Comment le nouvel institut MAK’IT veut contribuer à changer le monde depuis Montpellier

Interdisciplinarité scientifique et intelligence collective, diagnostic et action. Telles sont les ambitions fortes affichées par les acteurs de MAK’IT pour contribuer à la réalisation des objectifs du Programme de développement durable à horizon 2030, fixé par les Nations Unies. Ce nouvel institut d’études avancées était lancé le 7 mars à Montpellier, en présence de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal.
Cécile Chaigneau
Lors du lancement de MAK'IT,  Philippe Augé (président de l'Université de Montpellier) et Louise Fresco (présidente de l’université de Wageningen) ont planté l'arbre symbole de l'amitié entre les deux universités, aux côtés de Abdoulaye Yéro Baldé (ministre de la République de Guinée) et de Frédérique Vidal (ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche).
Lors du lancement de MAK'IT, Philippe Augé (président de l'Université de Montpellier) et Louise Fresco (présidente de l’université de Wageningen) ont planté l'arbre symbole de l'amitié entre les deux universités, aux côtés de Abdoulaye Yéro Baldé (ministre de la République de Guinée) et de Frédérique Vidal (ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche). (Crédits : Christine Caville)

Nouveau venu parmi les Instituts d'études avancées (IEA), Montpellier Knowledge Institute on Transitions (MAK'IT) est un des projets phares de l'I-SITE MUSE-Montpellier University of Excellence (19 membres, 5 partenaires privés 550 M€ de dotation initiale, 47 000 étudiants, 6 000 enseignants-chercheurs). Il était lancé le 7 mars, au sein de l'Institut de Botanique de Montpellier.

Espace d'élaboration d'une intelligence collective de l'action pour le développement durable via la mobilisation des communautés scientifiques internationales (sont partenaires les universités de Californie, Wageningen, Barcelone, Heidelgerg, Kyoto, Pretoria, Dakar, Sao Polo, Londres, et l'institut agronomique et vétérinaire de Rabat), MAK'IT a vocation à analyser, accompagner et accélérer les transitions au croisement des domaines de la santé, de l'environnement et du climat, de l'agriculture et de l'alimentation.

Des transitions majeures nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) à l'horizon 2030, adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies le 25 septembre 2015, programme qui fixe 17 ODD interconnectés, répondant aux défis mondiaux, notamment ceux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l'environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice.

L'union fait la force

« Les défis du XXIe siècle sont interdépendants, et face à eux, aucune frontière quelle qu'elle soit ne doit tenir, la réussite ne peut être que collective, a déclaré Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, présente au lancement de MAK'IT. Des liens existent entre l'université de Montpellier et les universités du monde entier. C'est l'union qui fait la force. MUSE est l'espace où les savoirs et les cultures entrent en résonnance, s'entrechoquent, et ces étincelles sont le point de départ de l'innovation. »

Évoquant la future loi de programmation pour la recherche, la ministre assure que « la France a besoin de s'appuyer sur la science pour aborder les transitions contemporaines, alors que la course mondiale à l'intelligence s'intensifie. Il faudra dépasser les clivages entre sciences exactes et sciences sociales, recherche appliquée et recherche fondamentale. Il faudra faire tomber les ultimes tabous maintenant la recherche et le développement dans des mondes séparés ».

Nourrir, soigner, protéger

Véritable laboratoire du changement, Mak'It s'engage à ce que les conclusions de ses travaux soient utiles aux générations futures et stimulent leur engagement en faveur du développement durable.

« MUSE, c'est l'ambition de construire une université ayant une visibilité internationale sur les piliers "nourrir, soigner, protéger", c'est-à-dire la santé, l'agriculture et l'agronomie, l'environnement, la biodiversité et l'écologie, rappelle en préambule Philippe Augé, président de l'Université de Montpellier. L'intention de MAK'IT est de travailler sur des controverses autour des 3 thématiques pour comprendre les raisons des désaccords entre nos communautés, identifier les besoins de formation, alimenter le débat public. »

« Les relations entre Montpellier et la République de Guinée remontent à 1986, dans le contexte du virus Ébola qui sévissait alors, se souvient Abdoulaye Yéro Baldé, ministre l'Enseignement supérieur et de Recherche scientifique en République de Guinée, également présent à Montpellier. Dans cette dynamique, l'unité mixte internationale de recherche a développé des projets de recherche structurants qui ont abouti, notamment, à la création du Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée. Pour renforcer cette collaboration, nous avons aussi reçu une délégation de l'université de Montpelier pour une convention interuniversitaire sur le risque d'émergence d'infections virales en Guinée... J'espère que cette nouvelle plateforme permettra de renforcer nos liens. »

L'approche par la controverse

Dans le cadre de MAK'IT, différentes actions seront mises en œuvre. D'abord l'accueil de chercheurs mondialement reconnus d'horizons géographiques et disciplinaires divers. Mais aussi l'organisation, à Montpellier, d'événements de portée internationale visant à renforcer l'implication des communautés scientifiques dans le débat public.

Deux paramètres ont largement été mis en avant dans la méthode qui sera appliquée par MAK'IT et qui ne sont pas des tendances « naturelles », en France notamment : l'interdisciplinarité et une approche originale par la controverse.

« La particularité de MAK'IT, c'est de centrer le travail sur ce qui peut bloquer les transitions, raison pour laquelle nous regardons les controverses pour comprendre les désaccords, les sujets conflictuels, et ainsi favoriser les intelligences collectives », explique Patrick Caron, directeur international de MUSE, qui insiste sur la nécessité et la richesse des rencontres interdisciplinaires.

MAK'IT pourraitl alors jouer « un rôle de diplomatie scientifique »...

Le message d'alarme du rapport ODD

Jean-Paul Moatti, P-dg de l'IRD, est aussi membre du panel d'experts indépendants en charge de la rédaction du rapport mondial sur le développement durable en 2019.

« Ce sera un rapport scientifique non négociable, annonce-t-il. Il va lancer un message d'alarme, car peu des 169 cibles des 17 ODD ont une chance d'être accomplis en 2030, notamment la mortalité infantile ou la pauvreté. La plupart des autres objectifs sont off track dans le langage onusien, c'est-à-dire qu'on sera loin du compte en 2030. Et même pire, sur beaucoup, on est repartis dans la mauvaise direction ! L'autre message du rapport sera le rôle central de la recherche et de la science pour mieux comprendre les chaînes causales qui relient les phénomènes entre eux. Il faut changer nos pratiques scientifiques : partir des problèmes, répondre de façon pluridisciplinaire et associer les populations dans une démarche scientifique collaborative. »

Un groupe pilote de chercheurs internationaux

Comment MAK'IT pourrait-il donc contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable ?

« La clef, c'est de reconnaître qu'il existe des versions multiples de la vérité scientifique, soutenues par des intérêts différents selon les disciplines, répond David Nabarro, directeur stratégique de 4SD et ex-conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur le Programme de développement durable à l'horizon 2030. Il faudra s'assurer que ces pensées et actions interdisciplinaires ne soient pas confinées à Montpellier, à la France, à l'Europe mais soient globales pour réfléchir et agir comme des citoyens du monde. Le rôle de MAK'IT sera de connecter. »

Un groupe pilote de chercheurs internationaux a été accueilli dès août 2018 par l'université de Montpellier, pour préfigurer la méthode de travail de MAK'IT. Ces cinq chercheurs en agronomie, sciences de l'environnement, géographie et médecine se sont posé la question « À quelle échelle faut-il organiser la circularité des systèmes alimentaires : local ou global ? ». Ils présentaient les résultats de leurs travaux communs le 7 mars, à l'occasion du lancement de MAK'IT.

Une chaire Unesco de la Complexité

C'est aussi le 7 mars qu'a été signé un accord de partenariat entre la Région Occitanie et l'Université de Montpellier : « Depuis 2017, la Région Occitanie a mobilisé près de 34 M€ en faveur des projets portés par les établissements de MUSE », rappelle la collectivité.

Dans la dynamique de MUSE, l'Université de Montpellier accueillera, par ailleurs, la Chaire Unesco de la Complexité, placée sous l'autorité scientifique d'Edgar Morin. La Région Occitanie soutiendra à parité avec l'Université de Montpellier le programme d'actions de cette chaire, à hauteur de 45 000 €.

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.