« Six mois d’aide en deux ans, c’est bien mais ça ne compense pas les pertes » (B. Cabiron, traiteur)

INTERVIEW - Avec les nouvelles restrictions sanitaires imposées durant trois semaines en janvier, l’année 2022 commence dans la tourmente pour le secteur événementiel, notamment pour les traiteurs, en première ligne des annulations. Le point sur la situation avec Bernard Cabiron, à la tête d’une entreprise de traiteur à Montpellier, qui est aussi président national de la branche traiteurs du GNI (groupement national des indépendants) et vice-président national de l’association Traiteurs de France en charge de l’emploi, formation et relations avec le gouvernement.
Cécile Chaigneau
Bernard Cabiron, dirigeant de Cabiron Traiteur à Montpellier
Bernard Cabiron, dirigeant de Cabiron Traiteur à Montpellier (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Comment se porte le secteur des traiteurs presque deux ans après le début de la crise sanitaire et à l'aube des nouvelles restrictions imposées par le gouvernement sur le mois de janvier ?

BERNARD CABIRON, dirigeant de Cabiron Traiteur à Montpellier, président national de la branche traiteurs du GNI (groupement national des indépendants) et vice-président national de l'association Traiteurs de France en charge de l'emploi, formation et relations avec le gouvernement - Le secteur est en difficulté. Notre activité n'est pas comparable à celle des restaurateurs : il ne suffit pas de pousser la porte pour réserver le matin pour le soir. Nous faisons un métier de programmation, avec une inertie de réservations et de commandes. Des événements qui n'ont pas lieu, ce sont des prestations qui sont perdues pour nous sur une période. Ce sera à nouveau le cas avec la crise Omicron. En temps normal, la programmation est un avantage, mais en temps de crise, c'est compliqué. Heureusement, les mesures de soutien du gouvernement ont permis de sauvegarder le secteur. Les bilans des traiteurs ont été fortement dégradés en 2020 et 2021, on manque de capitaux propres, on est endettés avec les PGE, des prêts rebonds, etc. Mais on existe encore ! Le point positif, c'est que la reprise mi-2021 a été forte et à partir de juillet, l'activité s'est rétablie. Mais c'est quatre mois sur douze ! Les aides sont arrivées un peu tard chez les grosses entreprises de traiteurs, 310 en France, à partir de décembre 2020 seulement, soit six mois d'aide en deux ans. Ça ne compense pas les pertes... Le chômage partiel a été une très bonne mesure pour que les collaborateurs gardent leur salaire et les entreprises leurs compétences, même si, comme dans la restauration, nous avons perdu des salariés. Chez moi, certains sont partis dans le bâtiment, par exemple. Aujourd'hui, le chômage partiel a été réactivé et c'est une bonne chose.

Quelles conséquences a eu l'annonce des nouvelles restrictions de ce début d'année ?

En décembre, beaucoup de cérémonies de vœux ou d'arbres de Noël avaient déjà été annulées. En janvier, tout est annulé ! Je dirais que jusqu'en mars, on est mal, sauf si la crise liée au variant Omicron se calmait. Un congrès se programme un an à l'avance. Or aujourd'hui par exemple, on ne sait pas si le Salon Millésime bio, qui a lieu du 24 au 26 janvier prochain à Montpellier, aura lieu ou non (les mesures de restrictions prises par le gouvernement valent jusqu'au 23 janvier, NDLR)...

En tant que vice-président national de l'association Traiteurs de France en charge des relations avec le gouvernement, c'est vous qui êtes à la table des négociations avec les ministres Bruno Le Maire, Élisabeth Borne et Jean-Baptiste Lemoyne. Quelles sont les dernières avancées notoires ?

Lundi, nous avons eu une réponse intéressante et probablement pas assez connue : la restauration dans les lieux de sport et de culture n'est pas autorisée debout mais elle l'est assise. Ce qui signifie que l'on peut faire des loges dans les stades ou dans les enceintes Arena par exemple. Entre Noël et le Nouvel an, nous avons redemandé la mise en place d'un appui, et nous avons obtenu le chômage partiel à 84% du salaire net pour décembre et janvier. Nous négocions un abattement sur les charges sociales pour les salariés restants car bien qu'à l'arrêt, nous avons du personnel qui continue de travailler, comme les commerciaux, les services financiers, ou encore quelques personnes en cuisine. Nous avons obtenu que l'aide aux coûts fixes réservée aux grosses entreprises de plus de 250 salariés, soit applicable à toutes les entreprises en décembre et janvier. Cela reste une usine à gaz donc j'ai demandé que pour les entreprises qui font moins de 500.000 euros de chiffre d'affaires, il y ait une aide plus simple. Enfin, nous avons demandé que le Fonds national de l'emploi, qui permet aux salariés de faire des formations pendant les périodes de chômage partiel et que nous avons beaucoup utilisé chez Cabiron, soit remis en service pour les secteurs S1 et S1bis. C'est encore en discussion mais j'ai bon espoir.

Quelles sont vos craintes aujourd'hui ?

Le PGE a été la mesure salvatrice n°1 du gouvernement. Pour son remboursement, des différés d'un ou deux ans ont été autorisés mais cela signifie tout de même qu'à partir d'avril 2022, il faudrait rembourser en quatre ou cinq années ce qu'on aurait remboursé en six. Ce qui s'avérerait compliqué vu la conjoncture ! Le problème a donc aussi été mis sur la table de Bruno Le Maire, en demandant la capacité de rembourser sur dix ans ou un moratoire de remboursement sur 2022 (le gouvernement ayant finalement retenue la première option, NDLR).

Comment se porte votre entreprise Cabiron Traiteur, près de deux ans après le début de la crise sanitaire ?

Cette semaine, nous avons zéro réception et en janvier, tout est annulé... J'emploie 25 cuisiniers et aujourd'hui, un seul travaille pour une entreprise qui nous prend des plateaux-repas de midi. L'entreprise comptait 53 salariés permanents avant la crise sanitaire (et une quarantaine d'extras selon les besoins, NDLR), nous sommes tombés à une trentaine, puis nous avons reconstitué les effectifs à l'été 2021. Nous réalisions un chiffre d'affaires de 6 millions d'euros avant la crise, qui est tombé à 2,8 millions d'euros en 2020 et sera entre 3,5 et 4 millions d'euros en 2021... Depuis avril 2020, nous nous étions réorientés vers les ventes en ligne pour les particuliers, qui représentent habituellement 30% de notre activité, afin d'avoir un peu d'activité. Nous l'avons réactivé. Mais un seul cuisinier travaille, les serveurs sont à l'arrêt et un seul des six maîtres d'hôtel travaille. Nous allons faire des rotations pour que personne ne s'éloigne trop du travail. Malheureusement, aujourd'hui, on est habitué à gérer ce type de situation...

Vous êtes notamment à l'initiative du Collectif Repère Méditerranée, qui s'est créé en novembre 2020 à la faveur de la crise et qui rassemble les acteurs de la filière événementielle sur l'arc méditerranéen. Qu'en ressort-il ?

La crise a été instructive car nous avons réussi à faire émerger cette filière événementielle qui n'avait pas de point fédérateur. Finalement, la crise sanitaire nous a rapprochés et nous a permis de se connaître et, durant la crise, de se parler. On échange les bonnes pratiques, notamment sur le calcul des aides. Il vaut mieux s'entraider et s'en sortir tous ensemble, plutôt que de couler tous ensemble.

Êtes-vous malgré tout optimiste ?

Nous faisons des métiers de fête et de gastronomie et nous avons confiance dans l'envie des gens de faire la fête, d'organiser des salons, des congrès. Tout ça reviendra. Donc nous restons optimistes, et aujourd'hui, nos collaborateurs l'ont compris.

Cécile Chaigneau

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