à ASF », rappelle la décision du Conseil d'Etat.

Vinci Autoroutes avait en effet précisé qu'« il n'y aura pas d'augmentation forte des péages », évoquant une augmentation qui ne serait « pas très perceptible pour l'automobiliste ».

« Une hausse tarifaire litigieuse »

La décision du Conseil d'Etat est tombée le 27 janvier 2023, sur la base d'une requête portée par l'avocat parisien Jean-Sébastien Boda.

« Contrairement à ce que soutiennent le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et la société ASF, la circonstance que l'augmentation du tarif soit limitée à 0,264 % n'est pas de nature à dénier à M. Boda, qui justifie de sa qualité d'usager du réseau autoroutier concédé à la société ASF, un intérêt direct et certain lui permettant de demander l'annulation pour excès de pouvoir de cette disposition. Les fins de non-recevoir opposées en défense ne peuvent, par suite, qu'être écartées », écrit le Conseil d'Etat dans sa décision.

Il reproche ainsi la disposition tarifaire permettant à Vinci Autoroutes de « mettre, par la hausse tarifaire litigieuse, à la charge de l'ensemble des usagers de la totalité des 2.714 km du réseau autoroutier concédé à la société ASF le financement des travaux de réalisation d'un tronçon de 6,2 km destiné au contournement ouest de Montpellier dépourvu de péage ».

Le Conseil d'Etat annule donc cette disposition tarifaire. Et annule également le décret du 28 janvier 2022 approuvant cette disposition.

Retour à la case départ ?

« Obsédés par l'idée d'avoir une rocade à Montpellier, Monsieur Delafosse (maire de Montpellier et président de la Métropole, NDLR) et ses amis du PS 34 se félicitaient pourtant de ce montage financier bancal, malgré les alertes de l'Autorité de Régulation des Transports, malgré les critiques formulées par les collectifs citoyens, malgré l'urgence climatique qui menace notre territoire, écrit encore Alenka Doulain. Désormais si les bétonneurs veulent leur contournement, ils ne pourront plus se cacher derrière l'argent magique de Vinci ! Vont-ils assumer publiquement de préférer les routes à la préservation de nos dernières terres naturelles et agricoles ? Vont-ils nous dire quels services publics seront amputés des 330 millions d'euros nécessaires à ce projet ? (...) Renonçons à ce contournement routier inutile et écocide ! »

Au nom des élus du groupe Choisir l'écologie pour Montpellier, Manu Reynaud, président du groupe, y voit lui aussi l'opportunité de faire autrement : « C'est l'occasion de se reposer la question de l'utilité de ces travaux et de leur nature même. Il n'est pas envisageable de créer une autoroute au milieu d une zone à faible émission. Retour à la case départ : le projet n'est donc plus financé, il n'existe plus à ce jour ».

« Définir les nouvelles modalités de prise en charge »

Contacté par la rédaction, Salvador Nuñez, directeur opérationnel chez Vinci Autoroutes en charge du COM, se veut serein.

« Le Conseil d'Etat a rendu le 27 janvier une décision relative à l'avenant intégrant à la concession d'ASF la réalisation du COM en contrepartie d'une hausse tarifaire additionnelle, comme c'est le cas pour tous les projets, pendant quatre années sur l'ensemble du réseau ASF, déclare-t-il. Le Conseil d'Etat a confirmé, au travers de cette décision, que ASF était bien chargé de la réalisation du COM et qu'il ne serait pas soumis à péage, ce qui, je vous le confirme, n'était pas prévu ni maintenant ni dans le futur. En revanche, il considère que cette infrastructure ne pouvait pas être mise à la charge de tous les usages du réseaux ASF. En conséquence, maintenant que cette décision juridique et technique a été rendue, l'Etat concédant et ASF travaillent à définir les nouvelles modalités de prise en charge de ces travaux, et il en existe beaucoup. Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous dire lesquelles car les discussions se poursuivent. Mais ça ne remet pas du tout le COM en cause. ASF reste chargé de réaliser le COM suivant le calendrier qui a été indiqué. »

Cette décision pourrait-elle mettre un coup d'arrêt à ce modèle de financement ? Salvador Nuñez reste prudent : « Je ne sais pas, on verra ce qui se passe par la suite. Ça peut faire jurisprudence ou pas du tout... ».

"Une énième péripétie"

Lors des vœux de la CCI, Michaël Delafosse, le président (PS) de la Métropole de Montpellier, a déclaré qu'il s'agissait « d'une énième péripétie juridique, qui ne remet pas le projet en cause mais son mode de financement ». Il ajoute que « l'Etat ne se dédira pas de ses engagements, il va trouver une solution avec le concessionnaire ».

Le financement (ou une partie) pourrait-il revenir aux collectivités territoriales ? L'entourage du président de la Métropole répond qu'il n'est pas question de revenir sur l'engagement de la collectivité métropolitaine de ne pas mettre d'argent sur le COM...

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 02/02/2023 à 0:22
Signaler
Ainsi il y a toujours quelque chose à négocier avec les concessionnaires d'autoroutes. Pourquoi avoir accepté l'augmentation massive 2023 en laissant de côté ce sujet. Monsieur Lemaire remplacez vos négociateurs (?) étatiques actuels par de vrais ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.