Comment l’Occitanie veut lutter contre ses (trop nombreux) accidents du travail

A mi-parcours du Plan Régional Santé Travail en Occitanie, les services de l’Etat qui pilotent la démarche font un point d’étape. Une manière de faire une petite piqûre de rappel sur ce sujet sensible qui se traduit par près de 55 000 accidents du travail en un an sur le territoire de l’Occitanie.
Cécile Chaigneau
(Crédits : DR)

« Il ne se passe pas un jour sans que je reçoive le compte rendu d'un accident du travail grave sur le territoire, et en moyenne un accident mortel par semaine, déplore Christophe Lerouge, directeur régional de la Direccte (Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi), le 24 janvier, lors de la présentation d'un bilan à mi-parcours du Plan Régional Santé Travail (PRST) 2016-2020. Derrière chaque accident, il y a un drame personnel et cela a un impact sur la vie de l'entreprise. Il y a nécessité d'une vraie prise de conscience. »

En 2016, l'Occitanie a enregistré 54 825 accidents du travail avec arrêt (pour les salariés relevant du régime général), dont 3 013 sont considérés comme graves, 51 sont mortels, et 6 720 sont des accidents de trajet.

« Le risque routier est le principal risque, avec plus de 50 % des accidents mortels qui sont des accidents de la route », précise Christophe Lerouge.

Fréquence des accidents : l'Occitanie mauvaise élève

Deux secteurs d'activité regroupent une part plus importante des accidents du travail qu'ils ne représentent de salariés : la construction ainsi que celui du commerce de gros et de détail, des transports, de l'hébergement et de la restauration.

L'Occitanie se situe au-dessus de la moyenne nationale pour ce qui est de l'indice de fréquence des accidents du travail avec arrêt : 38,8 ‰ contre 33,9 ‰ au national en 2015*, dans des secteurs employant le plus de salariés : l'hébergement médicalisé pour personnes âgées, la grande distribution et les activités des agences de travail temporaire.

Concernant les maladies professionnelles avec arrêt, la Carsat en a comptabilisé 2 492 en 2016, dont 1 247 avec incapacité permanente et 19 mortelles. Les troubles musculo-squelettiques (dit TMS) représentaient 87 % des cas.

Prise de conscience

Une fois établi un diagnostic par zone d'emploi, s'appuyant sur des données chiffrées 2016, la feuille de route du PRST a été dressée par les partenaires sociaux, les acteurs de la prévention, la Direccte, la Carsat, l'Aract, l'OPPBTP et les services de santé au travail. Elle comprend 21 mesures à décliner auprès des petites entreprises du territoire de l'Occitanie, lequel compte 189 096 entreprises dont 164 914 (87,2 %) de 1 à 9 salariés...

« Il y a encore beaucoup à faire en terme de prise de conscience dans les petites entreprises, concède Christophe Lerouge. Plus l'entreprise est petite et moins les processus sont cadrés... Il faut leur faire comprendre que les accidents du travail ou les maladies professionnelles ont un coût pour l'entreprise. »

Parmi les mesures prioritaires du PRST figurent celles portant sur le risque « amiante », sur les pesticides ou produits chimiques dans le monde agricole, sur le risque routier et sur le maintien dans l'emploi des salariés affectés.

« Nous avons organisé, avec les organismes de formation, des actions de sensibilisation pour le secteur du BTP et le secteur agricole, notamment sur la déconstruction et le désamiantage des bâtiments, indiquent Christophe Lerouge et son adjoint. 2 000 interventions ont été effectuées sur le sujet amiante par les services de l'inspection du travail dans la région l'an dernier. »

Pour mémoire, quelque 175 inspecteurs du travail exercent en Occitanie, pour 1,2 millions de salariés et 189 000 entreprises...

Agriculture, glyphosate et autres fongicides

Concernant les produits phytopharmaceutiques utilisés dans l'agriculture, le diagnostic révèle « une exposition importante liée au poids de certains secteurs d'activité comme la viticulture, l'arboriculture et les grandes cultures principalement ».

« En 2016, 10 775 tonnes de substances actives ont été commercialisées en Occitanie, dont les 2/3 sont des fongicides (forte représentations de cultures pérennes, particulièrement dans le Gard, l'Hérault, l'Aude et le Gers), note la Direccte. Le soufre et le glyphosate (1 321 T) sont les substances actives les plus vendues. 77 % de quantités de substances actives vendues présentent un risque pour la santé et 12 % sont classées cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques. »

Là aussi, c'est la sensibilisation et la formation aux bonnes pratiques qui sont privilégiées pour réduire l'exposition aux produits néfastes.

Même démarche pour appuyer sur le risque routier, première cause d'accident mortel lié au travail, ou sur le risque de « désinsertion » professionnelle favorisé par le manque d'information, par la méconnaissance des maladies et de ses impacts sur le travail ou par la trop grande rigidité des organisations.

A quand le big-bang ?

Quid du rapport Lecocq « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée », portant sur l'évaluation de la performance du système de prévention des risques professionnels et sur les moyens d'améliorer sa performance ? Remis l'été dernier au gouvernement, il préconisait notamment une importante refonte de l'organisation des acteurs du secteur à l'échelle nationale et régionale...

« Rien pour le moment, mais des groupes de travail ont été constitués pour y travailler », répond Christophe Lerouge.

Le 31 janvier prochain, près de Carcassonne, l'Aipals, service de santé au travail (SSTI) sur le Grand Montpellier, organisera la 2e édition d'un « living lab » (la 1e édition avait eu lieu en février 2018), élargi à l'ensemble des services de santé au travail de l'Occitanie, soit 17 SSTI sur les 22 que compte la région.

« C'est la première fois en France qu'autant de services de santé au travail se réunissent à une telle échelle au sein d'un laboratoire d'idées, souligne Frédéric Bonnet, directeur adjoint de l'Aipals. En toile de fond, il sera notamment question du rapport Lecocq, qui préconise un véritable big-bang dans le domaine de la santé au travail avec, entre autres, une fusion de tous les acteurs à l'échelle des régions. »

* Donnée la plus récente de la Carsat Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.

Cécile Chaigneau

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