Ph. Lamouroux, président des experts-comptables à Montpellier : "On va se heurter à un double mur"

Témoins des turbulences qui ont secoué et secouent encore les TPE-PME de la région qu’ils accompagnent au quotidien, les experts-comptables sortent de la crise sanitaire « éreintés mais grandis », assure le Philippe Lamouroux, le président du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables région Montpellier. Mais la rentrée s’annonce délicate...
Cécile Chaigneau
Philippe Lamouroux, président du Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables région Montpellier.
Philippe Lamouroux, président du Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables région Montpellier. (Crédits : DR)

C'est une assemblée générale amputée de sa dimension conviviale et festive qui attendait, le 11 septembre au Cap d'Agde, le Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables région Montpellier. Si 500 personnes ont pu prendre place dans le grand Palais des congrès de la ville, en présence notamment de Charles-René Tandé, le président du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables, elles ont toutefois été privées, en raison des mesures sanitaires obligatoires, du cocktail et de la soirée networking habituels.

Une AG qui était aussi la dernière du genre puisque la structure (1 030 experts-comptables) disparaîtra le 8 décembre prochain en étant absorbée par l'Ordre toulousain (860 experts-comptables) pour former un Conseil régional de l'Ordre à l'échelle de l'Occitanie. A Montpellier ne subsistera « qu'une représentation territoriale ordinale ».

Le président de la région de Montpellier, Philippe Lamouroux, qui s'est battu contre cette réforme, est amer et regrette la verticalité de Bercy, qui « ne veut qu'une seule tête ».

« On va à l'encontre du sens de l'histoire, à l'heure où tout le monde défend les "territoires" et la "proximité", soupire-t-il. On ne touche pas à un seul subside de l'État, alors pourquoi ne nous laisse-t-on pas faire ? On va perdre des ressources humaines. C'est dommage pour l'écosystème montpelliérain qui va être appauvri... Cette réforme se fera sans moi, d'autant que je suis basé à Alès, c'est-à-dire à 3h30 de Toulouse ! »

« Éreintés mais grandis »

Pour les experts-comptables, la période de confinement a été très dense, marquée par un accompagnement renforcé des entreprises sur les différents dispositifs de soutien mis en place par l'État (chômage partiel, aide du Fond de solidarité, aides régionales, PGE...).

« Cette crise a valorisé notre profession, on en sort éreintés mais grandis, souligne Philippe Lamouroux. La profession a su s'organiser très rapidement, notamment grâce à la digitalisation avancée des cabinets. Il a fallu gérer tous les accès aux dispositifs avec parfois des barrages administratifs quasi insurmontables. Dès le 15 avril par exemple, nous avions 2 500 dossiers d'inscription à l'activité partielle que les entreprises n'arrivaient pas à faire prendre en compte et qu'il a fallu régulariser avec la Direccte. C'est dommage mais on n'a pas entendu les ministres remercier les experts-comptables... »

L'occasion, pour ces professionnels, de montrer et démontrer leur valeur ajoutée sur le créneau du conseil et de l'accompagnateur d'entreprises : « Cette crise a valorisé la marque expert-comptable plus "expert" que "comptable" ! La loi PACTE nous permet de valoriser des compétences spécialisées, avec une mission de délégation administrative. La profession a un réel avenir car les entreprises ont de plus en plus besoin de nous. Nous avons développé des formations au Conseil régional de l'ordre, notamment sur l'accompagnement à la gestion de patrimoine, sur la stratégie d'entreprise, sur la RSE ».

« On va avoir de la casse »

Dans le contexte économique et sanitaire trouble, les experts-comptables accueillent favorablement le plan de relance du gouvernement, mais avec un bémol : une politique de l'offre au détriment de la demande.

« Notre inquiétude, c'est qu'il est totalement axé sur un plan de soutien, et ne prévoit que peu de choses pour inciter la demande, pointe Philippe Lamouroux. Quand on sait que les Français ont fait plus de 60 Mds € d'économies, ce serait bien d'aller chercher ne serait-ce qu'un peu de cet argent pour qu'il soit réinjecté dans l'économie. »

Le retour du commissariat au plan ? « Ça n'a aucun intérêt ! Il vaudrait mieux donner plus de délégation aux préfets et de l'air aux territoires... », répond l'expert-comptable.

Sa première inquiétude pour les prochains mois cible la capacité des TPE-PME qui ont sollicité le PGE à le rembourser à compter de mai 2021 et pour les cinq années suivantes, alors qu'elles ne dégageront pas un volume d'activité et de rentabilité suffisant.

« Elles n'y arriveront pas, lance-t-il. Il aurait été bien de prévoir un dispositif de remplacement du PGE par des quasi fonds propres, des emprunts participatifs, sur une durée plus longue. Même si le gouvernement dit y réfléchir, ce n'est pas dans le plan de relance aujourd'hui ! Il va falloir trouver des solutions avant avril 2021 sinon, on va avoir de la casse, c'est évident... »

100 Mds €, mais quand ?

S'il se projette dans les mois qui viennent, Philippe Lamouroux n'est pas très optimiste.

« On va se heurter un double mur : le premier, cet automne, ce sera moins d'activité et des conditions de travail dégradées, donc moins de rentabilité, alors que dans le même temps, les entreprises vont devoir commencer à rembourser les emprunts suspendus, l'URSSAF, etc. On risque les dépôts de bilan dès la fin d'année. Et le 2e mur sera donc au printemps 2021, au moment où on sortira les bilans qui ne seront forcément pas bons et qu'il faudra commencer à rembourser le PGE. Si les entreprises ont besoin de nouveaux emprunts pour financer un redémarrage ou une croissance, elles ne pourront pas le faire car les banques ne prêteront pas. »

S'il ne pense pas que les entreprises doivent tout attendre de l'État, il aimerait qu'on leur laisse « plus de liberté ». Et craint que les 100 Mds € octroyés par le Plan de relance tardent à se traduire en crédits sonnants et trébuchants sur le compte des entreprises...

Quant aux création d'emplois attendues, il met en garde : « Elles ne pourront pas se faire tant que l'incertitude sanitaire persistera, car le pire pour l'entreprise, c'est l'incertitude. Je ne vois pas un redémarrage de l'emploi tant qu'il n'y aura pas de visibilité sur l'activité, et c'est dommage pour les 700 000 jeunes qui arrivent ».

Cécile Chaigneau

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