En Occitanie, le transport routier très fragilisé par la crise du Covid-19

D’après une enquête de la FNTR Occitanie, plus de 80 % des entreprises du secteur du transport sont à l’arrêt total ou en activité partielle. Cette désorganisation complète des flux génère parfois une augmentation du coût du transport. Mais aussi des initiatives.
Si l'activité des transporteurs routiers se poursuit, elle est globalement affectée par la crise sanitaire du Covid-19.
Si l'activité des transporteurs routiers se poursuit, elle est globalement affectée par la crise sanitaire du Covid-19. (Crédits : DR)

« La crise du Covid-19 se fait sentir dans tous les secteurs et celui du transport n'échappe pas à la règle : plus de 80 % des entreprises du transport connaissent un arrêt total ou partiel de leur activité mais il existe de fortes disparités selon les domaines d'activité », résume Christophe Charlon, co-président de la FNTR Occitanie, organisation qui compte 400 adhérents et représente 55 % des salariés du transport routier.

Alors que près de 6 camions sur 10 sont à l'arrêt (enquête du FNTR), les entreprises transportant de l'alimentaire ont subi une moindre baisse de leur activité.

A l'annonce du confinement, l'effet de surstockage des consommateurs a même engendré un surcroit d'activité, stabilisé aujourd'hui. A Perpignan, par exemple, le marché Saint-Charles fonctionne normalement.

L'impossible équilibre du fret

Globalement, le flux de marchandises alimentaires destinées à la grande distribution est régulier. Mais selon Christophe Charlon, le problème est ailleurs.

« Les transporteurs routiers travaillent majoritairement en complément de charge, c'est à dire qu'ils ont un fret aller pour un client mais aussi un fret d'équilibre pour le retour leur assurant l'équilibre financier, explique-t-il. Or la fermeture de quasiment toutes les industries a généré la disparition du fret retour. »

Une problématique que rencontre l'entreprise héraultaise Rouillé et Coulon, qui gère une flotte de 130 véhicules.

« Nous avons réussi à maintenir 65 % de l'activité grâce à notre forte implication dans le transport de marchandises pour la grande distribution, en amont pour l'approvisionnement sur les bases, comme en aval pour l'approvisionnement entre les bases et les points de vente, souligne Eric Rosay, directeur administratif et financier de Rouillé et Coulon. Mais toute l'organisation est basée sur l'équilibre du fret, impossible actuellement... S'ajoute également une nouvelle problématique : le nombre de kilomètres qui a très peu diminué, - 25 %, au regard de la baisse d'activité, - 40 %. »

Face à ce déséquilibre de fret, certains transporteurs ont annoncé à leurs clients une hausse de tarifs.

« Ce n'est pas de l'opportunisme, comme on a pu l'entendre, s'insurge Christophe Charlon. Aujourd'hui, le transport, c'est 1 à 2 % de marge nette, alors imaginez si vous perdez 40 % de chiffre d'affaires sur le fret retour. Cette augmentation demandée par les transporteurs est temporelle et conjoncturelle. »

De son côté Eric Rosay affirme « travailler en concertation avec les fournisseurs pour essayer de trouver des accords, qu'ils soient financiers ou en termes de flux ».

« Quand les TP toussent, tout le monde s'enrhume »

Si le transport alimentaire fonctionne à peu près normalement, ce sont des pans entiers de l'activité qui sont aujourd'hui à l'arrêt. C'est le cas du fret industriel, des containers - les marchandises sont sur stockées dans les entrepôts - et des travaux publics.

« Quand les TP toussent, tout le monde s'enrhume, argue Christophe Charlon, également dirigeant des Transports Charlon à Sète (34). Notre activité de bennes est à l'arrêt total. Après un regain d'activité à l'annonce du confinement, le transport de carburant-citerne, qui représente généralement 25 % de notre activité globale, a chuté de 80 %. L'activité des containers est réduite à 25 %, tout comme nos importations en Turquie. Quant à l'activité de citerne alimentaire pour le vin, elle tourne à 40 % de sa capacité. L'année 2020 risque d'être une année noire pour le transport routier. »

Parmi les entreprises interrogées dans le cadre de l'enquête FNTR, 22 % estiment qu'elles devront cesser totalement leur activité si la situation perdure. Les entreprises les plus impactées sont celles qui emploient moins de 10 salariés.

Être réactifs

Alors que sa flotte de 160 camions et de 20 engins de travaux publics (dédiés à la location) est à l'arrêt complet depuis le début du confinement, Nicolas Prunières, jeune dirigeant des Transports Prunières à Poussan (34) ne se laisse pas abattre.

« Nous sommes un maillon dans la chaîne des TP et depuis le début du confinement nous attendions avec impatience la publication du guide de préconisations sanitaires (réalisée par l'OPPTP et validé par le gouvernement le 2 avril 2020, NDLR), déclare-t-il. L'une des préoccupations majeures étant d'éviter les contacts physiques entre collaborateurs, nous venons de développer une application mobile permettant l'accès direct à des documents de travail dématérialisés pour la facturation, les suivis de fournisseurs ou les suivis de production. Téléchargeable en deux clics, cette application est gratuite pour nos clients. Dans ce contexte compliqué, il nous parait primordial d'être réactifs et force de propositions pour accompagner nos clients. »

Très réactif également, l'AFT (Association pour le développement de la formation professionnelle Transport et Logistique) a lancé une bourse d'échange de personnels gratuite via une plate-forme baptisée « Transport solidaire ». Objectif ? Permettre aux entreprises sous tension de répondre aux enjeux d'approvisionnement tout en facilitant le maintien dans l'emploi des salariés d'entreprises impactées défavorablement.

Elan de solidarité

Depuis l'intervention du secrétariat aux Transports visant à faire rouvrir les aires de repos et permettre aux routiers d'utiliser les sanitaires et de se restaurer, la situation est peu à peu rentrée dans l'ordre.

« Aujourd'hui, 95 % des aires sont ouvertes », se félicite Christophe Charlon.

Mieux encore, un élan de solidarité s'est mis en place, comme sur l'aire du Village catalan et sur l'aire d'Ambrussum où des food-trucks proposent aux chauffeurs, deux fois par semaine, un repas gratuit. La FNTR a d'ailleurs mis en place une carte de solidarité permettant aux chauffeurs d'identifier les endroits où ils peuvent manger, se doucher et se reposer.

Mais la question des mesures de protection sanitaire n'est pas réglée, même si de nombreux efforts, jugés encore insuffisants par certains syndicats, ont été consentis.

« Il y a une prise de conscience qui se généralise de la part des employeurs mais également des clients pour garantir la continuité des opérations de transport dans les meilleures conditions possibles », assure Christophe Charlon.

Déséquilibre de fret, stress, désorganisation... Le redémarrage dans le secteur routier risque d'être progressif, à l'image du déconfinement qui s'annonce complexe.

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