Crise et droit social : ces questions (qui préoccupent les entreprises) scrutées lors d'un colloque à Montpellier

ENTRETIEN - Les dispositifs visant à soutenir ou à préserver l’emploi apparaissent plus que jamais comme des priorités à positionner au cœur des politiques sociales. Le 4 juin, le laboratoire École de droit social (Université de Montpellier) interroge leur fonctionnement à l’aune de la crise économique qui secoue le pays après une année sous virus, à l’occasion de son colloque "L’emploi, entre valorisation et conservation". Le point sur les questions qui se posent aux entreprises, avec Florence Bergeron-Canut, professeur de droit du travail.
Cécile Chaigneau
(Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)

L'École de droit social, laboratoire au sein de l'Université de Montpellier, organise son colloque annuel le 4 juin toute la journée (avec la possibilité de le suivre en visioconférence) sur une thématique qui prend une résonnance particulière après une année de crise sanitaire et économique : "L'emploi, entre valorisation et conservation". Alors que les entreprises, pour beaucoup sous perfusion des dispositifs d'aide durant un an, sortent prudemment de cette période de turbulence pour entrer dans un nouveau cycle potentiellement difficile, les universitaires s'interrogent sur des questions de droit auxquelles les dirigeants d'entreprise vont être confrontés et dont l'acuité est exacerbée par la crise sanitaire.

Florence Bergeron-Canut, professeur de droit du travail à l'Université de Montpelier, est la nouvelle directrice du laboratoire de recherche l'École de droit social de Montpellier (EDSM).

LA TRIBUNE - Quelle est l'ambition de ce colloque sur "L'emploi, entre valorisation et conservation" ?

Florence Bergeron-Canut - Les mutations du travail et de l'emploi s'accélèrent, les parcours professionnels sont davantage fragmentés et la situation économique des entreprises est pour certaines fragilisée. Dans ce contexte, les dispositifs visant tant à soutenir l'emploi qu'à le préserver apparaissent comme des priorités à positionner au cœur des politiques sociales. Notre intention est d'interroger les dispositifs nouveaux mais aussi ceux qui existaient avant la crise Covid, leur mise en œuvre et comment ils s'articulent entre eux. Ce sont des questions de droit et y répondre est indispensable pour que les praticiens (dirigeants d'entreprises, DRH - ndlr) puissent sécuriser leurs décisions. L'objectif est d'être pratico-pratique, car ce colloque s'adresse bien sûr à nos étudiants, mais aussi à des avocats, des DRH ou des personnes travaillant dans les services Ressources humaines des entreprises. C'est pourquoi nous faisons intervenir sur deux tables rondes ("Soutien à l'emploi : santé, handicap, formation, séniors" et "Préservation de l'emploi", NDLR) des universitaires mais aussi des praticiens pour s'enrichir mutuellement, nous sur la recherche et la doctrine, eux sur l'expérience terrain.

Vous annoncez vouloir évaluer les politiques publiques et les dispositifs, existant ou nouveaux, de soutien à l'emploi. Quelles sont les questions qui se posent de manière plus cruciale à l'aune de la crise actuelle concernant le handicap par exemple ?

Il s'agira de mettre en avant les enjeux en matière d'employabilité, de mesurer l'impact de la crise sanitaire qui a pu amplifier l'exclusion de l'emploi des publics fragiles, et de s'interroger sur les politiques de l'emploi actuelles. Par exemple, nous parlerons de la loi Avenir professionnel qui a mis en place des réformes structurelles et nous allons nous demander s'il y a une cohérence avec les mesures prévues dans le plan de relance qui lui, est plutôt sur des politiques passives (financements, aides - NDLR). Il serait peut-être pertinent d'adopter une appréciation décloisonnée dans la façon de traiter les publics fragiles, c'est à dire proposer une approche globale avec davantage d'interaction entre droit du travail et droit de la protection sociale.

Pour soutenir les entreprises durant la crise sanitaire, le gouvernement a mis en place un dispositif d'activité partielle de longue durée (APLD). Quels sont les points que vous allez soulever ?

Le dispositif d'activité partielle de longue durée a été créé par loi du 17 juin 2020 en lien avec la crise sanitaire. Il permet aux entreprises confrontées à une réduction d'activité durable de diminuer leurs horaires de travail. La plus grande originalité, c'est qu'elle ne peut être mise en œuvre que par un accord collectif d'entreprise ou par un accord de branche décliné par un document unilatéral de l'employeur, et elle doit comporter des engagements en matière d'emploi. Nous allons donc soulever quelques questions majeures pour lesquelles il n'existe pas les réponses dans les textes, aussi nombreux soient-ils sur le sujet. Par exemple, peut-on conclure un accord d'APLD dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ? Est-ce que APLD s'impose aux travailleurs protégés que sont les représentants du personnel ? Comment est sanctionné le non-respect de l'employeur en matière d'emploi ? Il s'agit de creuser les vides juridiques...

La question des accords de performance collective, que vous allez aussi examiner, pose-t-elle des interrogations nouvelles ?

Non, pas vraiment... Sur ce sujet, il s'agira plutôt de donner le résultat d'analyses de certains accords de performance collective. Les salariés consentant à des efforts collectifs, l'accord fait donc plier le contrat de travail, mais si le salarié refuse et est licencié, le législateur considère que le licenciement repose sur cause réelle et sérieuse. Il apparaitrait que dans majorité des cas, il n'y a aucun engagement en faveur de la préservation de l'emploi de la part des employeurs car ils n'y sont pas tenus...

Enfin, que dire sur le dispositif du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ?

Sur ce point, nous poserons la question sur le cadre de mise en œuvre du PSE : peut-il être mis en œuvre au niveau d'une entreprise ou d'un groupe ? L'employeur doit-il tenter de négocier un PSE avant que de l'adopter de façon unilatérale ? Nous nous intéresserons aussi à la question du reclassement des salariés, du financement des mesures et de leur proportionnalité par rapport aux moyens de l'entreprise, ainsi qu'aux particularités du PSE quand il concerne une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire.

Cécile Chaigneau

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