Michel Picon, président de l’UNAPL : « Je ne lâche rien »

Alors que le gouvernement a mis en place un fonds de solidarité national, Michel Picon, président de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) mobilise sa confédération intersyndicale pour faire élargir les conditions attachées au fonctionnement de ce dispositif. Assureur Axa au Grau-du-Roi (Gard) depuis 40 ans, il évoque également les engagements des assurances. Tour d’horizon.
Michel Picon, président de l'UNAPL.
Michel Picon, président de l'UNAPL. (Crédits : DR)

L'Union nationale des professions libérales (UNAPL) regroupe 67 syndicats et associations représentatifs de toutes les professions libérales dans la santé, le droit, le technique et le cadre de vie. Elles représentent plus de 28,2 % des entreprises, soit plus de 2,3 millions d'actifs produisant près de 11 % de la valeur ajoutée.

La Tribune : A pied d'œuvre le week-end dernier, votre mobilisation a porté ses fruits puisque le gouvernement a annoncé, lundi 30 mars, l'éligibilité des professions libérales au fonds de soutien...

Michel Picon, président de l'UNAPL : « Oui, c'est une belle avancée. Jusqu'à présent, les professions libérales étaient exclues des mesures mises en place par le gouvernement, en négociation avec les organisations syndicales et professionnelles des indépendants. Je pense qu'il y a une idée qui prévaut, celle que les professionnels libéraux sont "blindés" ! Sauf que c'est une image d'Epinal. Il y a par exemple des tas de nouveaux métiers comme le coaching, le bien-être ou plus classiquement les praticiens de santé - podologue, orthophonistes, etc. - qui n'ont pas des revenus exceptionnels. Nous nous sommes donc un peu agités, le gouvernement a rectifié le tir. »

Ce rectificatif du projet de décret induit-il la possibilité, pour les professions libérales, de pouvoir bénéficier du dispositif de chômage partiel ?

« Nous sommes intervenus auprès de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, pour que les professions libérales ne soient pas exclues du dispositif. L'idée n'est pas d'avoir plus mais de ne pas avoir moins que les autres. 25 % des libéraux sont des employeurs, je pense par exemple aux kinésithérapeutes, aux experts-comptables, aux cabinets d'architecture... La ministre a entendu et accepté d'étendre le dispositif non seulement aux professionnels libéraux mais aussi aux professionnels du bâtiment. »

Pour pouvoir bénéficier de cette aide, il faut remplir plusieurs conditions. Quelles sont les avancées obtenues par l'UNAPL ?

« Cette prime de 1 500 € est réservée aux entreprises de moins de 10 salariés, réalisant moins d'1 M€ de chiffre d'affaires et ayant déclaré moins de 60 000 € de résultats. Jusqu'à présent, il fallait démontrer qu'entre mars 2019 et mars 2020, la baisse de chiffre d'affaires était au moins de 70 %. Or la plupart des entreprises ont travaillé à peu près normalement jusqu'au 15 mars. L'UNAPL a donc ferraillé. Sous la pression des organisations professionnelles mais également des parlementaires, mardi (31 mars, ndlr) après-midi, Bruno Le Maire a fini par accepter d'abaisser le taux à 50 % pour le mois de mars. »

Sur quel dossier travaillez-vous actuellement ?

« Il en reste un à valider, celui des arrêts de travail indemnisés permettant de garder ses enfants à domicile. Hormis les médecins - dépendant de la Cnam -, les libéraux, ne cotisant pas à l'assurance maladie, n'ont pas droit aux indemnités journalières. Parfois, ils peuvent être indemnisés par leur caisse de retraite mais s'ils ont pris chez leur assureur un contrat de type Madelin, ils ont une franchise de 30 à 90 jours. Depuis le début de la crise, je suis assailli de demandes de jeunes femmes, notamment des avocates, qui sont obligées de rester chez elles et se retrouvent dans des situations très compliquées. Nous avons fait une demande en ce sens et l'UNAPL essaie d'obtenir des budgets par fonds intercaisse, entre le fonds d'action social des professions libérales et la sécurité sociale. C'est un sujet sur lequel je ne lâche rien. J'espère qu'à la fin de la semaine, j'aurai abouti. »

Vous évoquez le SSI (ex-RSI). Des demandes d'aides financières exceptionnelles sont-elles envisageables ?

« Le SSI va en effet débloquer des aides pouvant aller de 500 à 2 000 €. Les dossiers sont faciles à monter. Les aides sont octroyées par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) mais les demandes doivent être transmises à la branche recouvrement et les Urssaf*. La réponse est donnée en ligne. »

Sur ce fonds de solidarité, il ne reste donc qu'un dossier en cours, les indemnités journalières. Quel va être votre futur champ d'action ?

« Nous allons nous préoccuper de l'application sur le terrain des mesures décidées par le gouvernement. Tous les lundis, nous faisons remonter les retours aux différents ministres concernés. Le 1er avril, je réunis l'ensemble de mes organisations territoriales pour la mise en place d'un maillage avec les syndicats de chaque département. Cela va permettre de mesurer l'application de ce que nous avons négocié. On ajustera le tir s'il y a des carences. »

Les assureurs, dont vous faites partie, se sont engagés à contribuer à hauteur de 200 M€ au fonds de solidarité (évalué à 1,2 Md € pour le seul mois de mars). Un peu insuffisant ?

« Il n'est pas dit que d'autres budgets ne soient pas alloués... D'autre part, les assureurs se sont engagés à différer le paiement des loyers pour les PME et TPE installées dans leur parc locatif, la mesure se limitant aux entreprises contraintes à la fermeture (arrêtés des 14 et 15 mars 2020, ndlr). La FFA a également confirmé le maintien des couvertures, même lorsque la cotisation n'a pas été versée à temps, et la prise en charge des indemnités journalières des personnes en affection de longue durée ainsi que des femmes enceintes placées en arrêt de travail dans la limite de 21 jours. »

Il n'y a bien sûr aucune garantie sur les pertes d'exploitation. Peut-on imaginer que cette pandémie donne lieu à un nouveau produit d'assurance pour améliorer la couverture des risques sanitaires majeurs ?

« Contrairement aux catastrophes naturelles - ouragans, inondations, tempêtes -, la pandémie affecte la France entière. Pour qu'un fonds soit efficient sur un sinistre qui touche l'ensemble du pays, voire le monde entier, il faut trouver des sources de financement exceptionnels de plusieurs milliards. Les assureurs se sont engagés à y réfléchir, la réponse est peut-être européenne. Il est temps que les différents États se rapprochent et œuvrent ensemble. »

* Demande en ligne sur le site www.secu-independants.fr.

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