Micro-crédit : l’Adie Occitanie a versé 900 000 € à près de 300 entreprises

Après une période de ralentissement ou d’arrêt d’activité pour beaucoup de micro-entrepreneurs, l’Adie Occitanie, qui finance des entreprises via le micro-crédit, a constaté une forte demande de financement chez les micro-entrepreneurs, et leur a versé 900 000 € entre mai et septembre. Entretien avec Ludovic Panyasiri, directeur territorial Littoral Occitanie pour l’Adie.
Cécile Chaigneau

L'Adie défend le droit à l'initiative économique en permettant à des personnes qui n'ont pas accès au système bancaire traditionnel de créer leur propre entreprise grâce au micro-crédit accompagné. Dans les temps difficiles qu'impose la pandémie mondiale du Covid-19, les micro-entrepreneurs financés et accompagnés par l'Adie sont eux aussi fragilisés. En ce début du mois d'octobre, l'association a organisé des rencontres sur les territoires pour rappeler le principe du micro-crédit.

Pouvez-vous redéfinir ce qu'est le micro-crédit et à qui il s'adresse ?

Ludovic Panyasiri : « Il s'agit d'un emprunt bancaire, qui se fait en Occitanie, sur l'ex-Languedoc-Roussillon, avec nos partenaires que sont la Banque Populaire du Sud et le Crédit Agricole du Languedoc. La banque prête à l'Adie, et l'Adie prête aux micro-entrepreneurs et rembourse la banque tous les trois mois, quel que soit le niveau de remboursement de nos clients. Nous prêtons au taux de 7,45 % - un taux en baisse sur les dix dernières années - et en général, l'emprunt est couplé avec un prêt d'honneur à taux zéro grâce aux partenaire publics ou à des fondations privées. Nous imposons une contribution de solidarité de 5 %, qui correspondent à des frais de dossiers et à l'accompagnement et le coaching post création pendant trois ans. »

Qui sont les micro-entrepreneurs que vous accompagnez ?

« Notre public sont ceux qui vent lancer un projet mais n'ont pas accès au crédit bancaire car ils sont au chômage ou perçoivent les minima sociaux, des jeunes sans expérience parce qu'ils sortent juste des études, des séniors qui veulent lancer petite activité en complément de leur retraite et qui n'intéressent pas les banques, ceux qui n'ont pas d'apport, ceux qui ont accident de parcours financier et sont fichés à la Banque de France... Nous accompagnons aussi des entrepreneurs qui sont déjà en activité mais ont besoin d'un coup de pouce de moins de 10 000 €. Ceux-là représentent 70 % de notre public. Enfin, nous accordons des micro-crédits à des personnes en recherche d'emploi ou qui risquent de le perdre car elles ont des problèmes de mobilité. Parmi les personnes aidées, 35 % sont bénéficiaires des minima sociaux, 25 % sont issues des quartiers prioritaires, 20 % n'ont aucun diplôme, 40 % sont des femmes, 20 % ont moins de 30 ans et 20 % plus de 50 ans. En 2019, 22 000 personnes ont été aidées au niveau national, pour un micro-crédit moyen de 4 000 €, et de 3 000 € sur la mobilité. Le taux de remboursement sur le Languedoc-Roussillon en 2019 était de 98 %, donc loin des idées reçues... Et le taux de pérennité est de 75 % des micro-entreprises encore en activité après deux ans, 2/3 après 3 ans. »

Combien de micro-crédits avez-vous accordé en 2019 sur votre périmètre (Hérault, Aude et Pyrénées-Orientales) ?

« Sur l'Hérault, 900 000 € prêtés, 156 entreprises financées dont 100 en création et 56 en refinancement, 230 emplois créés ou maintenus, et 75 personnes financées sur la mobilité. Sur l'Aude, 370 000 € prêtés, 53 entreprises financées dont 40 en création et 13 en refinancement, 95 emplois créés ou maintenus, et 42 personnes financées sur la mobilité. Enfin sur les Pyrénées-Orientales, 225 000 € prêtés, 43 entreprises financées dont 27 en création et 16 en refinancement, 63 emplois créés ou maintenus, et 20 personnes financées sur la mobilité. »

Comment votre écosystème a-t-il réagi à la crise et comment avez-vous soutenu les micro-entrepreneurs ?

« Nous avons observé un élan de solidarité entre les micro-entrepreneurs pour mutualiser leurs connaissances, leurs expériences, s'entraider dans les compétences, monter des collectes... A l'Adie Occitanie, nous avons repris contact les 1 500 micro-entrepreneurs au moins une fois par mois pour prendre des nouvelles car ils sont par nature isolés. Leur difficulté principale était évidemment la trésorerie. Nous les avons accompagnés sur l'accès aux dispositifs de soutien de l'État. Et nous avons organisé le report des échéances mensuelle. Et à partir de mai, nous avons mis en place un plan de relance.  L'été a confirmé la volonté de reprise et le regain de dynamisme des acteurs d'Occitanie. Aux côtés des professionnels de la région, l'Adie a constaté une forte demande de soutien et de financement, de la part des entrepreneurs déjà en activité comme des nouveaux créateurs d'entreprise. En Occitanie, les micro-crédits "relance" et les prêts d'honneur mis en place par l'association ont permis de verser 900 000 € à près de 300 entreprises entre mai et fin septembre. Beaucoup de micro-entrepreneurs ont pu refinancer leur entreprise car tous n'avaient pas accès au fonds de solidarité ou au PGE. Mais la crise n'est malheureusement pas derrière nous et il va devoir réfléchir à un 2e tour de table auprès de nos partenaires... »

Cette crise fragilise-t-elle le modèle de l'Adie ?

« Nous naviguons sans visibilité mais non, cela ne fragilise pas notre modèle. Depuis une dizaine d'années, nous avons développé un meilleur équilibre grâce à des économies d'échelle. Aujourd'hui, entreprendre fait moins peur, l'acte d'entreprendre s'est démocratisé et il y a donc de plus en plus de demandes de financements. Par ailleurs, nous disposons d'un fonds de réserve de précaution de plusieurs millions d'euros. Un tiers a été ponctionné pour passer la crise, notamment pour permettre les reports d'échéance. »

Le risque de défaillances est-il plus important aujourd'hui pour les micro-entrepreneurs ?

« Pour l'instant, cela reste de l'ordre du sentiment, mais ce n'est pas vérifié. En moyenne, les micro-entrepreneurs ont opté pour le report de trois mois d'échéances mais ils ont repris les remboursements en septembre, ou on a trouvé des solutions de rééchelonnement. Finalement, le taux de remboursement est resté stable. »

Vous attendez-vous à voir votre public-cible élargi car la crise ?

« Oui, car pour le moment, tout le monde est sous perfusion financière mais nous nous attendons à des problèmes en 2021, quand les entreprises devront commencer à rembourser et qu'elles ne pourront pas. Cela va créer du chômage et de la précarité. L'enjeu est de maintenir notre cible de créateurs d'entreprises. »

Cécile Chaigneau

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