Dessalement d’eau de mer : les espoirs portés par le projet pré-industriel Waterland

Après avoir breveté en 2019 des membranes biomimétiques destinées au dessalement d’eau de mer, des scientifiques du CNRS de Montpellier sont passés à la vitesse supérieure avec Waterland : une usine pilote de fabrication de membranes à l’échelle préindustrielle. En phase de tests, le projet, très ambitieux, promet déjà des performances inégalées en terme de réduction des coûts énergétiques et pourrait intéresser divers acteurs industriels.
Des scientifiques de l'Institut européen des membranes de Montpellier travaillent depuis dix ans sur une technologie innovante de membranes destinées à la désalinisation de l'eau.
Des scientifiques de l'Institut européen des membranes de Montpellier travaillent depuis dix ans sur une technologie innovante de membranes destinées à la désalinisation de l'eau. (Crédits : DR)

Alors que la France connaît des épisodes de sécheresse inédits et que la raréfaction de l'eau est désormais une réalité bien concrète, le traitement de l'eau de mer offre des perspectives prometteuses. Des scientifiques de l'Institut européen des membranes de Montpellier travaillent depuis dix ans sur une technologie innovante de membranes destinées à la désalinisation de l'eau.

« L'osmose inverse est l'une des techniques les plus utilisées pour le dessalement de l'eau, synthétise Mihail Barboiu, directeur de recherche du CNRS à l'Institut Européen des membranes de l'Université de Montpellier. La plupart des membranes employées actuellement sont constitués de canaux artificiels d'eau insérés dans des couches lipidiques. Mais à grande échelle, leurs performances ne sont pas satisfaisantes. En travaillant sur les canaux ioniques, nous avons découvert une structure assez similaire et avons mis au point une stratégie hybride combinant, au sein d'une même structure, une matrice en polyamide et les canaux d'eau. Nous avons été les premiers au monde à travailler sur cette technologie qui surpasse les membranes classiques du dessalement. »

Une économie d'énergie de 12%

Brevetée en 2019, cette technologie permet un flux 75% supérieur à celui observé avec les membranes industrielles et une réduction d'au moins 12% de l'énergie nécessaire.

D'autres pays comme les USA ou la Chine travaillent sur ce sujet mais pour le moment, le directeur de recherche l'affirme : « la seule membrane avec des canaux artificiels est ici ».

Pour pouvoir développer un procédé de fabrication de ces membranes biomimétiques, Mihail Barboiu, entouré d'une équipe de six personnes,  a lancé en septembre 2021 Waterland, prototype d'usine préindustrielle construit sur le campus de l'école de Chimie. Le projet a fait l'objet d'un investissement de 200.000 euros de la part du CNRS, de l'Institut européen des membranes (IEM) et du groupe industriel français Alcen.

« Les membranes sont d'abord expérimentées à échelle du laboratoire avant d'être testées à plus grande échelle sur le site de Galéra. En cinq mois, nous avons fait une avancée fulgurante et nous optimisons encore le process  », se félicite, Omar Samahi, post-doctorant.

Pour obtenir une membrane sur plusieurs mètres carrés, il a fallu passer en configuration multicanale avec densité maximale pour absorber les pressions. Un gros travail a été mené sur la porosité afin d'obtenir une membrane plus perméable.

Aujourd'hui, Waterland en est à son cinquième prototype, cette dernière version intégrant une colonne de chauffage pour évacuer l'humidité. Coût global des opérations : 80.000 euros.

« Nous arrivons aujourd'hui à produire des membranes sur des longueurs satisfaisantes », indique Patrice Montels, chef d'atelier et ingénieur à l'IEM.

Prochain objectif : mettre les membranes dans des cartouches.

En quête d'investisseurs

Pour avancer plus vite, Mihail Barboiu réfléchit à un partenariat avec des acteurs industriels, comme Veolia, pour tester, pendant un an ou deux,  une vingtaine de cartouches en conditions réelles.

« Cela nous permettra d'apporter des modifications ou améliorations.  Puis il nous faudra trouver un investisseur pour l'achat de machines industrielles, avec un investissement estimé entre 1 et 2 millions d'euros ».

Si le directeur de recherche du CNRS a déjà des pistes quant aux investisseurs, il n'exclut pas la création d'une société ou l'option d'un programme européen.

A condition bien sûr que les industriels montrent leur intérêt dans cette technologie. Il existe aujourd'hui dans le monde environ 17.000 usines de dessalement, mais très peu en France (à peine une vingtaine).

Loin d'être la panacée, la désalinisation s'avère généralement coûteuse et énergivore. Trois fois plus perméable, la technologie mise au point par les scientifiques du CNRS pourrait révolutionner le secteur et, pourquoi pas, essaimer dans le milieu médical pour la fabrication de vaccins à partir d'eau ultra-pure, ou dans la microélectronique.

Reste qu'entre les parties scientifiques, techniques et économiques, il y a trois mondes... souvent bien distincts.

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Commentaires 7
à écrit le 21/09/2022 à 10:46
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Coquille : "La plupart des membranes employées actuellement sont constitués de canaux" constituées "intégrant une colonne de chauffage pour évacuer l'humidité." ça fait sourire quand on filtre de l'eau salée pour produire de l'eau plate, c'est humid...

à écrit le 21/09/2022 à 7:49
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Comment peut on panquer d'eau douce avec le petit Rhone, il faudrait surtout retenir l'eau de pluie en créant de nouveaux lacs et barrages qui pourraient produire de l'electricité aussi :) :)

le 21/09/2022 à 10:35
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Quand il ne pleut plus, ou l'équivalent de 6 mois de pluie tombe en 2 heures sur une surface limitée, c'est pas facile à gérer. Vous proposez des "bassines" qui collectent l'eau de pluie et une turbine qui fait du courant quand elle coule vers la ri...

à écrit le 20/09/2022 à 18:58
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Dessaler l'eau de mer par osmose inverse necessite des installations colossales ET une quantite d'énergie non moins colossale. ( je laisse faire les matheux pour les calculs, nous donner le prix du M3 d'eau dessalee et le bilan carbone de l'opération...

le 21/09/2022 à 9:40
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valbel89 - c'est sûr, les régions du globe sans une goutte d'eau à boire se pose surement la question de l'impact carbone/énergétique plutot que celle de comment étancher leur soif. Quelle clairvoyance!

le 21/09/2022 à 12:12
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Les Pays Bas recharge les nappes phréatiques en stress avec de l'eau provenant d'usine de dessalement. Que les Pays Bas nous soient plus intelligents était une certitude, plus efficient également mais que nous reste t'il alors ? Valbel bien sur !

le 21/09/2022 à 12:12
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Les Pays Bas recharge les nappes phréatiques en stress avec de l'eau provenant d'usine de dessalement. Que les Pays Bas nous soient plus intelligents était une certitude, plus efficient également mais que nous reste t'il alors ? Valbel bien sur !

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