Covid et administration : pourquoi le P-dg de Duo s'apprête à licencier 35 salariés

Dans cette crise sanitaire qui frappe le monde économique, les entreprises se battent et se débattent pour se maintenir à flot. Dans l’Hérault, Philippe Beille, le P-dg de l’entreprise Duo (conception de stands pour salons), se heurte à l’écueil des codes APE et à une non-réponse de l’administration qui pourrait le conduire à licencier du personnel. Explications.
Cécile Chaigneau
L'entreprise héraultaise Duo conçoit, fabrique et installe des stands pour les entreprises participant à des salons.

Philippe Beille, le P-dg de l'entreprise héraultaise Duo, est en colère et dans l'incompréhension. Et il l'a fait savoir le 28 août dernier à Alain Griset, le ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargé des petites et moyennes entreprises, alors en déplacement dans l'Hérault.

« Nous fabriquons des stands pour les entreprises participant à des salons et comme il n'y a plus de salons, notre activité s'est arrêtée, a-t-il expliqué. Pour autant, nous ne sommes pas classés dans le secteur événementiel et nous ne sommes donc pas sûrs de pouvoir bénéficier de certaines aides car nous ne sommes pas dans la bonne case APE ! »

Quelques jours plus tard, l'amertume est toujours là. Philippe Beille dirige Duo à Lansargues, depuis qu'il l'a reprise en 1996. Entreprise de menuiserie aluminium à son origine, Duo est aujourd'hui spécialisée dans la conception, la construction et l'installation de stands pour salons et congrès, et officie partout dans le monde.

Mais en période de crise sanitaire mondiale, le secteur de l'événementiel est parmi les plus touchés : plus de salons ni de manifestations en tout genre. L'activité de Duo est donc au ralenti.

« On pensait que l'activité reprendrait plus normalement en septembre ou octobre mais les rassemblements de plus de 5 000 pers sont interdits jusqu'au 1e novembre, s'inquiète le dirigeant. On ne peut faire que de petits congrès. Il faut tenir le temps de cette traversée du désert. »

« Une épée de Damoclès sur la tête »

Alors pour tenir, Philippe Beille a fait comme tout le monde, ou presque. Il a sollicité le prêt garanti par l'État (PGE), qu'il a obtenu, - « mais le PGE est là pour redémarrer mais il va falloir le rembourser ! », lance-t-il - et le chômage partiel, dont la prise en charge à 100 % est désormais réservée aux secteurs de l'hôtellerie, restauration, cafés, tourisme, événementiel, sport et culture.

Or aujourd'hui, le dirigeant est dans une impasse : « L'administration n'arrive pas à se positionner en raison de notre code APE et ne valide donc pas notre éligibilité au maintien de la prise en charge à 100 % du dispositif de chômage partiel. On nous dit de cocher les cases et qu'il conviendra de démontrer qu'on remplit bien les conditions en cas de contrôle. C'est comme une épée de Damoclès sur la tête ! Oui, nous réalisons des constructions métalliques mais c'est pour la fabrication de stands, dans le cadre de salons ou congrès. C'est donc bien de l'événementiel. J'ai un certificat de mon commissaire aux comptes et des attestations que nos clients travaillent dans l'événementiel. Mais depuis le 5 juin, je n'ai aucune réponse ! Et le ministre que j'ai interpellé le 28 août n'a pas non plus apporté de réponse... »

En effet, ce jour-là, le ministre Alain Griset avait déclaré : « Quand on parle d'événementiel, on parle de centaines de métiers et il y en aura toujours un qui passera à côté car il n'a pas le bon code APE. J'ai eu de nombreux courriers sur mon bureau à ce sujet, comme par exemple les traiteurs qui n'ont pas le code APE de traiteur car ils sont aussi bouchers ou charcutiers. Comment faire ? On n'a pas trouvé pour le moment. Après la crise, on tirera conséquence de tout ça pour simplifier et mieux organiser les professions ».

« Le pire des scenarii »

« Il est normal qu'il y ait de l'incertitude en ce moment, mais je suis condamné par cette non-réponse de l'administration !, regrette Philippe Beille. Je considère donc que c'est non et je m'inscris dans le pire des scenarii... Alors en attendant que notre activité redémarre, je vais lancer un plan de sauvegarde de l'emploi qui pourrait concerner 35 personnes sur 85 en France. C'est une décision rude que je vais devoir prendre pour sauver l'entreprise. »

Il ne s'agit pas d'une menace en l'air. Le chef d'entreprise assure que la procédure devrait être lancée ce jeudi 3 septembre auprès de la Direccte (direction régionale des entreprise, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi). L'administration même dont il attend une réponse sur l'éligibilité de Duo au chômage partiel pris en charge à 100 %...

« C'est absurde car c'est la Direccte elle-même qui éventuellement nous contrôlerait donc on ne comprend pas pourquoi elle ne peut pas se prononcer maintenant, soupire-t-il. Absurde et douloureux. J'aimerais que les politiques en région nous aident et demandent à la Direccte de se prononcer sur notre éligibilité au dispositif. »

Si Duo emploie 85 personnes en France, elle est aussi implantée en Allemagne (10 personnes), au Canada à Montréal (40 personnes) et aux États-Unis (8 personnes), et réalise 60 % de son chiffre d'affaires (15 M€ en 2019) à l'export.

« On est bien capitalisé, Duo est une société très rentable, innovante, avec d'importants contrats de 3 ans signés, en Allemagne notamment, rappelle Philippe Beille. On n'est pas menacés, mais c'est la 1e fois qu'on perd de l'argent ! Notre filière dit qu'elle serait heureuse si on réalise, au 1e semestre 2021, 50 % du chiffre d'affaires du 1e semestre 2019. »

Cécile Chaigneau

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